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Sidi Bel-Abbès: « la prison Sheraton»

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  • Sidi Bel-Abbès: « la prison Sheraton»

    Salles de bodybuilding, salles de bain, salons de coiffure. Spectacles culturels variés : musique, théâtre, sketchs... On n’est pas dans un complexe hôtelier de grand standing, mais dans... une prison. La nouvelle maison d’arrêt de Sidi Bel-Abbès, appelée par le commun des Abassis « la prison Sheraton».

    Petite virée à travers les salles de détention en commun, le bloc des femmes, les cellules d’isolement, le quartier spécial des condamnés à mort, la cuisine et la cantine, la buanderie, le greffe, les ateliers de formation professionnelle, les classes de cours et le centre d’examens BEM et BAC, le studio central de la chaîne « câblée » Ennour TV, et tous les coins de cette « étrange » prison, à la rencontre de détenus de tout bord, du droit commun aux condamnés à la peine capitale en passant par les grosses peines et les « perpet » (les condamnés à la perpétuité), des deux sexes.

    Cette prison, de 1.000 places, qui reçoit exclusivement les prisonniers condamnés définitivement à 5 ans de réclusion et plus, est un modèle type des établissements pénitentiaires algériens nouvelle génération, frappés du label « Réforme pénitentiaire », ralliant confort et haute sécurité, bien aérés au sens propre et au sens figuré (la population carcérale de cette prison est bien en deçà de la capacité d’accueil de l’établissement en terme de places, le taux d’occupation n’est pas loin de la norme internationale : 1 détenu/6 m²). Située sur la périphérie de la ville, l’infrastructure mastodonte est composée essentiellement de 6 blocs de détention R 2 dont un pour femmes, une infirmerie plus un laboratoire d’analyses, une cuisine, une boulangerie, une blanchisserie automatique, 3 ateliers de formation professionnelle, des classes pour l’enseignement général et l’alphabétisation plus bibliothèque et salle d’informatique, un réfectoire, 2 foyers pour les officiers et les sous-officiers du personnel de surveillance, ainsi qu’un bloc administratif qui contient notamment le bureau du chef d’établissement et celui du juge d’application des peines (le JAP) et qui regroupe plusieurs services dont celui du greffe judiciaire et du greffe comptable.

    De l’extérieur, l’aspect le plus attirant de cette maison d’arrêt, sa façade ne contraste point avec l’environnement urbain, contrairement à tant de prisons extra-muros en Algérie, qui datent de l’ère coloniale pour la plupart. Pas de blindage exagéré à l’accès principal, pas de remparts barbelés ni de miradors perchés et autres éléments susceptibles d’épouvanter les passants et leur donner le sentiment du désagréable voire carrément la chair de poule. « La réforme pénitentiaire commence par la démilitarisation, la ‘civilisation’ des façades et les accès publics des prisons », estime un responsable du ministère de la Justice.

    Pourtant, cette prison âgée de quatre ans (ouverte en 2003) est une véritable forteresse infranchissable, des deux côtés. Un « Alcatraz » moderne. « Aucune évasion, même pas une tentative, n’a été enregistrée dans cette prison », nous révèlera son directeur Aït El-Hadj Hassan au cours de la visite. Autre fait remarquable dans cet « établissement de réadaptation », pour s’en tenir au statut de classification officiel, les familles qui viennent pour la visite de leurs proches détenus ne font pas la queue dehors, comme c’est le cas au niveau d’autres maisons d’arrêt.

