Par Elisabeth Studer le 17 novembre 2007
L'Opep a affiché malgré elle vendredi ses divisions sur les conséquences pour ses membres de la dépréciation du dollar. Deux pays aux antagonismes majeurs : l'Iran et l'Arabie saoudite. A voir également comme les deux tendances émergentes au sein même du cartel : les pro et les anti-américains.
Le débat était diffusé à l'insu des ministres et cette retransmission a été brutalement interrompue lorsque les responsables de l'Organisation se sont rendus compte que les journalistes pouvaient l'écouter.
Un membre de l'organisation du sommet, furieux, a alors fait irruption dans la salle de presse pour débrancher la télévision.
temDans une proposition écrite aux autres membres de l'Opep, le ministre des affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a demandé que "la dépréciation continue du dollar" soit incluse dans le communiqué final, qui sera publié à l'issue du sommet des chefs d'Etat de l'Opep, samedi et dimanche à Ryad. Il a fait une déclaration en ce sens lors d'un débat entre les ministres des Affaires étrangères, du Pétrole et de l'Economie des pays de l'Opep, retransmis à leur insu sur le circuit vidéo du centre de presse du sommet.
Le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud Al-Fayçal, lui a alors demandé "de laisser cette question aux parties compétentes, en l'occurrence les ministres des finances, sans le mentionner dans le communiqué". "Il y a des journalistes qui attendent dehors" pour savoir si le sujet a été mentionné, "ils vont l'exagérer, et nous allons peut-être nous retrouver avec un dollar qui plonge", a-t-il fait valoir. L'Opep doit s'assurer qu'"une initiative que nous prendrions n'aurait pas des conséquences négatives sur nos revenus", a-t-il poursuivi, ajoutant: "nous ne voulons pas que le dollar s'effondre".
Le dollar a perdu près de 15% depuis un an face à l'euro et a atteint début novembre un plancher historique à 1,4752 dollar pour un euro. Les prix mondiaux du pétrole sont libellés en dollar ce qui fait que la baisse continue de cette devise depuis deux ans diminue d'autant les revenus des pays producteurs.
L'Iran a toutefois décidé de ne plus utiliser le dollar comme monnaie d'échange et de vendre son pétrole en d'autres devises, dont l'euro. En octobre dernier, le ministère du Pétrole iranien avait affirmé que 85 % de la production de brut du pays était vendu dans une devise autre que le dollar. Pour rappel, l’Iran est le quatrième producteur mondial de pétrole et le deuxième de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole.
"A l'heure actuelle, 65% de la vente du pétrole se fait en euros et 20% en yens", avait alors déclaré Seyed Mohammad Khatibi, vice-président de la Société nationale du pétrole iranienne (NIOC). "Seulement 15% de la vente du pétrole se fait en dollar et nous sommes en train de remplacer progressivement cette part avec des devises plus crédibles", avait-t-il ajouté. Depuis 2004, "la valeur du dollar a baissé entre 30 et 35%", a-t-il dit, par conséquent, conserver nos capitaux en dollar signifie une baisse importante de nos avoirs. Nous avons donc décidé de remplacer le dollar par d'autres devises".
En décembre dernier, le ministre iranien de l'Economie avait déclaré qu'à la suite des restrictions décidées par les banques américaines, l'Iran avait décidé de réduire "au minimum" sa dépendance au dollar dans ses échanges commerciaux et ses réserves en devises.
La différence entre les revenus pétroliers nominaux ou en valeur réelle des membres de l'Opep "doit être examinée par les ministres des Finances" car elle concerne "non pas le marché de l'Energie mais l'ensemble des marchés" financiers, a pour sa part souligné le ministre algérien des affaires étrangères.
Pendant toute la journée, la rumeur de la mention de la faiblesse du dollar avait enflé. Les Saoudiens, premiers producteurs d'or noir de la planète et chefs de file de l'Opep, ont finalement remporté la partie. "Je vais être clair: le dollar ne sera pas dans le communiqué final", a affirmé le secrétaire général de l'Opep Abdallah el-Badri, à la sortie de la réunion.
Manouchehr Mottaki a quant à lui déclaré à l'AFP qu'il "a été décidé que les ministres des finances de l'Opep étudieraient le problème (du dollar faible) et les mécanismes pour y faire face afin de préserver les revenus des membres" du cartel.
Le billet vert s'est modestement affaibli après l'annonce de la proposition de l'Iran sur le dollar : à 18H15 GMT, il valait 1,4660 dollar pour un euro tandis qu'à 17H00 GMT, l'euro valait 1,4649 dollars.
Si l'Iran fait partie avec le Venezuela d'un front "dur" et antiaméricain, systématiquement opposé aux augmentations de quotas de production de l'Opep pour faire baisser les prix du pétrole, les Saoudiens sont considérés comme pragmatiques et pro-américains, et sont les seuls à pouvoir augmenter de façon significative leur production pétrolière le cas échéant.
