Louis Caprioli, ancien patron de la lutte antiterroriste à la DST à El-Khabar
Responsable de l’antiterrorisme au sein des services du contre-espionnage français, la DST, de 1998 à 2004, Louis Caprioli estime dans cet entretien à El-Khabar que les forces de sécurité algériennes sont en passe de vaincre définitivement le terrorisme. Il considère également que l’intérêt des services de sécurité américains pour l’Algérie n’est pas innocent. Ces services visent, pour lui, à bénéficier de l’expertise algérienne en matière de lutte antiterroriste. Louis Caprioli est, aujourd’hui, conseiller à GEOS, le leader européen de la gestion et de la prévention des risques et qui possède une filiale en Algérie.
Pourquoi le groupe Salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) s’est transformé en l’organisation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ?
Historiquement, des liens existaient entre les membres des groupes islamiques armés (GIA) puis entre le GSPC et l’organisation d’Al-Qaïda. Le bulletin Al-Ansar, publié durant les années 1990 à Londres était un point de ralliement pour des personnes qui se connaissaient parfaitement tels que Abou Qoutada, Abou Hamza Al-Misri et Aymen Al-Zawahiri. Si le GIA n’a pas intégré Al-Qaida, c’est du à la position de Djamel Zitouni, l’émir du GIA à l’époque. Il se considérait comme étant le seul combattant de la place. Quant à Droukdel, il s’est servi de cette opportunité pour élargir et internationaliser son combat. Son choix est considéré comme la volonté d’éviter la disparition. Du coté d’Al-Qaïda, c’est l’opportunité de trouver des ramifications au Maghreb. Mais jusqu’à présent il n’y a pas un commandement uni. Il y a des contacts entre les organisations terroristes et une volonté d’unifier le travail. Ce n’est pas organisé.
Le terroriste Hassan Hattab s’est rendu dernièrement aux autorités. Il y a également des informations sur des scissions à l’intérieur du groupe dirigé par Droukdel. Quelle est votre lecture sur ces évènements?
Les services de sécurité algériens n’ont pas cessé d’affaiblir les groupes terroristes depuis les années 1990. Même durant les pires moments en 1994 et 1995. En plus des opérations militaires, les différentes politiques initiées pour le règlement de cette crise telles que la concorde civile et la réconciliation nationale ont rendu plus important cet affaiblissement. Il y a aujourd’hui à l’intérieur de l’organisation des courants visibles sur ce que propose comme choix le pouvoir. L’armée algérienne a en main un nombre d’éléments qui l’aident dans sa lutte. D’un coté, il y a une complémentarité entre les différentes forces de sécurité avec des capacités humaines et matérielles importantes. De l’autre, la poursuite de la politique de réconciliation nationale. Vous avez cité Hattab, il y a aussi Mokhtar Belmokhtar qui s’est retiré pour cause de divergence avec Droukdel. Ce dernier a également évincé Hattab pour cause de désaccords avec lui. Globalement il y a des courants qui s’opposent à l’intérieur de l’organisation Al-Qaida. Il y a ceux qui veulent se rendre et ceux qui veulent continuer. Cette organisation a faibli. Avant, ses groupes étaient répartis dans toutes les régions. Aujourd’hui, ils sont concentrés dans des régions précises. Ils sont confrontés périodiquement aux opérations de l’armée. Je suis persuadé que l’armée et les forces de sécurités algériennes sont sur le chemin de la victoire.
L’Algérie peut-elle revivre le terrorisme des années 1990 ?
Je crois que l’histoire ne se répète pas. J’ai connu l’Algérie quand j’appartenais aux services de renseignement français. Nous avons collaborés pendant des années avec les services algériens. Je me rappelle que même durant les pires années, 1993, 1994, 1995, nous n’avions aucun doute quant à la capacité des Algériens à vaincre le terrorisme. Parce que le peuple s’est élevé contre lui. La situation en Algérie que ce soit dans les domaines économique, financier, social ou politique, a nettement évolué. L’Algérie compte aujourd’hui parmi les pays en voie de développement. D’où l’impossibilité d’un retour en arrière.
Est-il obligatoire de poursuivre le choix de la réconciliation ou faut-il opter pour celui du tout sécuritaire ?
