Mohand Tahar Belaroussi El Watan 17-11-2007
Son squelette a été découvert en 1925 :Tin Hinan, une reine ou un roi ?
[IMG]http://www.art-***********/algeriennes/algeriennes/tin_hinan.jpg[/IMG]
Reine mythique des Touareg Ahaggar, devenue figure légendaire et incontournable de l’identité berbère, Tin Hinan n’a pas fini — encore aujourd’hui — de livrer tous ses secrets.
Plus de 15 siècles après sa disparition, elle remplit son univers de fantasmes et aiguise bien des curiosités scientifiques. 82 ans après la découverte du tombeau dit de Tin Hinan à Abalessa (73 km à l’ouest de Tamanrasset), les « doutes » sur l’identité réelle du personnage inhumé ne cessent de hanter la communauté scientifique. Des incertitudes que des chercheurs du Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) appellent à dissiper. De nouvelles fouilles et des tests ADN s’imposent, selon eux, pour identifier le squelette découvert en 1925. Il va sans dire qu’un tel « projet » paraît hautement risqué pour les « gardiens du temple ». La légende et le mythe fondateur des Touareg survivront-ils cette fois-ci à l’implacable vérité scientifique ? Abalessa. Vendredi, 9 novembre. La caravane de préhistoriens, invités de marque du colloque international sur la préhistoire maghrébine (organisé à Tamanrasset du 4 au 9 novembre), marque sa dernière halte. Le voyage au bout de l’Askrem, entamé la veille, prend fin, non sans émotion, sur ces terres d’Abalessa, l’ancienne capitale du Hoggar, au pied d’un des plus grands monuments berbères, le tombeau « présumé » de Tin Hinan.
Le monument funéraire se dresse devant ses scrutateurs, gorgé de mystères. Quelques-uns des grands noms de la recherche préhistorique algérienne, Malika Hachid, Abdelkader Haddouche et Slimane Hachi, pour ne citer que ceux-là, font les précieux guides pour leurs collègues du Maroc, de Tunisie, de France, d’Espagne, de Belgique, d’Italie… émerveillés et insatiables. L’histoire et la mémoire des lieux, chacun y est allé de ses certitudes et de ses doutes pour la conter. Au sommet du mausolée, et devant l’assistance disposée en cercle dans une chambre mitoyenne avec celle abritant la « sépulture » de Tin Hinan, Malika Hachid et M. Haddouche plaidaient avec force arguments la reprise des fouilles pour déterminer avec précision le sexe et l’identité du personnage inhumé dans la fameuse chambre n°1. M. Hachi, directeur du CNRPAH, objecte fermement. « Mais en quoi serait-il important de le savoir ? », fait-il mine de s’interroger. « Nous sommes ici, dit-il, dans un site archéologique qui abrite un mythe fondateur qui structure toute la société. » « Il faut laisser de côté le mythe », déclare-t-il, lui « donner sa chance de survie » et ne pas se substituer à la société qui est la seule, d’après lui, à savoir s’il faut laisser vivre ou mourir la légende.
Abalessa et la polémique des scientifiques
Le débat, plutôt l’échange entre les deux chercheurs, s’enflamme. Malika Hachid répliquera du tac au tac : « C’est un travail purement scientifique. Il s’agit de reprendre des fouilles et des études anciennes, car si on suit la légende et la tradition orale, on a affaire à un mausolée abritant une femme, mais si on suit l’archéologie et l’anthropologie, on a une version qui n’est pas aussi précise. C’est pour cela qu’il faut reprendre toutes les fouilles, étudier de nouveau le squelette, envisager une reconstitution faciale, et des analyses ADN pour savoir si c’est un XX ou XY, un homme ou une femme. » Face à un tel assaut, M. Hachi ironise : « Tin Hinan, femme ou homme, mon Dieu, en quoi serait-ce important ?! » « Ah si, répond Malika Hachid. C’est important, surtout pour une femme archéologue comme moi ! » Le mythe, rappelle-t-elle, était déjà à la base des recherches menées jusque-là. « On range de côté le mythe » Tin Hinane, on a un squelette et on ne sait pas à quoi il correspond. Il y a un doute. Un doute que Marie-Claude Chamla, qui a étudié le squelette, a clairement exprimé. Sur le plan purement archéologique, anthropologique, physique, il y a nécessité de reprendre les fouilles, surtout à la lumière de nouvelles études comme celle de l’architecte de l’Office du parc national de l’Ahaggar (OPNA), Karim Arib, des gravures découvertes à la base du monument et aussi en exploitant le fonds documentaire inédit qui nous a été légué par Félix Dubois.
