Robuste la relativité
La dilatation du temps : une nouvelle confirmation !
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Il y a cent ans, Albert Einstein proposait d’utiliser l’effet Doppler-Fizeau pour tester une des plus célèbres prédictions de sa théorie de la relativité restreinte : la dilatation du temps. Des chercheurs du Max Planck Institute for Nuclear Physics, à Heidelberg, viennent de la vérifier par ce moyen, et avec une précision accrue.
Depuis sa découverte théorique en 1905, le caractère relatif de l’espace et du temps, illustré par le célèbre paradoxe des jumeaux de Langevin, n’a cessé d’alimenter les discussions. Bien sûr, les preuves expérimentales en faveur de la réalité du phénomène de dilatation du temps sont nombreuses et solides. Toutes les prédictions de la relativité restreinte, comme celles que l’on teste quotidiennement dans les accélérateurs de particules (et même avec les récepteurs GPS, qui, en plus, tiennent compte de la relativité génrale), reposent étroitement sur la notion d’espace-temps et sur l’effet de dilatation du temps pour un observateur en mouvement par rapport à un autre, resté au repos dans un référentiel donné.
Rien n’indique cependant que la théorie d’Einstein soit une description exacte de la réalité dans toutes les situations et pour tous les phénomènes. Les théories de Galilée, Kepler et Newton pour l’espace, le temps et la gravitation ont bien elles-mêmes trouvé leurs limites, comme Einstein et l’expérience nous l’ont appris.
Un enjeu : dépasser le modèle standard
Depuis quelques années, il y a un regain d’intérêt pour des expériences rendues possibles par la technologie moderne et permettant de tester avec plus de précision des théories comme celles de la relativité d’Einstein. Un formalisme très général, celui de Robertson-Mansouri-Sexl, permet d’ailleurs de fournir une description avec plusieurs paramètres libres des écarts possibles aux prédictions de la relativité restreinte d’Einstein, tout comme le formalisme PPN de Will et Nordtvedt paramétrise les écarts possibles à la relativité générale, dans le cadre des théories métriques de la gravitation.
L’enjeu est d’importance car des violations de la relativité restreinte conduiraient probablement à une violation de l’invariance CPT. Cela constituerait un signe fort en faveur, ou contre, certaines théories au-delà du modèle standard comme la théorie des cordes. Des violations de la symétrie CPT permettraient d’expliquer certaines anomalies en physique des particules et même le fameux problème de l’asymétrie matière-antimatière en cosmologie d’après certains.
C’est dans cette optique qu’un groupe de physiciens allemands et canadiens affine des mesures d’effet Doppler relativiste à l’aide de faisceaux d’ions de lithium circulant dans un anneau de stockage, près de Heidelberg en Allemagne. Il s’agit donc d’une forme plus sophistiquée de la mise en évidence d’un effet Doppler relativiste, telle qu’elle a été réalisée une première fois en 1938 par Ives et Stilwell. Ironiquement, Ives était un opposant à la théorie d’Einstein avant d’être convaincu de sa validité par l’expérience qu’il avait réalisée avec Stilwell !
Les chercheurs du Max Planck Institute for Nuclear Physics font aujourd'hui le point dans un article de Nature.
L'expérience de Heidelberg
Les faisceaux laser en cours de réglage Crédit : TSR Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
La technique mise en œuvre est utilisée en optique quantique et on l’appelle la spectroscopie par absorption saturée. On prend pour cela deux lasers dont l’un est stable en fréquence et un autre de fréquence modulable. On fabrique des paquets d’atomes de lithium 7 ionisés possédant deux niveaux d’énergie proches donnant lieu à une fréquence de transition électronique de 546 THz environ, et que l’on injecte à une fraction notable de la vitesse de la lumière, ici quelques %, dans un anneau de stockage magnétique.
On illumine enfin les ions de 7Li+ par l’arrière avec le faisceau laser stable et par l’avant avec le faisceau à fréquence variable. En absorbant les photons à une certaine fréquence, les ions 7Li+ les réémettent ensuite par fluorescence.
Il se produira une résonance dans l’intensité de la lumière absorbée, or celle-ci, du fait du mouvement des noyaux, ne sera pas la même pour les deux faisceaux laser. En revanche, d’après la théorie de la relativité restreinte et les formules de l’effet Doppler relativiste, le produit des deux fréquences sera égal à la fréquence de transition entre les niveaux d’énergie précédents, lorsque les ions sont au repos dans le référentiel du laboratoire.
L'anneau de stockage des ions lithium au Max Planck Institute for Nuclear Physics à Heidelberg.TSR Crédit : Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
L’expérience a été réalisée et c’est bien ce qu’on observe. Mieux, s'il existe un écart entre les prédictions de la relativité restreinte et la réalité en ce qui concerne l’influence du facteur de dilatation relativiste du temps dans l’effet Doppler, celui-ci doit être inférieur à 8,4 10-8 , un résultat 10 fois plus précis que ce que l’on avait déjà obtenu avec les GPS ! Il faudra donc gagner encore en précision pour espérer détecter de possibles violations de la théorie d'Einstein qui résiste toujours vaillamment
Une photo des chercheurs à Heidelberg Crédit :TSR Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
La dilatation du temps : une nouvelle confirmation !