    Du coup, l’orée et l’entrée de la prison sont quasiment tout le temps vides. Sauf à l’annonce de grâces. « Là, nous pouvons attendre notre tour de parloir dans l’intimité et un minimum de bien-être. Quand mon mari était incarcéré dans la prison d’Oran, avant son transfert ici, c’était un calvaire pour moi les jours de visite. Je devais faire le pied de grue pendant plus de six heures, dehors, dans la rue. C’était dur à supporter, humiliant, inhumain.
    Les passants te dévisagent et tu entends des propos blessants. Parfois, tu dépends de l’humeur ou du bon vouloir du gardien pour accéder normalement à ton tour de dépôt du panier puis ton tour de parloir. Mais, ici, les choses se passent autrement », nous confie une femme venue de Tiaret pour rendre visite à son mari détenu. Un espace aménagé, situé dans l’enceinte de la prison à quelque 200 pas du portail d’entrée, est réservé aux visiteurs.
    Ceux-ci viennent des 48 wilayas car, l’établissement héberge des prisonniers transférés des quatre coins du pays. La plupart viennent par train, taxi ou autocar. Tout détenu a le droit de visite une fois par semaine, l’établissement pénitentiaire consacrant une semaine pour chaque catégorie de détenus. Mais certains prisonniers ne voient leurs proches qu’une fois tous les 15 jours, d’autres une fois par mois, voire 2 ou 3 mois. Quelques-uns jamais.

    Les rapports détenu/famille diffèrent d’un détenu à l’autre et sont pour tous conditionnés par le niveau socioéconomique de la famille car les voyages à répétition et le couffin de victuailles finissent au bout de plusieurs années par devenir un lourd fardeau. Dans un abri, qui ressemble à une petite gare ferroviaire de village, les visiteurs attendent leur tour de passer au parloir après avoir accompli les formalités d’usage au guichet de réception. L’attente ne dure que quelques minutes et les visiteurs ne s’en plaignent d’autant pas que l’eau est disponible, des bancs et des W.-C. Ils entrent par vagues de 20 à 30 personnes. Le parloir est composé de deux compartiments, l’un pour les détenus hommes l’autre pour les détenues femmes, scrupuleusement séparés dans un souci d’intimité. Prisonniers et visiteurs peuvent communiquer par interphone en se regardant à travers une double cloison vitrée. Chaque parloir contient 20 postes, chaque poste contient 3 chaises pour les visiteurs venus avec leurs enfants. Le parloir dure 15 minutes. L’annonce de la fin de visite se fait à coups de sirène mais les gardiens font parfois preuve de tolérance. En tout cas, rien à voir avec les parloirs de certaines prisons où les proches de détenus s’engouffrent pêle-mêle dans une petite chambre, sont quasiment limités au langage gestuel pour communiquer avec leurs vis-à-vis de l’autre bout du « mur » vitré et grillagé avec des parois en plexiglas aux trous microscopiques, sans compter les gardiens qui rappellent les détenus à l’ordre. Nous sommes à présent dans l’infirmerie.

    Le personnel médical est composé de 8 médecins généralistes, 3 chirurgiens dentistes, ainsi que 5 psychologues, une laborantine et 3 paramédicaux (une infirmière de l’extérieur assistée par 2 aides-soignants de l’intérieur, c’est-à-dire des détenus formés sur place). Les médecins se relayent par groupes de trois et assurent tour à tour la permanence, nous explique le médecin en chef. L’infirmerie, l’équivalent d’un dispensaire municipal sinon un peu mieux, est bien équipée. Il y a certains matériels médicaux qu’on ne trouve que dans les polycliniques ou les cabinets privés de spécialistes, comme l’échographe, le cardiogramme, la radiographie, le condensateur à oxygène, et nombre d’instruments de chirurgie dentaire. Mais c’est bien dommage que l’échographe, bien qu’il soit en bon état, ne fonctionne pas. Les médecins font en moyenne entre 80 et 100 consultations de détenus par jour. Les maladies récurrentes dans cette prison sont la dermatose, les infections ulcéreuses et gastronomiques, dues, en gros, au manque d’hygiène dans ce milieu clos.

