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Bush, Sarkozy et nous

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    La politique algérienne à l’épreuve de l’alliance Franco-américaine


    Ya-t-il encore une rivalité franco-américaine en Algérie ? L’alliance Sarkozy-Bush qui se dessine semble, en apparence, éloignée de nous, mais son impact sera terrible sur la conception de la pensée “stratégique” algérienne.

    Longtemps, la politique extérieure algérienne, solidement fondée sur l’équilibre à maintenir entre Paris et Washington, avec comme axiome, la rivalité de ces deux puissances au Maghreb, et, cela va de soi, en Algérie, a joué les antagonismes et les intérêts divergents de ces deux pays dans la région. à la notion de “pré carré” français, qui a volé en éclat avec l’introduction de l’élément américain au Maghreb, succède, actuellement, la notion d’une convergence franco-américaine. Les décideurs algériens devront s’y préparer.
    Pourtant, les indices de cette alliance et de ses répercussions en Algérie ne datent pas d’hier. L’arrivée de Sarkozy à l’Élysée n’a servi que d’accélérateur à cette fédération d’intérêts franco-américains qui avait débuté bien loin de la région, précisément à… New York. Les gesticulations de l’ancien représentant des États-Unis à l’ONU, Bolton, en faveur du plan d’autonomie marocain au Sahara occidental a servi de bélier pour enfoncer les principes des membres du Conseil de sécurité sur le fait d’examiner de plus près la proposition utopique des Marocains. Ces derniers, forts du soutien indiscutable de la diplomatie française, ont acquis la certitude que l’attelage franco-américain allait faire le boulot aux Nations unies à leur profit. Chirac était alors à l’Élysée et Sarkozy était déjà à Alger pour donner les gages d’un changement du Quai d’Orsay sur la question du Sahara occidental dès son ascension au pouvoir.

    L’alliance onusienne contre le Polisario
    Or, Sarkozy a floué son monde. Après la vraie fausse visite en Algérie et une brouille sympathique avec Rabat, le Maroc lui a réservé un accueil digne de celui de Chirac, l’ami de Mohammed VI. Sarkozy rendant la politesse protocolaire au palais royal en excluant de son voyage tous les fonctionnaires ou diplomates d’origine algérienne ! Ceci pour l’anecdote.
    Mais le plus troublant dans cette visite était le fameux dossier des Rafale. Alors que le chasseur français devait être vendu aux Marocains, la transaction capote à cause d’une offre infiniment plus attractive des Américains qui ont proposé 24 F-16 aux Marocains avec un bonus, sous forme de prêt, de 700 millions de dollars. On assiste alors à un impensable exercice d’autoflagellation français qui consiste à dénigrer “l’incompétence” des négociateurs français, les coûts exorbitants de l’offre française de Dassault Industrie et de la délégation de l’armement sans dire un mot, même pas un seul, sur les procédés américains brutaux qui consistaient à éjecter le contrat d’armes français dont Paris avait bien besoin à plus d’un titre.
    En temps normal, les Français auraient rué dans les brancards pour dénoncer les méthodes américaines de “dumping” et auraient protesté auprès de Washington sur cette tactique de vente inamicale. Mais Sarkozy semble avoir passé le mot. Il n’est pas question de se brouiller avec le clan Bush.

    Sarko et les contrats
    Ce changement d’attitude s’explique également par le besoin des Américains de s’appuyer sur les Français après les avoir longtemps boudés à cause de leur non-engagement irakien. Darfour, Liban, Iran ou l’Afghanistan, le regain de vitalité “Atlantiste” de Sarkozy a redéfini la relation avec les États-Unis. L’heure est à la fusion. Et ce n’est pas étonnant que la conception américaine se retrouve dans la bouche de Sarkozy devant un Congrès américain “falling in love”. “C’est ensemble que nous devons lutter pour promouvoir les valeurs et les idéaux de liberté et de démocratie que Washington et Lafayette ont menés ensemble (…), c’est ensemble et unis que nous devons mener le combat contre le terrorisme”, a martelé Sarkozy. On aurait cru entendre Condolezza Rice.
    Sur les plans énergétique et nucléaire, Américains et Français en Algérie semblent s’éviter. Refusant de marcher sur les plates-bandes de l’autre, se retirant réciproquement d’appels d’offres aussi divers que la privatisation du CPA, le renouvellement des installations de raffinage de Skikda ou des contrats pétroliers sur l’acquisition de blocs dans le Sud algérien. Il est clair que le business est le business et que Français et Américains ne feraient aucun état d’âme, encore moins des cadeaux, pour rafler les appels d’offres en gestation surtout après la liquidation de BRC, mais tout cela semble se faire dans un climat ou semble absente la rivalité politique et stratégique sur laquelle l’Algérie, et particulièrement Bouteflika, avait fondé sa politique de “contournement” de la France.