Il faut s’appuyer sur les deux solutions en même temps. Il y a ceux qui veulent se rendre et reprendre le droit chemin. D’autres qui veulent mourir, il faut les éradiquer. Je sais que la chose est difficile et douloureuse pour les familles des victimes de terrorisme. Elles comprendront avec le temps que c’est la seule solution. Le point difficile dans cette équation est que le terrorisme se nourrit de conjonctures internationales telles que l’Afghanistan, l’Irak et la Palestine. Si nous ne nous leur trouvons pas de solutions, nous continuerons à contrer des mouvements extrémistes. Les Américains sont intervenus en Irak et sont responsable d’un phénomène très dangereux. Nous en tant qu’Européens et vous en tant qu’Algériens, nous sommes confrontés à un terrorisme influencé par une conjoncture internationale que nous ne contrôlons pas. Et malgré tous les efforts qui seront fournis, le terrorisme existera peut-être encore.
Croyez-vous que les entreprises françaises qui ont rapatrié leurs expatriés après les menaces reçues se sont précipitées ?
La sécurité de ces entreprises doit être construite sur une stratégie commune entre elles et les services de sécurité algériens. La coordination entre les services de sécurité français et algériens a permis de déjouer la tentative d’attentat contre les employés de la compagnie Aéroports de Paris. De manière générale, toute entreprise qui s’installe à l’étranger prend un risque. Au mois de juillet dernier, un attentat à la bombe a pu être déjoué à Londres. En septembre, deux groupes ont été démantelés en Allemagne et au Danemark sans que les entreprises françaises ne songent à quitter ces pays. Il faut arrêter de faire une fixation sur les pays arabes en ce qui concerne le terrorisme. Tous les pays sont passibles d’attaques et en France avec le calme apparent je m’attends à des attaques terroristes. Il va de l’intérêt des sociétés françaises de demeurer en Algérie.
Les services de sécurité américains forment actuellement des officiers algériens. Les français n’ont-ils pas pris du retard dans ce domaine ?
Nous ne sommes pas en retard et nos relations avec les services de sécurité et de renseignement algériens sont anciennes. Elles sont bâties sur la confiance. Nous avons travaillé cote-à-cote pour vaincre les GIA. Ma relation personnelle avec la direction des renseignements algériens est solide. Il n’est pas nécessaire de citer leurs noms, même si l’un d’entre eux est mort dernièrement. C’est vrai que les américains font des efforts actuellement. C’est parce qu’ils ont un retard considérable. Mais leurs intentions ne sont pas innocentes. Ils savent que l’armée et les renseignements algériens ont développé des techniques nouvelles pour vaincre le terrorisme. Ces techniques ne sont pas à leur portée. Raison pour laquelle, ils veulent en bénéficier.
El Khabar
Responsable de l’antiterrorisme au sein des services du contre-espionnage français, la DST, de 1998 à 2004, Louis Caprioli estime dans cet entretien à El-Khabar que les forces de sécurité algériennes sont en passe de vaincre définitivement le terrorisme. Il considère également que l’intérêt des services de sécurité américains pour l’Algérie n’est pas innocent. Ces services visent, pour lui, à bénéficier de l’expertise algérienne en matière de lutte antiterroriste. Louis Caprioli est, aujourd’hui, conseiller à GEOS, le leader européen de la gestion et de la prévention des risques et qui possède une filiale en Algérie.
Pourquoi le groupe Salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) s’est transformé en l’organisation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ?
Historiquement, des liens existaient entre les membres des groupes islamiques armés (GIA) puis entre le GSPC et l’organisation d’Al-Qaïda. Le bulletin Al-Ansar, publié durant les années 1990 à Londres était un point de ralliement pour des personnes qui se connaissaient parfaitement tels que Abou Qoutada, Abou Hamza Al-Misri et Aymen Al-Zawahiri. Si le GIA n’a pas intégré Al-Qaida, c’est du à la position de Djamel Zitouni, l’émir du GIA à l’époque. Il se considérait comme étant le seul combattant de la place. Quant à Droukdel, il s’est servi de cette opportunité pour élargir et internationaliser son combat. Son choix est considéré comme la volonté d’éviter la disparition. Du coté d’Al-Qaïda, c’est l’opportunité de trouver des ramifications au Maghreb. Mais jusqu’à présent il n’y a pas un commandement uni. Il y a des contacts entre les organisations terroristes et une volonté d’unifier le travail. Ce n’est pas organisé.
Le terroriste Hassan Hattab s’est rendu dernièrement aux autorités. Il y a également des informations sur des scissions à l’intérieur du groupe dirigé par Droukdel. Quelle est votre lecture sur ces évènements?