    Près de 150 détenus souffrant de maladies chroniques comme l’asthme, l’hypertension, le diabète et la tuberculose, sont portés sur un registre spécial et font l’objet d’un suivi médical particulier. En cas d’urgence, le détenu est évacué à n’importe quelle heure sur l’hôpital de Sidi Bel-Abbès grâce aux deux ambulances de l’établissement, souligne le directeur, qui indique par ailleurs qu’il n’y a jamais eu de décès lié à un crime ou un suicide dans son établissement pénitentiaire. Excepté les cas urgents, l’accès à l’infirmerie se fait par « bifton », une sorte de demande manuscrite faite par le détenu.

  • #2
    RIZ A LA VIANDE ET PAIN «MAISON» AU MENU ET DES SEANCES DE MUSCULATION

    Mais il arrive souvent que les médecins aient affaire à un détenu bluffeur, qui joue au malade pour sortir un peu de sa cellule, nous confie un médecin. L’eau de boisson est régulièrement contrôlée au niveau du laboratoire situé au 1er étage du bloc de la clinique. Les prélèvements se font dans tous les points d’eau de la prison : robinets, réservoirs, bâches à eau. Les stocks d’eau sont régulièrement javellisés, nous précise la laborantine de l’établissement, qui fait en outre l’analyse des plats « témoins » préparés à la cuisine de la prison. Nous voilà dans la cuisine justement. Le cuisinier chef, agent du personnel de garde spécialement formé, exhibe le plat du jour : du riz avec viande hachée, salade à base de tomate, betterave et oignon, purée plus une baguette de pain frais (les condamnés à mort ont d’autres mets en plus, dont un morceau de viande). Le directeur de prison, entouré des 18 détenus cuisiniers, déguste une cuillerée de riz.

    Le JAP fait de même. Le menu hebdomadaire, affiché et signé notamment par le chef d’établissement et le médecin en chef, est établi par une commission qui siège une fois par semaine. Transportés dans des « norvégiennes », les repas sont servis chauds dans les différends blocs de détention. Tous les détenus ont une vaisselle de plastique et des serviettes. Le petit déjeuner est café noir et lait, séparés. L’établissement se vante de son autosuffisance en matière de pain, grâce à sa propre boulangerie. « Ici, on ne nous sert pas à manger dans des gamelles de cinq à sec où flotte une épaisse couche de bromure et nous ne buvons pas un semblant de café dans de vieux pots de confiture. Ici, on n’est pas constipés après chaque repas », nous dira un vieux « taulard », qui affirme avoir roulé sa bosse dans des tas de prisons à travers le pays. Situés à part, les ateliers n’ont rien à envier à ceux des technicums et des CFPA, tant sur le plan machine et matériel technico-pédagogique que sur le plan programme et encadrement. Il y en a 3, pour la mécanique, l’électricité bâtiment et la menuiserie. Pour chaque spécialité, un groupe de 30 apprenants, répartis en 2 sous-groupes de 15, avec un volume horaire de 10 heures par semaine. Au total, il y a 22 spécialités dans la prison, dont la Radio-Télé, la soudure, la coiffure, la couture et la pâtisserie. La formation est sanctionnée par un diplôme CAP sur lequel ne figure évidemment aucune trace de l’établissement pénitentiaire. Les cours théoriques se font généralement dans les salles qui font office également de classes pour les détenus inscrits dans l’enseignement général, à la faveur d’une convention avec le CNEPD.

