Jamais la revendication marocaine de Sebta et Melilia n’avait été affirmée aussi violemment par Mohammed VI
1927, aucun souverain espagnol n’avait mis les pieds dans les présides de crainte de déclencher une crise ouverte avec le Maroc, qui a incontestablement l’argument géographique pour lui.
Mais qu’est-ce qui a donc poussé le chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, à autoriser la visite de son roi à Sebta et Melilia ? (Car il ne faut pas en douter, jamais Juan Carlos n’aurait pu effectuer une telle visite sans que le gouvernement ne l’y ait autorisé – ainsi fonctionne l’Espagne, comme toutes les monarchies réellement démocratiques). Un calcul électoral, au moment où les législatives espagnoles se profilent, avec une légère avance du Parti populaire (opposition) dans les sondages ? Le socialiste Zapatero aurait-il cherché, par cette manœuvre, à se poser en nationaliste pour grapiller quelques voix de droite ? Côté marocain en tout cas, la réaction a été violente. Trois jours avant la visite, le roi Mohammed VI a rappelé pour consultation l’ambassadeur marocain à Madrid, Omar Azziman. Et a enfoncé le clou par un communiqué aux accents rageurs, stigmatisant “le flagrant irrespect (par l’Espagne) du traité d’amitié et de bon voisinage”, et rappelant avec dureté que “les constantes nationales des Marocains (ne sauraient) être utilisées comme moyen dans le négoce espagnol interne”. Et vlan !
Jamais la revendication marocaine de Sebta et Melilia, jusque-là guère plus que “protocolaire”, n’avait été affirmée avec autant de colère par le roi du Maroc. C’est pourtant ce même roi qui, comme l’a révélé le journaliste et expert des relations maroco-espagnoles Ignacio Cembrero, dans un récent ouvrage*, avait déclaré en privé à José Maria Aznar, puis à son successeur Zapatero, que le Maroc, sans renoncer à la revendication de Sebta et Melilia, “n’en faisait pas une priorité”. “Sauf au moment de la crise de l’îlot Leila – ce qui était bien compréhensible – jamais le roi n’a évoqué cette question dans un discours”, rappelle Cembrero. En contrepartie, analyse le journaliste espagnol, Mohammed VI a agi sur le front économique. Le méga-port de Tanger Med puis son extension, les zones franches de Tanger et de Nador, le récent accord pour une usine Renault géante dans les environs… tous ces chantiers lancés par Mohammed VI témoignent d’une stratégie nationaliste marocaine sans incantation, mais diablement efficace. Objectif : contrer Sebta et Melilia, qui font énormément de mal à notre économie formelle (d’après la Chambre de commerce de Sebta, 70% de son économie est tournée vers la contrebande avec le Maroc !). Bref, et hormis la parenthèse Leila, Mohammed VI a su replacer le débat nationaliste sur le terrain économique. Ce qui dénote – reconnaissons-le avec sincérité, et même une certaine fierté – d’une intelligence diplomatique certaine, et d’une attitude plus que “fair-play” avec l’Espagne… et c’est justement cet esprit fair-play que l’Espagne a trahi en envoyant grossièrement son roi sur un territoire que le Maroc revendique sans discontinuer depuis 5 siècles !
Et maintenant ? Oh, tout ça va vite se tasser, bien entendu… Déjà, les officiels espagnols rivalisent en déclarations apaisantes. N’en doutons pas, Azziman va retourner à Madrid assez vite, et les relations bilatérales vont vite redevenir aussi excellentes qu’avant. Et en attendant, le Maroc se sera payé le luxe de tonner contre un membre de l’Union européenne et de l’Otan. Un membre pourtant orgueilleux mais qui, pour une fois, aura fait le dos rond face à nos récriminations nationales, tout pays “du Sud” que nous soyons. Ça fait quand même plaisir !
