Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les Editions Le Seuil, 70 ans.

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les Editions Le Seuil, 70 ans.

    Radio France Internationale.

    par Elisabeth Bouvet
    Article publié le 20/11/2007


    Après les éditions Bourgois, c’est au tour du Seuil de faire l’objet d’une exposition-rétrospective à la Bpi, la Bibliothèque publique du Centre Pompidou, à Paris. La maison d’édition fête cette année ses 70 ans, ce qui méritait effectivement un arrêt sur image. Archives, correspondances, documents sonores… L’occasion de comprendre l’itinéraire d’une maison dont le catalogue compte aujourd’hui plus de 15 000 titres. Entre engagement et foi, entre sciences sociales et ouverture, ce sont aussi 70 ans qui racontent l’évolution d’une société en pleine mutation. Illustration avec Hervé Séry, sociologue de l’édition, et Isabelle Bastian-Dupleix, commissaire de l’exposition.



    Les fondateurs du Seuil.(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

    L’exposition s’ouvre sur un porche rouge. Et, serait-on tenté d’ajouter, tout est dit ou presque. Si le rouge renvoie à la couleur de la collection littéraire du Seuil, le porche symbolise, à lui seul, les fondements de la maison créée en 1937 par Jean Plaquevent, abbé de son état. « En choisissant le nom Seuil, il faisait évidemment référence au seuil qui permet d'entrer dans l’église », explique Hervé Séry qui précise, « il s’agit alors de refaire une France chrétienne ».

    Qui se souvient en effet que les éditions du Seuil furent fondées par deux militants catholiques, en réponse à la crise économique et politique qui, selon eux, ébranlent la société française de l’époque. L’abbé Jean Plaquevent et son acolyte Henri Sjöberg n’ayant donc rigoureusement rien à voir avec le monde de l’édition. Issus tous deux de la bourgeoisie du sud-ouest, leur force tient à cet engagement, cette foi qui jamais ne les quittera, et même, ajoute Hervé Séry, « a forgé l’identité du Seuil ».

    Accompagner la modernisation du pays

    Une identité qui, si elle doit énormément à ses fondateurs, s’écrira aussi pour beaucoup grâce à l’arrivée, dès 1937, de Paul Flamand et Jean Bardet, deux renforts qui vont marquer, à l’encre indélébile, le parcours des éditions du Seuil. Tout l’intérêt précisément de l’exposition que de montrer « un catalogue en train de se faire » depuis Etoile au grand large de Guy de Larigaudie, le premier best-seller scout publié en 1943 à Léopold Senghor et Roland Barthes en passant par Le Petit monde de Don Camillo dont le succès, en 1961, assurera un matelas financier à la maison. Car, l’une des caractéristiques des éditions du Seuil tient à « son ouverture ».

    Qu’il s’agisse de l’alliance, après-guerre, avec Emmanuel Mounier et sa revue Esprit et dont le réseau facilitera les contacts avec les intellectuels, et bientôt, dans les années 50, à la création de toute une série de collections de vulgarisation consacrées à divers domaines comme les sciences, le tourisme, la philosophie, la religion. « Le Seuil a compris que les aspirations du public catholique avaient changé. Et la maison va surfer sur cette aspiration à s’ouvrir sur la société. En fait, elle accompagne la modernisation du pays ».

    De tous les combats


    Etre à l’écoute de la société revient à se faire l’écho des grands débats qui l’animent. Parmi lesquels la décolonisation et la guerre d’Algérie. Le Seuil, fidèle à son éthique des débuts, lance dès les années 50 la collection « Méditerranée » qui accueille nombre d’auteurs africains à l’instar de Senghor, ami personnel de Paul Flamant. « L’engagement, c’est encore lui qui explique que la maison d’édition ait également accompagné la reconstruction de l’Europe au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Le seuil sera d’ailleurs l’une des toutes premières maisons françaises à se rendre à la Foire du livre de Francfort, en Allemagne », poursuit Isabelle Bastian-Dupleix. Et si le Seuil n’a reçu des prix Nobel de littérature que pour des auteurs étrangers, il est assez symbolique que le premier d’entre eux ait été un écrivain allemand, en la personne d’Heinrich Böll.

    « L’édition d’ouvrages de sciences sociales, l’une des vecteurs fondamentaux du Seuil, participe également de ce goût pour l’engagement ». Tout se tient jusqu’à l’apparente diversité du catalogue car, reprend Hervé Séry, « le fait qu’ils étaient des autodidactes de la culture leur a finalement permis de concilier les contraires. C’est d’ailleurs ce qui les distingue d’un Gallimard, d’un Vincent Lindon (éditions de Minuit) ou d’un Robert Laffont ». C’est ainsi que se côtoient, en bonne intelligence, les plumes de Francis Jeanson, Emmanuel Roblès, Maurice Nadeau, Pierre Klossowski, Jean Cayrol et Philippe Sollers.

    « C’est aussi du commerce »

    Au fil des années 80 et 90, apparaissent de nouveaux visages comme ceux de Claude Durand et de Michel Chodkiewicz qui succède à Flamand et Bardet en 1979 puis celui du dynamique Claude Cherki qui prend les rênes de la maison à partir de 1989 pour les abandonner au moment du rachat du Seuil par les éditions de La Martinière en 2004. Entre temps, la multiplication des collections s’est poursuivie, toujours en ligne directe avec les attentes et les soubresauts du monde alentour. Ce seront « Fiction & Cie », « Cadre rouge », « cadre vert », « le point », « l’épreuve des faits », etc.

    A partir des années 90, les apports viendront aussi de l’extérieur avec les éditions de l’Olivier et Verticale (depuis tombée dans l’escarcelle de Gallimard). Regroupements, rachats… A travers le Seuil, c’est toute l’histoire de l’édition française qui se met en place car une maison d’édition, « c’est aussi du commerce », insiste Hervé Séry qui rappelle que « la scénographie de l’exposition réserve justement dans sa partie centrale une place importante au fonctionnement de l’entreprise Seuil qui a acquis son indépendance financière grâce à son volet distribution-diffusion, ce qu’on oublie trop souvent ».

    Loin des chiffres, le public se régalera surtout à écouter, en version noir et blanc, Paul Flamand expliquer comment il conçoit son métier, à lire la correspondance à la fois drôle et soignée du même Flamand, et à revivre, au fil du temps et des collections naissantes, une page importante de notre histoire contemporaine.


    (Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

    Les éditions du Seuil, histoires d'une maison. C'est à la Bpi, au Centre Pompidou, jusqu'au 4 février 2008.
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf
Chargement...
X