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Il y a cent ans, Albert Einstein proposait d’utiliser l’effet Doppler-Fizeau pour tester une des plus célèbres prédictions de sa théorie de la relativité restreinte : la dilatation du temps. Des chercheurs du Max Planck Institute for Nuclear Physics, à Heidelberg, viennent de la vérifier par ce moyen, et avec une précision accrue.
Depuis sa découverte théorique en 1905, le caractère relatif de l’espace et du temps, illustré par le célèbre paradoxe des jumeaux de Langevin, n’a cessé d’alimenter les discussions. Bien sûr, les preuves expérimentales en faveur de la réalité du phénomène de dilatation du temps sont nombreuses et solides. Toutes les prédictions de la relativité restreinte, comme celles que l’on teste quotidiennement dans les accélérateurs de particules (et même avec les récepteurs GPS, qui, en plus, tiennent compte de la relativité génrale), reposent étroitement sur la notion d’espace-temps et sur l’effet de dilatation du temps pour un observateur en mouvement par rapport à un autre, resté au repos dans un référentiel donné.
Rien n’indique cependant que la théorie d’Einstein soit une description exacte de la réalité dans toutes les situations et pour tous les phénomènes. Les théories de Galilée, Kepler et Newton pour l’espace, le temps et la gravitation ont bien elles-mêmes trouvé leurs limites, comme Einstein et l’expérience nous l’ont appris.
Un enjeu : dépasser le modèle standard
Depuis quelques années, il y a un regain d’intérêt pour des expériences rendues possibles par la technologie moderne et permettant de tester avec plus de précision des théories comme celles de la relativité d’Einstein. Un formalisme très général, celui de Robertson-Mansouri-Sexl, permet d’ailleurs de fournir une description avec plusieurs paramètres libres des écarts possibles aux prédictions de la relativité restreinte d’Einstein, tout comme le formalisme PPN de Will et Nordtvedt paramétrise les écarts possibles à la relativité générale, dans le cadre des théories métriques de la gravitation.
L’enjeu est d’importance car des violations de la relativité restreinte conduiraient probablement à une violation de l’invariance CPT. Cela constituerait un signe fort en faveur, ou contre, certaines théories au-delà du modèle standard comme la théorie des cordes. Des violations de la symétrie CPT permettraient d’expliquer certaines anomalies en physique des particules et même le fameux problème de l’asymétrie matière-antimatière en cosmologie d’après certains.
C’est dans cette optique qu’un groupe de physiciens allemands et canadiens affine des mesures d’effet Doppler relativiste à l’aide de faisceaux d’ions de lithium circulant dans un anneau de stockage, près de Heidelberg en Allemagne. Il s’agit donc d’une forme plus sophistiquée de la mise en évidence d’un effet Doppler relativiste, telle qu’elle a été réalisée une première fois en 1938 par Ives et Stilwell. Ironiquement, Ives était un opposant à la théorie d’Einstein avant d’être convaincu de sa validité par l’expérience qu’il avait réalisée avec Stilwell !
Les chercheurs du Max Planck Institute for Nuclear Physics font aujourd'hui le point dans un article de Nature.
L'expérience de Heidelberg
Les faisceaux laser en cours de réglage Crédit : TSR Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
La technique mise en œuvre est utilisée en optique quantique et on l’appelle la spectroscopie par absorption saturée. On prend pour cela deux lasers dont l’un est stable en fréquence et un autre de fréquence modulable. On fabrique des paquets d’atomes de lithium 7 ionisés possédant deux niveaux d’énergie proches donnant lieu à une fréquence de transition électronique de 546 THz environ, et que l’on injecte à une fraction notable de la vitesse de la lumière, ici quelques %, dans un anneau de stockage magnétique.
On illumine enfin les ions de 7Li+ par l’arrière avec le faisceau laser stable et par l’avant avec le faisceau à fréquence variable. En absorbant les photons à une certaine fréquence, les ions 7Li+ les réémettent ensuite par fluorescence.
Il se produira une résonance dans l’intensité de la lumière absorbée, or celle-ci, du fait du mouvement des noyaux, ne sera pas la même pour les deux faisceaux laser. En revanche, d’après la théorie de la relativité restreinte et les formules de l’effet Doppler relativiste, le produit des deux fréquences sera égal à la fréquence de transition entre les niveaux d’énergie précédents, lorsque les ions sont au repos dans le référentiel du laboratoire.
L'anneau de stockage des ions lithium au Max Planck Institute for Nuclear Physics à Heidelberg.TSR Crédit : Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
L’expérience a été réalisée et c’est bien ce qu’on observe. Mieux, s'il existe un écart entre les prédictions de la relativité restreinte et la réalité en ce qui concerne l’influence du facteur de dilatation relativiste du temps dans l’effet Doppler, celui-ci doit être inférieur à 8,4 10-8 , un résultat 10 fois plus précis que ce que l’on avait déjà obtenu avec les GPS ! Il faudra donc gagner encore en précision pour espérer détecter de possibles violations de la théorie d'Einstein qui résiste toujours vaillamment
Une photo des chercheurs à Heidelberg Crédit :TSR Relativity Team (Sascha Reinhardt, Sergei Karpuk, Christian Novotny, Guido Saathoff)
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