Il est remonté. Son bâton à la main, il jure par tous les saints que, s’il l’avait rattrapé, il l’aurait sûrement saigné. Tout menu, portant le poids des années sur ses frêles épaules, Laari puise sa force dans sa colère. Un camion vient de traverser son champ de pomme de terre, écrasant une partie de sa récolte. Le chauffeur, face au bâton, n’a trouvé pour seule défense que d’abandonner son camion et de prendre la fuite. Laari revient doucement sur ses pas et regarde avec regret le gâchis causé par les pneus du poids lourd.
«Après le mildiou et le verglas, c’est au tour des écervelés d’endommager ma récolte», lâche le vieux qui regarde d’un air fatigué l’étendue de son champ, dans cette petite commune d’El Amra, sise à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Aïn Defla. Une wilaya qui assure au moins 40% de la production de pomme de terre au niveau national. Plus de 10 000 hectares sur un total de 16 000 réservés à la culture de ce féculent ont été semés pour l’arrière-saison.
La récolte a déjà commencé dans certains champs. Elle pouvait pourtant attendre jusqu’au mois prochain. Mais le mildiou et le verglas en ont décidé autrement. «Cela fait une semaine que le mildiou a fait son apparition et, avec trois jours de verglas, je suis dans l’obligation de récolter sinon la pomme de terre va pourrir», explique Laari qui affirme qu’en matière de gains cette saison ne sera pas bonne pour les agriculteurs. «Ce qui va donc inéluctablement compromettre la prochaine saison, celle de janvier», ajoute-t-il. Selon lui, si les agriculteurs n’enregistrent pas de bénéfices durant cette arrière-saison, ils seront dans l’incapacité de s’approvisionner pour la première saison de l’année 2008.
Car, pour cette dernière, la semence est importée. «L’année dernière, le prix du kilo de semence a grimpé d’un coup de 80 à 180 DA, ce qui a handicapé de nombreux fellahs. La superficie semée a donc baissé», explique Laari. Mais ce dernier est loin d’être un fellah «professionnel». Il ne sait pas pour quelle raison les grains de l’arrière-saison ne peuvent pas être utilisés comme semence pour la première saison alors que ceux de la récolte de la saison le sont pour l’arrière-saison.
Laari dit que, de toutes les manières, il n’a pas de chambre frigorifique pour conserver la semence. Il n’a, d’ailleurs, pas assez d’argent pour traiter sa récolte et la protéger du mildiou. Un champignon dont il ne connaît pas la provenance : «Dieu seul sait d’où il vient. Cela fait deux ans que nous subissons cette malédiction.» Pourtant, le mildiou n’est pas une malédiction et il n’est pas apparu depuis deux ans. Il a toujours existé mais avec une portée beaucoup plus réduite. La raison de son amplification réside peut-être dans la construction de nouveaux barrages qui cernent la région et qui ont engendré un changement microclimatique.
L’augmentation de l’humidité dans l’air et une température entre 12 et 14° sont des facteurs propices à l’apparition de ce champignon. Laari ne connaît pas tout cela et il ne cherche sûrement pas à le savoir. Il pense à sa récolte et à ses bénéfices. Il affirme avoir dépensé environ 45 millions de centimes par hectare et que sa récolte «malade et gelée» ne sera que de 150 quintaux par hectare au lieu des 300 ou 350 habituels.
En vendant sa récolte à 28 DA le kilo (c’est le prix fixé par l’offre et la demande lundi dernier), Laari rentrera-t-il dans ses frais, surtout si l’on précise qu’il a loué les terres semées à près de 40 000 DA l’hectare. Ce vieil homme n’est pas le seul à se poser cette question et à s’inquiéter. De nombreux fellahs d’El Amra sont anxieux. Ces trois associés, propriétaires d’une EAC (exploitation agricole collective) d’une vingtaine d’hectares, expliquent que la récolte simultanée de la pomme de terre dans tous les champs fera baisser le prix de ce féculent. «C’est tant mieux pour le consommateur mais cela va engendrer de grandes pertes pour nous agriculteurs, et à ce rythme nous allons abandonner.» Sauf si, car il y a un si, selon les dires des agriculteurs, l’Etat joue son rôle de régulateur en veillant à assurer une quantité suffisante de semence pour la prochaine saison et à un prix abordable. Il faudrait également que le prix des intrants et celui de l’engrais baissent. «Il y a eu une détaxation pour les importateurs cette année à cause de la crise de la pomme de terre mais personne n’a pensé au fellah. Le prix de l’engrais a doublé et celui de la semence importée était brûlant», soulignent les propriétaires de l’EAC.
Ces derniers affirment avoir suivi à la lettre le calendrier de traitement de leur récolte, tel qu’il leur a été expliqué et recommandé par les différents services de la direction agricole et les firmes importatrices des produits de traitement. «J’ai utilisé plus de 1 000 litres de traitement par hectare, ce qui m’a coûté pas moins de 7 000 DA/hectare mais cela n’a pas empêché le mildiou d’apparaître. Je ne sais plus si je dois incriminer les produits ou penser que je ne suis pas arrivé à assimiler les orientations», affirme l’un des trois agriculteurs tout en exhibant un carnet où étaient inscrits les différents produits de traitement acquis au prix fort.
Pas moins de 50 millions de centimes dépensés dans l’achat de différentes marques de produits de traitement mais qui semblent ne pas avoir donné le résultat escompté. En faisant un petit calcul, les associés concluent que les bénéfices ne seront pas au rendez-vous de cette arrière-saison : «Avec l’apparition du mildiou et le verglas qui a frappé dernièrement, le prix de vente pour nous va baisser jusqu’à 15 DA le kilo alors que nos frais sont de l’ordre de 20 à 22 DA/kg.» Considérant le moment propice pour mettre le doigt sur le mal qui ravage la bourse du consommateur, les associés font remarquer que le fellah, généralement incriminé dans l’augmentation des prix des fruits et légumes, est loin d’en être la cause.