Grand reporter et explorateur, Félix Dubois (1862-1945) était présent sur les lieux en 1903 bien avant les premières fouilles entamées en 1925 par la « mission » franco-américaine conduite par Maurice Reygasse (directeur du musée de préhistoire et d’ethnographie du Bardo) et l’Américain, le comte de Prorok. Une mission qui fera longuement sensation vu la valeur et l’importance de la découverte. Tin Hinan, la « reine mère » des Touareg Ahaggar, venait de renaître de ses cendres. Les deux archéologues découvriront dans la chambre d’inhumation le squelette attribué par la suite à Tin Hinan. Les ossements reposaient, d’après les premières descriptions faites par Reygasse, sur les restes d’un lit en bois sculpté. Le squelette en bon état de conservation était couché sur le dos, orienté vers l’Est, les jambes et les bras légèrement fléchis et la tête coiffée de plumes d’autruche. 15 bracelets en or et en argent, des perles d’antimoine, des perles de métal, un anneau et une feuille d’or, des perles rouges, blanches et colorées, des graines de collier, deux poinçons en fer... et autres objets précieux et moins précieux ont été découverts sur et autour du squelette. Des bijoux d’inspiration sahélienne, selon Malika Hachid, et un trésor funéraire d’une valeur inestimable, pesant 7 kilos d’or. Une telle découverte ne laissa personne indifférent. Le comte de Prorok s’est arrangé, d’après Reygasse, pour obtenir discrètement de Paris les autorisations nécessaires pour transférer le squelette et les objets funéraires aux Etats-Unis. Officiellement pour les présenter dans les universités US. Des chercheurs pour Camps crieront au « vol ». Sa chevauchée à l’Ouest, Tin Hinan l’effectuera sous l’appellation « d’Eve du Sahara » que de Prorok lui choisira.
A Suivre ...
Son squelette a été découvert en 1925 :Tin Hinan, une reine ou un roi ?
[IMG]http://www.art-***********/algeriennes/algeriennes/tin_hinan.jpg[/IMG]
Reine mythique des Touareg Ahaggar, devenue figure légendaire et incontournable de l’identité berbère, Tin Hinan n’a pas fini — encore aujourd’hui — de livrer tous ses secrets.
Plus de 15 siècles après sa disparition, elle remplit son univers de fantasmes et aiguise bien des curiosités scientifiques. 82 ans après la découverte du tombeau dit de Tin Hinan à Abalessa (73 km à l’ouest de Tamanrasset), les « doutes » sur l’identité réelle du personnage inhumé ne cessent de hanter la communauté scientifique. Des incertitudes que des chercheurs du Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH) appellent à dissiper. De nouvelles fouilles et des tests ADN s’imposent, selon eux, pour identifier le squelette découvert en 1925. Il va sans dire qu’un tel « projet » paraît hautement risqué pour les « gardiens du temple ». La légende et le mythe fondateur des Touareg survivront-ils cette fois-ci à l’implacable vérité scientifique ? Abalessa. Vendredi, 9 novembre. La caravane de préhistoriens, invités de marque du colloque international sur la préhistoire maghrébine (organisé à Tamanrasset du 4 au 9 novembre), marque sa dernière halte. Le voyage au bout de l’Askrem, entamé la veille, prend fin, non sans émotion, sur ces terres d’Abalessa, l’ancienne capitale du Hoggar, au pied d’un des plus grands monuments berbères, le tombeau « présumé » de Tin Hinan.
