A 40 dollars le baril de pétrole, l’énergie nucléaire est fortement compétitive. « A 100 dollars le baril - seuil psychologique qui marque un troisième choc pétrolier -, elle devient une véritable rente », dit Philippe Chalmin, le spécialiste français des matières premières. Surtout pour un pays comme la France qui, depuis une quarantaine d’années, aura investi près de 80 milliards d’euros dans l’atome pour assurer son indépendance énergétique. 78 % de la production française d’électricité relève ainsi du nucléaire (17 % de la consommation globale d’énergie), proportion qui place l’Hexagone en tête des grandes nations atomiques du monde.
Dans ce contexte particulier, Nicolas Sarkozy a décidé de faire tomber les tabous : « La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile », a-t-il déclaré à l’ONU le 24 septembre dernier devant les représentants de 150 pays, dont 80 chefs d’Etat. Une provocation en pleine crise iranienne ? Plutôt une manière de définir une doctrine pour une France décidée à devenir l’acteur majeur d’un monde converti au nucléaire civil. Et d’affirmer les ambitions de notre filière industrielle menée par deux champions mondiaux, Areva et EDF, sur un gâteau mondial estimé par l’Agence internationale de l’énergie à plus de 100 milliards d’euros pour les deux prochaines décennies.
On avait ainsi connu un Jacques Chirac VRP multicartes de l’industrie aéronautique. Nicolas Sarkozy se pose, lui, en ambassadeur mondial de l’atome. Sans état d’âme. Et le président français n’a pas tardé à mettre en musique sa nouvelle doctrine. En visite à Rabat, il proposait le 22 octobre dernier que le Maroc « se dote d’une filière civile en partenariat avec la France ». En Libye, la résolution de l’affaire des infirmières bulgares aura eu son pendant nucléaire. Partout, Areva poursuit une intense activité commerciale dans un monde largement converti à l’atome.
Pour cela, il aura fallu une véritable révolution qui permette à une industrie décriée et en perte de vitesse - portant le spectre des accidents de Tchernobyl et de Three Mile Island - de figurer désormais comme une activité respectable, capable de générer la nouvelle révolution industrielle du troisième millénaire. Une multiplicité de facteurs complexes se sont imbriqués en un temps record. D’abord, la prise de conscience par les gouvernements de l’assèchement inexorable des réserves mondiales de pétrole et de gaz. D’où le sentiment d’aller droit dans un mur, alors qu’on attend en quarante ans un doublement mondial des consommations d’énergie, et que les énergies renouvelables peinent à représenter une production de masse. Autre menace nous prenant à revers au rythme galopant d’une marée : celui du réchauffement climatique, qui disqualifie autant le pétrole que le charbon ; ce dernier étant véritablement calamiteux en termes de rejets, malgré des réserves pléthoriques.
Or, le nucléaire dégage aussi peu de dioxyde de carbone que l’énergie éolienne ! La France affiche ainsi l’un des plus bas taux de rejet de CO2 lié à l’énergie des pays de l’OCDE, avec 1,68 tonne par habitant (contre 2,4 pour la Grande-Bretagne, 2,8 pour l’Allemagne, et 5,36 pour les Etats-Unis). Mutation spectaculaire, autrefois cauchemar des Verts, le nucléaire est devenu - c’est une révolution ! - écologique.
Une ruée planétaire
Le co-fondateur et ancien directeur de Greenpeace, Patrick Moore, a même lancé le 16 avril 2006 un véritable plaidoyer, inimaginable il y a encore quelques années, en faveur de l’atome. « En trente ans, mes idées ont évolué... Le nucléaire est peut-être la source d’énergie qui peut préserver notre planète. Les mouvements verts doivent revoir leur position », a-t-il écrit dans le Washington Times.
Un sentiment aujourd’hui qui prévaut autant à l’ONU qu’au sein de l’Europe, dont 35 % de la production électrique provient de l’atome. La Commission européenne, qui veut réduire les émissions de CO2 de 20 % à l’échéance 2020, s’est prononcée en janvier dernier en faveur d’une « nouvelle révolution industrielle » intégrant le nucléaire. En précisant qu’à cette date, la capture obligatoire du CO2 provoquera un surcoût de 25 à 30 % du charbon et du gaz, ce qui rendra l’atome encore plus attractif.
« Encore faut-il le rendre acceptable par les opinions européennes », précise Pierre Gadonneix, patron d’EDF. En Europe en 2005, un eurobaromètre mené auprès de 25 000 citoyens a montré que 55 % des habitants y étaient opposés contre 37 % favorables. Mais - évolution non négligeable -, dans cette étude, 62 % des habitants estimaient que le nucléaire permettait de diversifier ses sources d’énergie contre 41 % quatre ans plus tôt. Le signe d’un renversement de tendance que la hausse actuelle du baril devrait encore accroître.
