L’université algérienne vit une situation des plus dramatiques ces dernières années. Cela a induit des grèves, régulièrement, allant parfois jusqu’à plusieurs mois d’arrêt des enseignements.
Cela s’est aussi caractérisé par une baisse sensible du « niveau » pédagogique et scientifique des uns et des autres, un départ d’un nombre important d’enseignants-chercheurs sous d’autres cieux plus cléments, une gestion approximative basée juste sur l’achat de mobiliers et/ou la construction d’infrastructures immobilières, ainsi qu’un retard important dans la mise en place effective (et efficace) des moyens modernes de communication, en particulier, Internet. Quant à la réorganisation des enseignements, dupliquée sur le système anglo-saxon, et intitulée LMD, elle patauge parce qu’elle est mise en place par mimétisme, sans convictions et sans tenir compte des spécificités de l’environnement et de la culture nationale, ni des pathologies de l’université algérienne. Cette université, notre université, est aussi le point de rencontre d’enseignants et de scientifiques, d’intellectuels et de penseurs, de jeunes étudiants et de futurs cadres. Et nous l’aimons, malgré toutes les difficultés et vicissitudes pour s’y épanouir. Malheureusement, force est de constater que la formation universitaire actuelle offre peu de possibilités aux jeunes de développer leur potentiel personnel et de se réaliser dans un environnement scientifique et culturel adéquat. Un grand nombre d’échecs, une formation qui ne paraît pas en harmonie avec le marché de l’emploi, l’absence de débouchés professionnels pour de nombreuses filières (souvent ouvertes sans réflexion globale préalable, ni stratégie ni définition claire d’objectifs) ainsi que la démobilisation de beaucoup d’enseignants, malgré un budget important, sont sources d’inquiétude. En plus de tous les problèmes vécus par la communauté universitaire, la promulgation de la nouvelle grille des salaires de la Fonction publique a confirmé tout le mépris des centres de décision nationaux vis-à-vis de ceux qui sont censés former les citoyens et les cadres du pays. Ainsi, avec le cœur gros comme ça, le moment est venu de résister et d’alerter, de dire qu’il est encore possible de construire une université à la mesure du talent d’une grande partie des enseignants et des chercheurs qui la peuplent, du sérieux de beaucoup d’étudiants qui la fréquentent, pour un rayonnement futur de l’Algérie. Si nous restons inertes, des bribes de solutions partielles apparaîtront toutefois dans les prochaines années de manière ponctuelle et anarchique, comme a été gérée la récente crise de la pomme de terre, avec une incompétence et une témérité sans égale(1).. Pour éviter cela, il nous semble qu’il vaut mieux avoir, dès aujourd’hui, une approche systémique, une démarche constructive et volontariste pour maîtriser et orienter les événements, plutôt qu’une attitude passive d’où l’on guetterait les solutions proposées par les autres (comme le LMD), qui ne donnerait pas forcément des résultats probants chez nous. L’approche systémique assemble, articule et produit une pensée qui donne à comprendre le fond des choses dans ses largesses et usages. Elle autorise en plus à entrer dans la globalité pour la voir et la décoder dans toute l’ampleur qu’elle offre. C’est une méthode qui détecte les liaisons, attaches, articulations, solidarités, implications, imbrications, interdépendances, complexités. Cette approche permettra de mieux comprendre les problèmes de l’université, insérée dans un système politique, dont les acteurs essentiels sont les enseignants et les étudiants. En utilisant cette démarche globale, on découvre que la descente aux enfers a commencé vers la fin de la décennie 1970, lorsque le pouvoir politique a intensifié la répression de la pensée moderne et tolérante, intellectuelle et critique et encouragé les visions islamo-baâthistes, sur fond d’afflux massif des étudiants, pour assurer les équilibres qui lui permettraient de perdurer (comme l’a décrit Ali Bahmane dans la rubrique « Commentaire » de votre quotidien El Watan du jeudi 17 novembre 2005, où il y a résumé l’état de l’université algérienne). Cette montée en masse des étudiants a profondément modifié le mode de gestion de l’université algérienne et sa façon de concevoir ses enseignements et ses modes d’évaluation et progression pédagogique. A une demande composée de jeunes gens et de jeunes filles mal préparés, ne maîtrisant pas le code de communication usité dans les amphithéâtres (français pour les sciences et techniques), les autorités ont répondu par une offre de moindre qualité, en aménageant les exigences à la baisse et en recrutant des enseignants souvent peu qualifiés, et parfois même médiocres. Il est aussi utile de rappeler que l’université, envisagée de manière canonique, est d’abord un lieu où sont enseignées des matières au niveau le plus élevé de la connaissance, qui sont produites pour l’essentiel dans les universités elles-mêmes(2). A la différence d’autres établissements de formation, l’université se caractérise par l’alliance, en un même endroit, de l’enseignement et de la recherche. Chez nous, malheureusement, la recherche n’est que « diplômante », n’irrigue pas les enseignements et ne prend pas en charge les problèmes concrets qu’exige le développement de notre pays. Comme d’autres acteurs et observateurs de la situation universitaire, je me demandais ces dernières années, quand l’Etat, fort de ses prérogatives, allait prendre les choses en main, pour mettre en place un système qui valorise le mérite et la compétence et permettre ainsi aux enseignants-chercheurs de s’épanouir dans leur milieu professionnel et de produire. Et pourquoi pas sortir l’université du marasme dans lequel elle végète. Depuis, un des actes de replâtrage les plus sensibles décidé et mis en place ces dernières années a été l’augmentation substantielle du budget de la recherche, effort consenti pour se rapprocher un tant soit peu des standards internationaux, liant ce budget au PIB. Mais à côté de cela, il n’y a eu aucune définition claire des objectifs à atteindre et aucun suivi effectif des résultats.