«Après le mildiou et le verglas, c’est au tour des écervelés d’endommager ma récolte», lâche le vieux qui regarde d’un air fatigué l’étendue de son champ, dans cette petite commune d’El Amra, sise à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Aïn Defla. Une wilaya qui assure au moins 40% de la production de pomme de terre au niveau national. Plus de 10 000 hectares sur un total de 16 000 réservés à la culture de ce féculent ont été semés pour l’arrière-saison.
La récolte a déjà commencé dans certains champs. Elle pouvait pourtant attendre jusqu’au mois prochain. Mais le mildiou et le verglas en ont décidé autrement. «Cela fait une semaine que le mildiou a fait son apparition et, avec trois jours de verglas, je suis dans l’obligation de récolter sinon la pomme de terre va pourrir», explique Laari qui affirme qu’en matière de gains cette saison ne sera pas bonne pour les agriculteurs. «Ce qui va donc inéluctablement compromettre la prochaine saison, celle de janvier», ajoute-t-il. Selon lui, si les agriculteurs n’enregistrent pas de bénéfices durant cette arrière-saison, ils seront dans l’incapacité de s’approvisionner pour la première saison de l’année 2008.
Car, pour cette dernière, la semence est importée. «L’année dernière, le prix du kilo de semence a grimpé d’un coup de 80 à 180 DA, ce qui a handicapé de nombreux fellahs. La superficie semée a donc baissé», explique Laari. Mais ce dernier est loin d’être un fellah «professionnel». Il ne sait pas pour quelle raison les grains de l’arrière-saison ne peuvent pas être utilisés comme semence pour la première saison alors que ceux de la récolte de la saison le sont pour l’arrière-saison.
Laari dit que, de toutes les manières, il n’a pas de chambre frigorifique pour conserver la semence. Il n’a, d’ailleurs, pas assez d’argent pour traiter sa récolte et la protéger du mildiou. Un champignon dont il ne connaît pas la provenance : «Dieu seul sait d’où il vient. Cela fait deux ans que nous subissons cette malédiction.» Pourtant, le mildiou n’est pas une malédiction et il n’est pas apparu depuis deux ans. Il a toujours existé mais avec une portée beaucoup plus réduite. La raison de son amplification réside peut-être dans la construction de nouveaux barrages qui cernent la région et qui ont engendré un changement microclimatique.
L’augmentation de l’humidité dans l’air et une température entre 12 et 14° sont des facteurs propices à l’apparition de ce champignon. Laari ne connaît pas tout cela et il ne cherche sûrement pas à le savoir. Il pense à sa récolte et à ses bénéfices. Il affirme avoir dépensé environ 45 millions de centimes par hectare et que sa récolte «malade et gelée» ne sera que de 150 quintaux par hectare au lieu des 300 ou 350 habituels.
En vendant sa récolte à 28 DA le kilo (c’est le prix fixé par l’offre et la demande lundi dernier), Laari rentrera-t-il dans ses frais, surtout si l’on précise qu’il a loué les terres semées à près de 40 000 DA l’hectare. Ce vieil homme n’est pas le seul à se poser cette question et à s’inquiéter. De nombreux fellahs d’El Amra sont anxieux. Ces trois associés, propriétaires d’une EAC (exploitation agricole collective) d’une vingtaine d’hectares, expliquent que la récolte simultanée de la pomme de terre dans tous les champs fera baisser le prix de ce féculent. «C’est tant mieux pour le consommateur mais cela va engendrer de grandes pertes pour nous agriculteurs, et à ce rythme nous allons abandonner.» Sauf si, car il y a un si, selon les dires des agriculteurs, l’Etat joue son rôle de régulateur en veillant à assurer une quantité suffisante de semence pour la prochaine saison et à un prix abordable. Il faudrait également que le prix des intrants et celui de l’engrais baissent. «Il y a eu une détaxation pour les importateurs cette année à cause de la crise de la pomme de terre mais personne n’a pensé au fellah. Le prix de l’engrais a doublé et celui de la semence importée était brûlant», soulignent les propriétaires de l’EAC.
Ces derniers affirment avoir suivi à la lettre le calendrier de traitement de leur récolte, tel qu’il leur a été expliqué et recommandé par les différents services de la direction agricole et les firmes importatrices des produits de traitement. «J’ai utilisé plus de 1 000 litres de traitement par hectare, ce qui m’a coûté pas moins de 7 000 DA/hectare mais cela n’a pas empêché le mildiou d’apparaître. Je ne sais plus si je dois incriminer les produits ou penser que je ne suis pas arrivé à assimiler les orientations», affirme l’un des trois agriculteurs tout en exhibant un carnet où étaient inscrits les différents produits de traitement acquis au prix fort.
Pas moins de 50 millions de centimes dépensés dans l’achat de différentes marques de produits de traitement mais qui semblent ne pas avoir donné le résultat escompté. En faisant un petit calcul, les associés concluent que les bénéfices ne seront pas au rendez-vous de cette arrière-saison : «Avec l’apparition du mildiou et le verglas qui a frappé dernièrement, le prix de vente pour nous va baisser jusqu’à 15 DA le kilo alors que nos frais sont de l’ordre de 20 à 22 DA/kg.» Considérant le moment propice pour mettre le doigt sur le mal qui ravage la bourse du consommateur, les associés font remarquer que le fellah, généralement incriminé dans l’augmentation des prix des fruits et légumes, est loin d’en être la cause.
Commentaire