Le monument funéraire se dresse devant ses scrutateurs, gorgé de mystères. Quelques-uns des grands noms de la recherche préhistorique algérienne, Malika Hachid, Abdelkader Haddouche et Slimane Hachi, pour ne citer que ceux-là, font les précieux guides pour leurs collègues du Maroc, de Tunisie, de France, d’Espagne, de Belgique, d’Italie… émerveillés et insatiables. L’histoire et la mémoire des lieux, chacun y est allé de ses certitudes et de ses doutes pour la conter. Au sommet du mausolée, et devant l’assistance disposée en cercle dans une chambre mitoyenne avec celle abritant la « sépulture » de Tin Hinan, Malika Hachid et M. Haddouche plaidaient avec force arguments la reprise des fouilles pour déterminer avec précision le sexe et l’identité du personnage inhumé dans la fameuse chambre n°1. M. Hachi, directeur du CNRPAH, objecte fermement. « Mais en quoi serait-il important de le savoir ? », fait-il mine de s’interroger. « Nous sommes ici, dit-il, dans un site archéologique qui abrite un mythe fondateur qui structure toute la société. » « Il faut laisser de côté le mythe », déclare-t-il, lui « donner sa chance de survie » et ne pas se substituer à la société qui est la seule, d’après lui, à savoir s’il faut laisser vivre ou mourir la légende.
Abalessa et la polémique des scientifiques
Le débat, plutôt l’échange entre les deux chercheurs, s’enflamme. Malika Hachid répliquera du tac au tac : « C’est un travail purement scientifique. Il s’agit de reprendre des fouilles et des études anciennes, car si on suit la légende et la tradition orale, on a affaire à un mausolée abritant une femme, mais si on suit l’archéologie et l’anthropologie, on a une version qui n’est pas aussi précise. C’est pour cela qu’il faut reprendre toutes les fouilles, étudier de nouveau le squelette, envisager une reconstitution faciale, et des analyses ADN pour savoir si c’est un XX ou XY, un homme ou une femme. » Face à un tel assaut, M. Hachi ironise : « Tin Hinan, femme ou homme, mon Dieu, en quoi serait-ce important ?! » « Ah si, répond Malika Hachid. C’est important, surtout pour une femme archéologue comme moi ! » Le mythe, rappelle-t-elle, était déjà à la base des recherches menées jusque-là. « On range de côté le mythe » Tin Hinane, on a un squelette et on ne sait pas à quoi il correspond. Il y a un doute. Un doute que Marie-Claude Chamla, qui a étudié le squelette, a clairement exprimé. Sur le plan purement archéologique, anthropologique, physique, il y a nécessité de reprendre les fouilles, surtout à la lumière de nouvelles études comme celle de l’architecte de l’Office du parc national de l’Ahaggar (OPNA), Karim Arib, des gravures découvertes à la base du monument et aussi en exploitant le fonds documentaire inédit qui nous a été légué par Félix Dubois.
Grand reporter et explorateur, Félix Dubois (1862-1945) était présent sur les lieux en 1903 bien avant les premières fouilles entamées en 1925 par la « mission » franco-américaine conduite par Maurice Reygasse (directeur du musée de préhistoire et d’ethnographie du Bardo) et l’Américain, le comte de Prorok. Une mission qui fera longuement sensation vu la valeur et l’importance de la découverte. Tin Hinan, la « reine mère » des Touareg Ahaggar, venait de renaître de ses cendres. Les deux archéologues découvriront dans la chambre d’inhumation le squelette attribué par la suite à Tin Hinan. Les ossements reposaient, d’après les premières descriptions faites par Reygasse, sur les restes d’un lit en bois sculpté. Le squelette en bon état de conservation était couché sur le dos, orienté vers l’Est, les jambes et les bras légèrement fléchis et la tête coiffée de plumes d’autruche. 15 bracelets en or et en argent, des perles d’antimoine, des perles de métal, un anneau et une feuille d’or, des perles rouges, blanches et colorées, des graines de collier, deux poinçons en fer... et autres objets précieux et moins précieux ont été découverts sur et autour du squelette. Des bijoux d’inspiration sahélienne, selon Malika Hachid, et un trésor funéraire d’une valeur inestimable, pesant 7 kilos d’or. Une telle découverte ne laissa personne indifférent. Le comte de Prorok s’est arrangé, d’après Reygasse, pour obtenir discrètement de Paris les autorisations nécessaires pour transférer le squelette et les objets funéraires aux Etats-Unis. Officiellement pour les présenter dans les universités US. Des chercheurs pour Camps crieront au « vol ». Sa chevauchée à l’Ouest, Tin Hinan l’effectuera sous l’appellation « d’Eve du Sahara » que de Prorok lui choisira.
A Suivre ...
Commentaire