Autant d’éléments qui font que, d’un bout à l’autre de la planète, c’est la ruée. Les 439 centrales exploitées dans 31 pays ne représentent que 17 % de la production d’électricité mondiale. Mais 33 nouveaux sites sont déjà en cours de construction. Chaque jour voit émerger de nouveaux projets : mi-2007, on en recensait 222 (dont 96 déjà planifiés), soit un bond de 46 % en un an. Et la France est aujourd’hui la mieux placée pour prendre une part prépondérante dans ce marché colossal qui devrait courir le long du siècle.
Car la vitrine nucléaire du monde, c’est l’Hexagone. La décision d’installer à Flamanville (Manche) une centrale de troisième génération relève d’ailleurs de cette logique : montrer aux clients internationaux que la technologie française est la meilleure du monde. Les projets pharaoniques dans l’Hexagone se poursuivent : Iter, qui prépare l’eldorado nucléaire via la fusion, constitue l’un des deux plus grands programmes scientifiques de la planète (10 milliards d’euros sur trente ans) et vient de poser sa première pierre à Cadarache. Au même endroit, on réfléchit aux surgénérateurs de la quatrième génération. Areva investit par ailleurs 3 milliards d’euros dans la plus grande usine d’enrichissement du monde à Tricastin, près de Valence : Georges Besse II prendra la suite d’Eurodif (un quart de l’uranium enrichi du globe) en 2014.
Les résultats économiques sont eux aussi scrutés à la loupe par nos partenaires et concurrents. Or le choix atomique fait par la France, juste après le choc pétrolier de 1973, se révèle visionnaire. Notre taux d’indépendance avoisine les 50 %. Sur une facture énergétique de 46 milliards d’euros en 2006 toutes énergies confondues, le nucléaire a évité l’importation de 13,5 milliards d’euros de gaz supplémentaire. La « rente nucléaire » profite autant aux entreprises qu’aux particuliers. Il y a non seulement la stabilité des tarifs de l’électricité qui nous rend moins vulnérables au prix du gaz. Mais en outre, selon Eurostat, la France est devenue le pays de l’Europe des Quinze où le prix de l’électricité à usage industriel est le plus bas. Et pour l’électricité à usage domestique, « les tarifs sont inférieurs de 20 % à la moyenne de l’Europe des Quinze », commente l’Observatoire de l’énergie.
Dans ce contexte particulier, Nicolas Sarkozy a décidé de faire tomber les tabous : « La France est prête à aider tout pays qui veut se doter de l’énergie nucléaire civile », a-t-il déclaré à l’ONU le 24 septembre dernier devant les représentants de 150 pays, dont 80 chefs d’Etat. Une provocation en pleine crise iranienne ? Plutôt une manière de définir une doctrine pour une France décidée à devenir l’acteur majeur d’un monde converti au nucléaire civil. Et d’affirmer les ambitions de notre filière industrielle menée par deux champions mondiaux, Areva et EDF, sur un gâteau mondial estimé par l’Agence internationale de l’énergie à plus de 100 milliards d’euros pour les deux prochaines décennies.
On avait ainsi connu un Jacques Chirac VRP multicartes de l’industrie aéronautique. Nicolas Sarkozy se pose, lui, en ambassadeur mondial de l’atome. Sans état d’âme. Et le président français n’a pas tardé à mettre en musique sa nouvelle doctrine. En visite à Rabat, il proposait le 22 octobre dernier que le Maroc « se dote d’une filière civile en partenariat avec la France ». En Libye, la résolution de l’affaire des infirmières bulgares aura eu son pendant nucléaire. Partout, Areva poursuit une intense activité commerciale dans un monde largement converti à l’atome.
Pour cela, il aura fallu une véritable révolution qui permette à une industrie décriée et en perte de vitesse - portant le spectre des accidents de Tchernobyl et de Three Mile Island - de figurer désormais comme une activité respectable, capable de générer la nouvelle révolution industrielle du troisième millénaire. Une multiplicité de facteurs complexes se sont imbriqués en un temps record. D’abord, la prise de conscience par les gouvernements de l’assèchement inexorable des réserves mondiales de pétrole et de gaz. D’où le sentiment d’aller droit dans un mur, alors qu’on attend en quarante ans un doublement mondial des consommations d’énergie, et que les énergies renouvelables peinent à représenter une production de masse. Autre menace nous prenant à revers au rythme galopant d’une marée : celui du réchauffement climatique, qui disqualifie autant le pétrole que le charbon ; ce dernier étant véritablement calamiteux en termes de rejets, malgré des réserves pléthoriques.