    100 % TAUX DE REUSSITE AU BEF

    Une bibliothèque achalandée de livres et de manuels scolaires (plus de 6.500 livres) est ouverte à tout le monde. Les candidats au BEF et au BAC sont privilégiés. Il suffit de faire un bifton pour bénéficier d’un supplément d’articles scolaires, de livres « prêt à domicile » et d’heures supplémentaires à la bibliothèque, nous confirme Mohamed, 27 ans, condamné à 15 ans pour crime, détenu ici depuis 2000 et qui a eu son BEM avec une moyenne de 14 et est inscrit en 2ème AS lettres cette année. Comme beaucoup d’autres détenus élèves, Mohamed suit en parallèle une formation professionnelle.
    768 détenus suivent une formation professionnelle ou des cours par correspondance dans cette prison, par ailleurs centre régional d’examen. 70 détenus y sont inscrits au bac cette année, 93 au BEM et 56 à l’UFC. En 2006-2007, 39 candidats ont obtenu le BAC, soit un taux de réussite de 63 %, et 91 sur 91 candidats ont eu leur BEM, soit 100 % taux de réussite.
    Moment crucial de la visite, nous faisons maintenant une plongée dans les profondeurs du monde carcéral, en commençant par le quartier du régime d’emprisonnement en commun.

    Nous pénétrons dans le Bloc 1 (il y a 6 blocs symétriques dans ce quartier). Soudain, tout change : l’odeur, l’air, la luminosité, le son, l’espace, le temps... Nous apercevons au fond du couloir menant aux salles de détention des silhouettes dans la pénombre. Ce sont les gardiens préposés à chaque porte à barreaux. Mais le corps et les sens vont rapidement s’adapter au nouveau milieu. Au rez-de-chaussée se trouve la salle de coiffure. Celle-ci n’a rien à envier aux salons de coiffure de la ville. Elle recèle même une touche artistique assez originale : ses murs servent de terrain d’expression aux détenus qui en ressentent le besoin, artistes ou non, alors que des posters gros format de Zizou, Ronaldinhou, Drogba et autres stars du foot couvrent des pans entiers du mur. On saura plus tard que ces posters proviennent des magazines d’abonnement qui entrent dans la prison. Les coiffeurs, eux, ont toujours les crânes de leurs co-détenus pour s’exprimer. Tout le matériel de coiffure dont ils ont besoin, ils l’ont. Mais gare à celui qui tente de piquer une lame ou un ciseau. Un inventaire minutieux se fait à chaque fin de journée. Chaque bloc a aussi ses propres douches. Chaque détenu à droit à une douche chaude, un savon parfumé et 2 sachets de champoing.

    Contrairement à ce qui est répandu, il ne s’agit guère d’un bain éclair à l’eau froide. Les salles de détention, au nombre de 4 dans chaque bloc, parfaitement symétriques, se trouvent au 1er et au 2ème. 10m x 5m, la salle abrite 40 détenus, soit 2 rangées parallèles de 10 paires de lits superposables. La literie, lavée tous les 3 mois, est composée d’un matelas, un drap et 3 couvertures. Pas d’oreillers. Suffisamment aérée et éclairée, la salle contient des sanitaires décents. Dans toutes les salles, l’eau coule dans les robinets H24, mais il y a quand même un stock de sécurité, « sait-on jamais ! ». Les toilettes sont situées à l’intérieur de la salle. Rien à voir avec les « latrines » indécentes des cellules, plutôt des cloaques, de certaines prisons : un trou creusé dans le sol dans l’un des coins de la salle et bordé par un petit muret de 50 cm de hauteur, selon des prisonniers.

    La télévision est le passe-temps préféré de tous les détenus, surtout la nuit. Après le dîner, qui consiste en le menu interne assorti du plat de la maman ou de l’épouse ou confectionné par soi-même à partir des denrées du panier, histoire d’échapper à l’ordinaire, les détenus se collent au téléviseur, alors que certains préfèrent chasser l’ennui et la mélancolie en jouant des parties de rami ou de domino avec comme pari des cigarettes ou une demi-boîte de « Lahda », nous raconte le « prévôt » de la salle, rompu à sa fonction de caïd du groupe. « Rester inoccupé, c’est la pire chose qui puisse arriver à un prisonnier. Inévitablement, celui-ci passera alors le clair de son temps à méditer sur son sort. Et ça, c’est le chemin tout droit vers la dépression, l’angoisse, l’anxiété...», nous apprend un autre détenu condamné à 20 ans pour homicide volontaire.