“Je suis venu vous exprimer toute notre affection et notre appui”. C’est en ces termes que Juan Carlos s’est adressé lundi et mardi derniers aux habitants de Sebta et de Melilia, auxquels il rendait visite pour la première fois depuis son accession au trône d’Espagne, il y a 32 ans. Même si pour la quasi-totalité des Espagnols, l’“españolidad” (hispanité) de “Ceuta” et “Melilla” ne fait aucun doute, une telle visite n’allait pas de soi. Depuis Alphonse XIII, grand-père de Juan Carlos, en
Mais qu’est-ce qui a donc poussé le chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, à autoriser la visite de son roi à Sebta et Melilia ? (Car il ne faut pas en douter, jamais Juan Carlos n’aurait pu effectuer une telle visite sans que le gouvernement ne l’y ait autorisé – ainsi fonctionne l’Espagne, comme toutes les monarchies réellement démocratiques). Un calcul électoral, au moment où les législatives espagnoles se profilent, avec une légère avance du Parti populaire (opposition) dans les sondages ? Le socialiste Zapatero aurait-il cherché, par cette manœuvre, à se poser en nationaliste pour grapiller quelques voix de droite ? Côté marocain en tout cas, la réaction a été violente. Trois jours avant la visite, le roi Mohammed VI a rappelé pour consultation l’ambassadeur marocain à Madrid, Omar Azziman. Et a enfoncé le clou par un communiqué aux accents rageurs, stigmatisant “le flagrant irrespect (par l’Espagne) du traité d’amitié et de bon voisinage”, et rappelant avec dureté que “les constantes nationales des Marocains (ne sauraient) être utilisées comme moyen dans le négoce espagnol interne”. Et vlan !
Jamais la revendication marocaine de Sebta et Melilia, jusque-là guère plus que “protocolaire”, n’avait été affirmée avec autant de colère par le roi du Maroc. C’est pourtant ce même roi qui, comme l’a révélé le journaliste et expert des relations maroco-espagnoles Ignacio Cembrero, dans un récent ouvrage*, avait déclaré en privé à José Maria Aznar, puis à son successeur Zapatero, que le Maroc, sans renoncer à la revendication de Sebta et Melilia, “n’en faisait pas une priorité”. “Sauf au moment de la crise de l’îlot Leila – ce qui était bien compréhensible – jamais le roi n’a évoqué cette question dans un discours”, rappelle Cembrero. En contrepartie, analyse le journaliste espagnol, Mohammed VI a agi sur le front économique. Le méga-port de Tanger Med puis son extension, les zones franches de Tanger et de Nador, le récent accord pour une usine Renault géante dans les environs… tous ces chantiers lancés par Mohammed VI témoignent d’une stratégie nationaliste marocaine sans incantation, mais diablement efficace. Objectif : contrer Sebta et Melilia, qui font énormément de mal à notre économie formelle (d’après la Chambre de commerce de Sebta, 70% de son économie est tournée vers la contrebande avec le Maroc !). Bref, et hormis la parenthèse Leila, Mohammed VI a su replacer le débat nationaliste sur le terrain économique. Ce qui dénote – reconnaissons-le avec sincérité, et même une certaine fierté – d’une intelligence diplomatique certaine, et d’une attitude plus que “fair-play” avec l’Espagne… et c’est justement cet esprit fair-play que l’Espagne a trahi en envoyant grossièrement son roi sur un territoire que le Maroc revendique sans discontinuer depuis 5 siècles !
Et maintenant ? Oh, tout ça va vite se tasser, bien entendu… Déjà, les officiels espagnols rivalisent en déclarations apaisantes. N’en doutons pas, Azziman va retourner à Madrid assez vite, et les relations bilatérales vont vite redevenir aussi excellentes qu’avant. Et en attendant, le Maroc se sera payé le luxe de tonner contre un membre de l’Union européenne et de l’Otan. Un membre pourtant orgueilleux mais qui, pour une fois, aura fait le dos rond face à nos récriminations nationales, tout pays “du Sud” que nous soyons. Ça fait quand même plaisir !
* Vecinos Alejados, ed. Galaxia Gutemberg, 2006
TELQUEL
TELQUEL
Commentaire