Or, le nucléaire dégage aussi peu de dioxyde de carbone que l’énergie éolienne ! La France affiche ainsi l’un des plus bas taux de rejet de CO2 lié à l’énergie des pays de l’OCDE, avec 1,68 tonne par habitant (contre 2,4 pour la Grande-Bretagne, 2,8 pour l’Allemagne, et 5,36 pour les Etats-Unis). Mutation spectaculaire, autrefois cauchemar des Verts, le nucléaire est devenu - c’est une révolution ! - écologique.
Une ruée planétaire
Le co-fondateur et ancien directeur de Greenpeace, Patrick Moore, a même lancé le 16 avril 2006 un véritable plaidoyer, inimaginable il y a encore quelques années, en faveur de l’atome. « En trente ans, mes idées ont évolué... Le nucléaire est peut-être la source d’énergie qui peut préserver notre planète. Les mouvements verts doivent revoir leur position », a-t-il écrit dans le Washington Times.
Un sentiment aujourd’hui qui prévaut autant à l’ONU qu’au sein de l’Europe, dont 35 % de la production électrique provient de l’atome. La Commission européenne, qui veut réduire les émissions de CO2 de 20 % à l’échéance 2020, s’est prononcée en janvier dernier en faveur d’une « nouvelle révolution industrielle » intégrant le nucléaire. En précisant qu’à cette date, la capture obligatoire du CO2 provoquera un surcoût de 25 à 30 % du charbon et du gaz, ce qui rendra l’atome encore plus attractif.
« Encore faut-il le rendre acceptable par les opinions européennes », précise Pierre Gadonneix, patron d’EDF. En Europe en 2005, un eurobaromètre mené auprès de 25 000 citoyens a montré que 55 % des habitants y étaient opposés contre 37 % favorables. Mais - évolution non négligeable -, dans cette étude, 62 % des habitants estimaient que le nucléaire permettait de diversifier ses sources d’énergie contre 41 % quatre ans plus tôt. Le signe d’un renversement de tendance que la hausse actuelle du baril devrait encore accroître.
Autant d’éléments qui font que, d’un bout à l’autre de la planète, c’est la ruée. Les 439 centrales exploitées dans 31 pays ne représentent que 17 % de la production d’électricité mondiale. Mais 33 nouveaux sites sont déjà en cours de construction. Chaque jour voit émerger de nouveaux projets : mi-2007, on en recensait 222 (dont 96 déjà planifiés), soit un bond de 46 % en un an. Et la France est aujourd’hui la mieux placée pour prendre une part prépondérante dans ce marché colossal qui devrait courir le long du siècle.
Car la vitrine nucléaire du monde, c’est l’Hexagone. La décision d’installer à Flamanville (Manche) une centrale de troisième génération relève d’ailleurs de cette logique : montrer aux clients internationaux que la technologie française est la meilleure du monde. Les projets pharaoniques dans l’Hexagone se poursuivent : Iter, qui prépare l’eldorado nucléaire via la fusion, constitue l’un des deux plus grands programmes scientifiques de la planète (10 milliards d’euros sur trente ans) et vient de poser sa première pierre à Cadarache. Au même endroit, on réfléchit aux surgénérateurs de la quatrième génération. Areva investit par ailleurs 3 milliards d’euros dans la plus grande usine d’enrichissement du monde à Tricastin, près de Valence : Georges Besse II prendra la suite d’Eurodif (un quart de l’uranium enrichi du globe) en 2014.
Les résultats économiques sont eux aussi scrutés à la loupe par nos partenaires et concurrents. Or le choix atomique fait par la France, juste après le choc pétrolier de 1973, se révèle visionnaire. Notre taux d’indépendance avoisine les 50 %. Sur une facture énergétique de 46 milliards d’euros en 2006 toutes énergies confondues, le nucléaire a évité l’importation de 13,5 milliards d’euros de gaz supplémentaire. La « rente nucléaire » profite autant aux entreprises qu’aux particuliers. Il y a non seulement la stabilité des tarifs de l’électricité qui nous rend moins vulnérables au prix du gaz. Mais en outre, selon Eurostat, la France est devenue le pays de l’Europe des Quinze où le prix de l’électricité à usage industriel est le plus bas. Et pour l’électricité à usage domestique, « les tarifs sont inférieurs de 20 % à la moyenne de l’Europe des Quinze », commente l’Observatoire de l’énergie.
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