    Les programmes télévisés que propose l’établissement laissent les détenus scotchés au petit écran jusqu’à minuit, l’heure réglementaire de se coucher. En plus des différents championnats européens sur TPS Foot et Canal Sport notamment, « retransmis » par la chaîne locale de la prison Ennour TV, les détenus regardent des documentaires, des films, les infos, etc... La prison est divisée en deux : les supporteurs du Real et les supporteurs du Barça. Le classico, prévu le 22 décembre, promet de sacrés paris. Les programmes de Ennour TV, qui ouvre et ferme sa diffusion par un slogan et un générique, sont entrecoupés de flashs publicitaires 100 % produits et montés dans le studio local, de notes du chef d’établissement. Elle propose même une émission de consultations judiciaires animée par le juge d’application des peines, Nabout Mohamed. L’émission, largement suivie, consiste à répondre aux questions d’ordres juridique et judiciaire de tous les détenus, recueillies par le service du greffe judiciaire. « Ici, la télé a remplacé le bromure. Tant mieux ! », commente à voix basse un détenu.

    DANS LE COULOIR DE LA MORT, IL Y A BEAUCOUP DE... VIE

    Un autre rendez-vous très attendu par tous, les 2 séances de musculation, de 2 heures chacune. 2 salles de musculation, avec un matériel professionnel et encadrées, sont mises à leur disposition. En ce lieu, les détenus peuvent se débarrasser de la tenue de prison et porter des baskets, des T-shirts, des débardeurs... Direction maintenant vers le QS des condamnés à mort. Ceux-ci, au nombre de 60, sont soumis au régime cellulaire, 2 ou 3 par cellule. Chaque cellule donne sur une petite courette. Les condamnés à mort ne sont ni enchaînés ni camisolés, comme dans les films. Certains y sont pour avoir commis un crime crapuleux, d’autres pour avoir perpétré des massacres et déposé des explosifs dans des lieux publics. Tous ont le Livre du Saint Coran, les chaînes numériques sans télécommande.

    L’un d’eux, la cinquantaine, visage hâve et inexpressif, yeux éteints et corps efflanqué, saute sur l’occasion pour raconter son cas. « On m’a arrêté à Tiaret parmi les militants du FIS, en 1993, après l’annulation des résultats du vote et la dissolution du parti. Je n’ai ni participé à un massacre collectif, ni commis un crime et un viol, ni posé une bombe. Où sommes-nous donc, moi et d’autres cas comme moi, de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ? », crie-t-il, devant le chef d’établissement, qui essaye de le réconforter en lui disant qu’il faut avoir la foi en Dieu et garder espoir car, ajoute-t-il, « j’ai 15 ans d’expérience et j’ai vu tant de condamnations à mort devenir perpétuité et tant de condamnés à vie sortir de la prison ».

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    • #3
      Paradoxalement, l’ambiance régnant dans le camp des condamnés à morts est plus animée, plus vivante, qu’ailleurs dans les autres blocs. Nous allons à présent dans le quartier de détention des femmes.

      Accompagnés des gardiennes (aucun gardien homme n’a le droit d’entrer dans le quartier femmes et vice versa, nous précise le chef d’établissement), nous allons à la rencontre des 57 prisonnières, dont des condamnées à vie.Le bloc des femmes est nettement plus propre que celui des hommes. L’ambiance y est également différente.

      L’officière chargée de la réinsertion sociale nous guide à travers le petit salon d’exposition de couture, présentant fièrement les différents produits des détenues. La salle communique avec le salon de coiffure, dont l’avantage majeur par rapport aux salons de l’extérieur c’est qu’il est plus facile de trouver des modèles pour les stagiaires. Tour à tour, les détenues font et défont leurs coupes de cheveux, copiant sur des magazines « for women ». Mais une scène captivante et émouvante est à venir. Une détenue en train d’allaiter son bébé, fille, âgée de 42 jours, qu’elle a baptisée Djamila au nom d’une gardienne.