    Washington déçu par les Algériens !
    Il est assez loin le temps où Ahmed Bedjaoui glissait à Rice que “les États-Unis sont des partenaires plus importants que la France en Algérie”. En flattant l’ego américain, notre diplomatie s’est fourvoyée, n’ayant pas mesuré l’obstination d’un Sarkozy à vouloir “clarifier” la situation avec Washington au risque de passer des “deals” dans certaines régions du monde, dont le Maghreb. Bouteflika, de son côté, est en train de mesurer que l’ouverture prônée envers les Américains, après avoir rejeté le pacte franco-algérien proposé par Chirac, n’a pas produit l’engagement US espéré.
    Les Américains n’ayant pas digéré le gel de l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures ni le sabordage de BRC et encore moins le refus de leurs initiatives militaires (PSI-TSCTI-Afrikom), ont laissé les Algériens faire connaissance avec le sens de la Realpolitik, version républicaine.
    Car entre Paris et Washington, les cartes sont distribuées dans un poker ouvert. Énergie, sécurité et Sahel pour les États-Uniens, lutte contre l’immigration clandestine, échanges commerciaux et Sahara occidental pour les Français. Chacun à son petit jardin à cultiver, loin du tumulte et des fâcheries d’autrefois. Et quand les Algériens, et même les Marocains, évoquent leur intention de se doter du nucléaire civil, Français et Américains semblent avoir chacun sa théorie et son client. Les Américains signeraient avec les Algériens alors qu’Areva se retrouve en pole position à Rabat.

    Comment contrer les Chinois et les Russes
    Ce n’est probablement pas encore la cohésion entre Français et Américains en Algérie, mais bien le début d’une coordination. La méfiance et les vieilles habitudes ont la peau dure comme le précise l’ambassadeur américain à Paris, Stapelton. “Les choses vont bien mieux, mais pas au point où nous n'allons pas avoir, régulièrement, des frictions sur des dossiers (…) La France est un grand et puissant pays qui a ses propres intérêts et ses propres traditions, ce qu'il faut accepter.”
    Mais pour Paris et Washington, l’enjeu est ailleurs. Se faire une guerre politico commerciale en Algérie affaiblirait cet axe Sarkozy-Bush, au profit d’autres puissances plus discrètes et nettement plus efficaces sur le sol algérien. À savoir la Russie et la Chine.
    Les Américains se sont rendu compte de l’entrisme chinois lorsque leur firme Bechtel s’est faite carrément blackboulée du projet de l’autoroute Est-Ouest au profit des Chinois de Setic. Les Français avaient constaté, amèrement, que la Russie a signé le plus grand contrat d’armement du Maghreb, si l’on exclut les folies que pourraient faire Al-Kadhafi de son argent, de plus de 7 milliards de dollars avec Alger tandis que l’industrie militaire française était toujours à l’ère de l’embargo passif.
    Les deux pays se retrouvent ainsi en train de concourir avec les capitaux asiatiques et arabes, que certains confondent trop précipitamment avec ceux des Américains, dans une Algérie qui n’a eu de cesse d’appeler aux IDE des Français et des Américains. La rivalité franco-américaine peut rebondir, certes, mais il est dorénavant illusoire de charpenter l’approche diplomatique algérienne sur les sautes d’humeur des uns et des autres et parier sur la brouille entre Paris et Washington qui se retrouvent, aujourd’hui, comme un couple qui se découvre en pleine lune de miel.

    Mounir B.
    Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique. (Saint Augustin)
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