La présence du président iranien Mahmoud Ahmadinejad et du président vénézuélien Hugo Chavez, donne un ton hautement politique au sommet mais M. al-Badri s'en est défendu rappelant que "l'Opep est une organisation non-politique". Il a été toutefois contredit par le ministre vénézuélien du pétrole Rafael Ramirez pour qui "le fait que nous soyons là signifie que c'est un événement politique".
Hugo Chavez a lui-même souhaité avant son départ pour Ryad que l'Opep aille "au-delà du domaine purement énergétique" et se dote de "visées politiques et géopolitiques". Caracas a notamment soutenu la réintégration de l'Equateur au sein du cartel, pour former un front avec ce deuxième membre latino-américain hostile à Washington. Quito doit réintégrer officiellement l'Opep au sommet de Ryad pour en devenir le 13e membre.
A noter également qu'en mai 2006, le président Hugo Chavez avait déclaré que le Venezuela étudiait la possibilité de coter son pétrole en euros, plutôt qu'en dollar américain. Commentant alors les propos de l'Iran déclarant songer à adopter la devise européenne à la place du dollar américain pour ses exportations de brut, le président vénézuelizen avait estimé “intéressante” la proposition faite par le président iranien. “Nous sommes également libres de choisir entre le dollar et l'euro", avait-il rajouté.
Les experts estimaient alors que si le marché pétrolier iranien était évalué en euros, ou que si Téhéran exigeait simplement un paiement en euros pour ses barils, certaines banques centrales pourraient convertir une partie de leurs réserves de devises américaines en euros, entraînant ainsi une baisse de la valeur du dollar. Les parlementaires iraniens avaient parallèlement exhorté leur gouvernement de mettre sur pieds au plus tôt un marché en euros pour réduire l'influence des Etats-Unis sur l'économie de l'Iran.
Les ministres ont par ailleurs écarté dans leurs déclarations toute annonce à Ryad sur une augmentation de la production du cartel, renvoyant une éventuelle décision à la réunion ministérielle d'Abou Dhabi début décembre. "Nous avons assez d'approvisionnement (pétrolier) pour le moment", a réaffirmé vendredi le ministre algérien du Pétrole, Chakib Khelil. L'Opep pourrait aussi inclure dans son communiqué un appel aux pays industrialisés pour qu'ils baissent leur taxes sur le pétrole qui renchérissent le prix de l'essence et du fioul pour les consommateurs.
A lire également :
. Le Venezuela pourrait coter le pétrole en euro
L'Opep a affiché malgré elle vendredi ses divisions sur les conséquences pour ses membres de la dépréciation du dollar. Deux pays aux antagonismes majeurs : l'Iran et l'Arabie saoudite. A voir également comme les deux tendances émergentes au sein même du cartel : les pro et les anti-américains.
Le débat était diffusé à l'insu des ministres et cette retransmission a été brutalement interrompue lorsque les responsables de l'Organisation se sont rendus compte que les journalistes pouvaient l'écouter.
Un membre de l'organisation du sommet, furieux, a alors fait irruption dans la salle de presse pour débrancher la télévision.
temDans une proposition écrite aux autres membres de l'Opep, le ministre des affaires étrangères iranien, Manouchehr Mottaki, a demandé que "la dépréciation continue du dollar" soit incluse dans le communiqué final, qui sera publié à l'issue du sommet des chefs d'Etat de l'Opep, samedi et dimanche à Ryad. Il a fait une déclaration en ce sens lors d'un débat entre les ministres des Affaires étrangères, du Pétrole et de l'Economie des pays de l'Opep, retransmis à leur insu sur le circuit vidéo du centre de presse du sommet.
Le chef de la diplomatie saoudienne, Saoud Al-Fayçal, lui a alors demandé "de laisser cette question aux parties compétentes, en l'occurrence les ministres des finances, sans le mentionner dans le communiqué". "Il y a des journalistes qui attendent dehors" pour savoir si le sujet a été mentionné, "ils vont l'exagérer, et nous allons peut-être nous retrouver avec un dollar qui plonge", a-t-il fait valoir. L'Opep doit s'assurer qu'"une initiative que nous prendrions n'aurait pas des conséquences négatives sur nos revenus", a-t-il poursuivi, ajoutant: "nous ne voulons pas que le dollar s'effondre".
Le dollar a perdu près de 15% depuis un an face à l'euro et a atteint début novembre un plancher historique à 1,4752 dollar pour un euro. Les prix mondiaux du pétrole sont libellés en dollar ce qui fait que la baisse continue de cette devise depuis deux ans diminue d'autant les revenus des pays producteurs.
L'Iran a toutefois décidé de ne plus utiliser le dollar comme monnaie d'échange et de vendre son pétrole en d'autres devises, dont l'euro. En octobre dernier, le ministère du Pétrole iranien avait affirmé que 85 % de la production de brut du pays était vendu dans une devise autre que le dollar. Pour rappel, l’Iran est le quatrième producteur mondial de pétrole et le deuxième de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole.