A Suivre
Cela s’est aussi caractérisé par une baisse sensible du « niveau » pédagogique et scientifique des uns et des autres, un départ d’un nombre important d’enseignants-chercheurs sous d’autres cieux plus cléments, une gestion approximative basée juste sur l’achat de mobiliers et/ou la construction d’infrastructures immobilières, ainsi qu’un retard important dans la mise en place effective (et efficace) des moyens modernes de communication, en particulier, Internet. Quant à la réorganisation des enseignements, dupliquée sur le système anglo-saxon, et intitulée LMD, elle patauge parce qu’elle est mise en place par mimétisme, sans convictions et sans tenir compte des spécificités de l’environnement et de la culture nationale, ni des pathologies de l’université algérienne. Cette université, notre université, est aussi le point de rencontre d’enseignants et de scientifiques, d’intellectuels et de penseurs, de jeunes étudiants et de futurs cadres. Et nous l’aimons, malgré toutes les difficultés et vicissitudes pour s’y épanouir. Malheureusement, force est de constater que la formation universitaire actuelle offre peu de possibilités aux jeunes de développer leur potentiel personnel et de se réaliser dans un environnement scientifique et culturel adéquat. Un grand nombre d’échecs, une formation qui ne paraît pas en harmonie avec le marché de l’emploi, l’absence de débouchés professionnels pour de nombreuses filières (souvent ouvertes sans réflexion globale préalable, ni stratégie ni définition claire d’objectifs) ainsi que la démobilisation de beaucoup d’enseignants, malgré un budget important, sont sources d’inquiétude. En plus de tous les problèmes vécus par la communauté universitaire, la promulgation de la nouvelle grille des salaires de la Fonction publique a confirmé tout le mépris des centres de décision nationaux vis-à-vis de ceux qui sont censés former les citoyens et les cadres du pays. Ainsi, avec le cœur gros comme ça, le moment est venu de résister et d’alerter, de dire qu’il est encore possible de construire une université à la mesure du talent d’une grande partie des enseignants et des chercheurs qui la peuplent, du sérieux de beaucoup d’étudiants qui la fréquentent, pour un rayonnement futur de l’Algérie. Si nous restons inertes, des bribes de solutions partielles apparaîtront toutefois dans les prochaines années de manière ponctuelle et anarchique, comme a été gérée la récente crise de la pomme de terre, avec une incompétence et une témérité sans égale(1).. Pour éviter cela, il nous semble qu’il vaut mieux avoir, dès aujourd’hui, une approche systémique, une démarche constructive et volontariste pour maîtriser et orienter les événements, plutôt qu’une attitude passive d’où l’on guetterait les solutions proposées par les autres (comme le LMD), qui ne donnerait pas forcément des résultats probants chez nous. L’approche systémique assemble, articule et produit une pensée qui donne à comprendre le fond des choses dans ses largesses et usages. Elle autorise en plus à entrer dans la globalité pour la voir et la décoder dans toute l’ampleur qu’elle offre. C’est une méthode qui détecte les liaisons, attaches, articulations, solidarités, implications, imbrications, interdépendances, complexités. Cette approche permettra de mieux comprendre les problèmes de l’université, insérée dans un système politique, dont les acteurs essentiels sont les enseignants et les étudiants. En utilisant cette démarche globale, on découvre que la descente aux enfers a commencé vers la fin de la décennie 1970, lorsque le pouvoir politique a intensifié la répression de la pensée moderne et tolérante, intellectuelle et critique et encouragé les visions islamo-baâthistes, sur fond d’afflux massif des étudiants, pour assurer les équilibres qui lui permettraient de perdurer (comme l’a décrit Ali Bahmane dans la rubrique « Commentaire » de votre quotidien El Watan du jeudi 17 novembre 2005, où il y a résumé l’état de l’université algérienne). Cette montée en masse des étudiants a profondément modifié le mode de gestion de l’université algérienne et sa façon de concevoir ses enseignements et ses modes d’évaluation et progression pédagogique. A une demande composée de jeunes gens et de jeunes filles mal préparés, ne maîtrisant pas le code de communication usité dans les amphithéâtres (français pour les sciences et techniques), les autorités ont répondu par une offre de moindre qualité, en aménageant les exigences à la baisse et en recrutant des enseignants souvent peu qualifiés, et parfois même médiocres. Il est aussi utile de rappeler que l’université, envisagée de manière canonique, est d’abord un lieu où sont enseignées des matières au niveau le plus élevé de la connaissance, qui sont produites pour l’essentiel dans les universités elles-mêmes(2). A la différence d’autres établissements de formation, l’université se caractérise par l’alliance, en un même endroit, de l’enseignement et de la recherche. Chez nous, malheureusement, la recherche n’est que « diplômante », n’irrigue pas les enseignements et ne prend pas en charge les problèmes concrets qu’exige le développement de notre pays. Comme d’autres acteurs et observateurs de la situation universitaire, je me demandais ces dernières années, quand l’Etat, fort de ses prérogatives, allait prendre les choses en main, pour mettre en place un système qui valorise le mérite et la compétence et permettre ainsi aux enseignants-chercheurs de s’épanouir dans leur milieu professionnel et de produire. Et pourquoi pas sortir l’université du marasme dans lequel elle végète. Depuis, un des actes de replâtrage les plus sensibles décidé et mis en place ces dernières années a été l’augmentation substantielle du budget de la recherche, effort consenti pour se rapprocher un tant soit peu des standards internationaux, liant ce budget au PIB. Mais à côté de cela, il n’y a eu aucune définition claire des objectifs à atteindre et aucun suivi effectif des résultats.
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