Les services de sécurité algériens n’ont pas cessé d’affaiblir les groupes terroristes depuis les années 1990. Même durant les pires moments en 1994 et 1995. En plus des opérations militaires, les différentes politiques initiées pour le règlement de cette crise telles que la concorde civile et la réconciliation nationale ont rendu plus important cet affaiblissement. Il y a aujourd’hui à l’intérieur de l’organisation des courants visibles sur ce que propose comme choix le pouvoir. L’armée algérienne a en main un nombre d’éléments qui l’aident dans sa lutte. D’un coté, il y a une complémentarité entre les différentes forces de sécurité avec des capacités humaines et matérielles importantes. De l’autre, la poursuite de la politique de réconciliation nationale. Vous avez cité Hattab, il y a aussi Mokhtar Belmokhtar qui s’est retiré pour cause de divergence avec Droukdel. Ce dernier a également évincé Hattab pour cause de désaccords avec lui. Globalement il y a des courants qui s’opposent à l’intérieur de l’organisation Al-Qaida. Il y a ceux qui veulent se rendre et ceux qui veulent continuer. Cette organisation a faibli. Avant, ses groupes étaient répartis dans toutes les régions. Aujourd’hui, ils sont concentrés dans des régions précises. Ils sont confrontés périodiquement aux opérations de l’armée. Je suis persuadé que l’armée et les forces de sécurités algériennes sont sur le chemin de la victoire.
L’Algérie peut-elle revivre le terrorisme des années 1990 ?
Je crois que l’histoire ne se répète pas. J’ai connu l’Algérie quand j’appartenais aux services de renseignement français. Nous avons collaborés pendant des années avec les services algériens. Je me rappelle que même durant les pires années, 1993, 1994, 1995, nous n’avions aucun doute quant à la capacité des Algériens à vaincre le terrorisme. Parce que le peuple s’est élevé contre lui. La situation en Algérie que ce soit dans les domaines économique, financier, social ou politique, a nettement évolué. L’Algérie compte aujourd’hui parmi les pays en voie de développement. D’où l’impossibilité d’un retour en arrière.
Est-il obligatoire de poursuivre le choix de la réconciliation ou faut-il opter pour celui du tout sécuritaire ?
Il faut s’appuyer sur les deux solutions en même temps. Il y a ceux qui veulent se rendre et reprendre le droit chemin. D’autres qui veulent mourir, il faut les éradiquer. Je sais que la chose est difficile et douloureuse pour les familles des victimes de terrorisme. Elles comprendront avec le temps que c’est la seule solution. Le point difficile dans cette équation est que le terrorisme se nourrit de conjonctures internationales telles que l’Afghanistan, l’Irak et la Palestine. Si nous ne nous leur trouvons pas de solutions, nous continuerons à contrer des mouvements extrémistes. Les Américains sont intervenus en Irak et sont responsable d’un phénomène très dangereux. Nous en tant qu’Européens et vous en tant qu’Algériens, nous sommes confrontés à un terrorisme influencé par une conjoncture internationale que nous ne contrôlons pas. Et malgré tous les efforts qui seront fournis, le terrorisme existera peut-être encore.
Croyez-vous que les entreprises françaises qui ont rapatrié leurs expatriés après les menaces reçues se sont précipitées ?
La sécurité de ces entreprises doit être construite sur une stratégie commune entre elles et les services de sécurité algériens. La coordination entre les services de sécurité français et algériens a permis de déjouer la tentative d’attentat contre les employés de la compagnie Aéroports de Paris. De manière générale, toute entreprise qui s’installe à l’étranger prend un risque. Au mois de juillet dernier, un attentat à la bombe a pu être déjoué à Londres. En septembre, deux groupes ont été démantelés en Allemagne et au Danemark sans que les entreprises françaises ne songent à quitter ces pays. Il faut arrêter de faire une fixation sur les pays arabes en ce qui concerne le terrorisme. Tous les pays sont passibles d’attaques et en France avec le calme apparent je m’attends à des attaques terroristes. Il va de l’intérêt des sociétés françaises de demeurer en Algérie.
Les services de sécurité américains forment actuellement des officiers algériens. Les français n’ont-ils pas pris du retard dans ce domaine ?
Nous ne sommes pas en retard et nos relations avec les services de sécurité et de renseignement algériens sont anciennes. Elles sont bâties sur la confiance. Nous avons travaillé cote-à-cote pour vaincre les GIA. Ma relation personnelle avec la direction des renseignements algériens est solide. Il n’est pas nécessaire de citer leurs noms, même si l’un d’entre eux est mort dernièrement. C’est vrai que les américains font des efforts actuellement. C’est parce qu’ils ont un retard considérable. Mais leurs intentions ne sont pas innocentes. Ils savent que l’armée et les renseignements algériens ont développé des techniques nouvelles pour vaincre le terrorisme. Ces techniques ne sont pas à leur portée. Raison pour laquelle, ils veulent en bénéficier.
El Khabar
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