"A l'heure actuelle, 65% de la vente du pétrole se fait en euros et 20% en yens", avait alors déclaré Seyed Mohammad Khatibi, vice-président de la Société nationale du pétrole iranienne (NIOC). "Seulement 15% de la vente du pétrole se fait en dollar et nous sommes en train de remplacer progressivement cette part avec des devises plus crédibles", avait-t-il ajouté. Depuis 2004, "la valeur du dollar a baissé entre 30 et 35%", a-t-il dit, par conséquent, conserver nos capitaux en dollar signifie une baisse importante de nos avoirs. Nous avons donc décidé de remplacer le dollar par d'autres devises".
En décembre dernier, le ministre iranien de l'Economie avait déclaré qu'à la suite des restrictions décidées par les banques américaines, l'Iran avait décidé de réduire "au minimum" sa dépendance au dollar dans ses échanges commerciaux et ses réserves en devises.
La différence entre les revenus pétroliers nominaux ou en valeur réelle des membres de l'Opep "doit être examinée par les ministres des Finances" car elle concerne "non pas le marché de l'Energie mais l'ensemble des marchés" financiers, a pour sa part souligné le ministre algérien des affaires étrangères.
Pendant toute la journée, la rumeur de la mention de la faiblesse du dollar avait enflé. Les Saoudiens, premiers producteurs d'or noir de la planète et chefs de file de l'Opep, ont finalement remporté la partie. "Je vais être clair: le dollar ne sera pas dans le communiqué final", a affirmé le secrétaire général de l'Opep Abdallah el-Badri, à la sortie de la réunion.
Manouchehr Mottaki a quant à lui déclaré à l'AFP qu'il "a été décidé que les ministres des finances de l'Opep étudieraient le problème (du dollar faible) et les mécanismes pour y faire face afin de préserver les revenus des membres" du cartel.
Le billet vert s'est modestement affaibli après l'annonce de la proposition de l'Iran sur le dollar : à 18H15 GMT, il valait 1,4660 dollar pour un euro tandis qu'à 17H00 GMT, l'euro valait 1,4649 dollars.
Si l'Iran fait partie avec le Venezuela d'un front "dur" et antiaméricain, systématiquement opposé aux augmentations de quotas de production de l'Opep pour faire baisser les prix du pétrole, les Saoudiens sont considérés comme pragmatiques et pro-américains, et sont les seuls à pouvoir augmenter de façon significative leur production pétrolière le cas échéant.
La présence du président iranien Mahmoud Ahmadinejad et du président vénézuélien Hugo Chavez, donne un ton hautement politique au sommet mais M. al-Badri s'en est défendu rappelant que "l'Opep est une organisation non-politique". Il a été toutefois contredit par le ministre vénézuélien du pétrole Rafael Ramirez pour qui "le fait que nous soyons là signifie que c'est un événement politique".
Hugo Chavez a lui-même souhaité avant son départ pour Ryad que l'Opep aille "au-delà du domaine purement énergétique" et se dote de "visées politiques et géopolitiques". Caracas a notamment soutenu la réintégration de l'Equateur au sein du cartel, pour former un front avec ce deuxième membre latino-américain hostile à Washington. Quito doit réintégrer officiellement l'Opep au sommet de Ryad pour en devenir le 13e membre.
A noter également qu'en mai 2006, le président Hugo Chavez avait déclaré que le Venezuela étudiait la possibilité de coter son pétrole en euros, plutôt qu'en dollar américain. Commentant alors les propos de l'Iran déclarant songer à adopter la devise européenne à la place du dollar américain pour ses exportations de brut, le président vénézuelizen avait estimé “intéressante” la proposition faite par le président iranien. “Nous sommes également libres de choisir entre le dollar et l'euro", avait-il rajouté.
Les experts estimaient alors que si le marché pétrolier iranien était évalué en euros, ou que si Téhéran exigeait simplement un paiement en euros pour ses barils, certaines banques centrales pourraient convertir une partie de leurs réserves de devises américaines en euros, entraînant ainsi une baisse de la valeur du dollar. Les parlementaires iraniens avaient parallèlement exhorté leur gouvernement de mettre sur pieds au plus tôt un marché en euros pour réduire l'influence des Etats-Unis sur l'économie de l'Iran.
Les ministres ont par ailleurs écarté dans leurs déclarations toute annonce à Ryad sur une augmentation de la production du cartel, renvoyant une éventuelle décision à la réunion ministérielle d'Abou Dhabi début décembre. "Nous avons assez d'approvisionnement (pétrolier) pour le moment", a réaffirmé vendredi le ministre algérien du Pétrole, Chakib Khelil. L'Opep pourrait aussi inclure dans son communiqué un appel aux pays industrialisés pour qu'ils baissent leur taxes sur le pétrole qui renchérissent le prix de l'essence et du fioul pour les consommateurs.
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