      UNE MERE AVEC SON BEBE DE 42 JOURS PARMI LES DETENUES

      Elle l’a mise au monde quelques mois après son incarcération alors qu’elle était enceinte. Elle a été évacuée à la maternité de l’hôpital pour l’accouchement, puis reconduite à la prison avec son bébé, raconte-elle, les larmes aux yeux, avant de s’effondrer en pleurs sur son lit superposable. La DAS lui avait proposé de lui confier son bébé, mais elle avait refusé, suivant ainsi le conseil de ses co-détenues mais pas seulement. Dans deux salles adjacentes, deux groupes de femmes suivent des cours d’enseignement général et de pâtisserie. Parmi elles, une détenue qui a obtenu il y a deux ans son BAC avec 12,5 de moyenne. Elle a beau essayer de s’inscrire à l’université par correspondance mais sa situation de pourvoi en cassation ne lui a pas permis. Alors persévérante comme elle est, elle s’est inscrite à l’UFC où elle est en 2ème année actuellement. Une autre détenue, la trentaine, craque au cours de notre conversation. « Je veux lire, je veux apprendre, je veux me rattraper...je veux...je veux... Mais quand je pense que je suis condamnée à une réclusion à perpétuité toutes les portes se referment devant moi. A chaque occasion, nous entendons que Bouteflika a gracié des femmes sans que nous nous bénéficiions d’une remise de peine. Pourquoi sommes-nous les condamnées à vie toujours exclue de la grâce. Nous implorons notre président de songer à nous », supplie-t-elle en larmoyant.

      LIBERATION CONDITIONNELLE,PERMISSION DE SORTIR... LA BONNE RECETTE POUR UNE DISCIPLINE DE MASSE

      Le recours à la bastonnade, à la douche froide, à la boule à zéro ou l’isolement est rare dans cette prison, sinon nul, nous affirment gardiens et détenus. Et pour cause l’établissement a trouvé le bon remède contre l’indiscipline, les actes d’insoumission, les mutineries, les guerres de clans, les atteintes aux moeurs, les grèves de la faim... La thérapie fonctionne bien et s’appelle : libération conditionnelle et permission de sortir. L’obtention d’un permis de sortir pour passer une semaine ou 10 jours avec sa famille est conditionnée par la bonne conduite du détenu. Un petit zèle, un léger écart de conduite et le détenu peut dire adieu au permis de sortir. Dès lors, les détenus, même délinquants les plus dangereux et les boules de nerfs, font le bon visage au personnel de garde et au directeur. La moindre erreur se paye comptant. Le chef d’établissement sait que la plupart des prisonniers lui montre le bon visage par pure hypocrisie mais se dit « tant mieux, en tel milieu c’est le comportement, les actes, qui comptent et non ce qu’il y a dans le coeur du prisonnier ».

      Mais il est vrai que le comportement de l’établissement, tous corps confondus, et le régime carcéral instauré dans les lieux et qui ressemble plus au « semi-ouvert » qu’au « fermé » avec une liberté optimale y sont pour beaucoup dans cette discipline de masse. Selon le JAP Nabout Mohamed, qui chapeaute outre cette prison l’ancien établissement de rééducation de Sidi Bel-Abbès, le centre de réhabilitation dans la même ville, la maison d’arrêt de Aïn Témouchent ainsi que les centres de prévention de Béni-Saf, Télagh, Sfisef, durant l’année judiciaire 2005-2006, un total de 296 libérations conditionnelles ont été accordées par la commission de l’application des peines sur 355 demandes formulées par les détenus au niveau des 6 établissements cités. Durant l’année 2006-2007, 254 détenus ont bénéficié de cette mesure introduite par le nouveau code de l’organisation pénitentiaire. Concernant les permissions de sortir, la même commission a accordé 324 demandes en 2005-2006 et 283 demandes en 2006-2007.

      Par Le quotidien d'Oran

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