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Jeux à gratter: "Pas de hasard"

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  • Jeux à gratter: "Pas de hasard"

    Depuis 2005 et le dépôt d'une plainte pour "suspicion de trucage", la Française des jeux est sur la sellette quant au manque de hasard dans ses jeux de grattage. Vendredi, son PDG a été entendu par la justice. Interrogé par leJDD.fr, Sébastien Turay, auteur d'un ouvrage sur la Française des jeux, explique comment le système favorise les détaillants et leurs habitués.


    Certains détaillants de la Française des jeux profiteraient des failles du système des jeux de grattage. (Maxppp)
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    Les jeux de grattage sont-ils vraiment des jeux de hasard ?
    Non. Il n'y a pas hasard mais hasard contrôlé. Le système est simple : chaque détaillant de la Française des jeux reçoit des bandes de tickets à gratter d'une valeur totale de 150 euros. Soit 150 jeux à un euro ou 75 jeux à deux euros. Sur une même bande, 50 euros sont redistribués en petites sommes. Parce qu'il faut que tout le monde ait une chance de gagner un petit peu pour que les gens continuent de jouer. La Française des jeux l'a bien compris, cela maintient la pression sur les joueurs. Ensuite, chaque bande comporte ce qu'on appelle un "lot significatif", soit au moins 12 euros et jusqu'à 100 000 euros. Conclusion : pour être sûr de gagner au moins 62 euros, il faut acheter la totalité de la bande de tickets à gratter. Prendre un seul ticket ne sert à rien.

    D'où vient ce système ?
    La Française des jeux a mis en place ce système pour éviter que se reproduise le scénario italien. Suite à une erreur d'imprimerie, plusieurs gros lots se sont retrouvés dans la même bande, chez un seul revendeur. Le bruit a couru que chez celui-ci, les tickets étaient gagnants. Résultat, les joueurs ont délaissé leurs buralistes habituels pour se rendre chez ce revendeur. Depuis, les imprimeurs, en accord avec la Française des jeux, ont mis en place un système de répartitions des lots par bandes. Chacune comporte un seul lot significatif.

    Certains l'ont bien compris...
    Oui. Certains détaillants de la Française des jeux ont découvert comment fonctionne le système de répartition des lots mis en place par la société. Ils en profitent et en font profiter leurs habitués ou leurs proches. Chaque détaillant sait très bien où il en est dans sa bande, ce qui a ou non été gagné. Ainsi, s'il reste seulement dix tickets dans sa bande et qu'aucun lot significatif n'a encore été gagné, le détaillant achète les dix derniers tickets. Il est sûr de gagner. Ou alors, il conseille à ces habitués d'acheter des tickets, car il sait qu'il y a un ticket gagnant. C'est là tout le problème : les chances de gagner ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

    La Française des jeux n'exerce aucun contrôle sur ses détaillants ?
    Pour la Française des jeux, il est impossible de savoir avec précision où se trouvent les lots gagnants. Le contrôle sur les détaillants est difficile. Pour les gains allant jusqu'à plusieurs centaines d'euros, le gagnant n'est pas obligé d'aller à la Française des jeux pour récupérer son argent. Autre problème pour un éventuel contrôle : contrairement au loto, le ticket gagnant peut être encaissé par n'importe qui. Le détaillant peut donner le ticket à l'un de ses proches, qui ira encaisser la somme.

    A-t-on une idée du nombre de revendeurs qui profitent de cette faille ?
    Impossible. Il y a 40 000 revendeurs en France. Toutefois, si la plupart sont au courant de la faille du système, surtout depuis l'affaire Riblet (Robert Riblet, cet ingénieur à la retraite qui a mis au jour le fonctionnement du système de répartition, ndlr), tous n'en profitent pas.

    Le même système existe-t-il ailleurs qu'en France ?
    Difficile de le savoir. En France, il a fallu l'enquête d'un homme pendant sept ans, qui a lui-même acheté des milliers de tickets, pour découvrir le fonctionnement de ce système. Partout dans le monde, les procédés de fabrication des jeux de hasard sont ultra secrets.

    Quelle serait la solution pour que chacun ait les mêmes chances de gagner ?
    La Française des jeux doit changer ce système. Il faut mettre en place une vraie répartition au hasard des lots gagnants, quitte à avoir deux gros lots au même endroit. Depuis l'affaire Riblet, la Française des jeux a modifié son mode de répartition, même si elle ne veut pas l'admettre. Désormais, il y a des chances supplémentaires de découvrir un second lot gagnant dans une bande de tickets. Ce n'est pas automatique, mais c'est possible. C'est un premier pas mais il faudrait une vraie refonte du système. Ce qui coûterait très cher à la Française des jeux.

    L'enquête semble avancer assez lentement. Doit-on y voir un lien avec la manne que représentent les jeux de grattage pour l'Etat français ?
    Tout à fait. Les Français sont parmi les plus gros joueurs en Europe. Tout cet argent profite à Bercy. 75% des recettes de ces jeux de grattage vont directement dans les caisses du ministère de l'Economie. La Française des jeux n'est pas une entreprise comme les autres. C'est une annexe de Bercy qui gère un impôt indirect. Pour cela, la France reste une exception en Europe, même si le monopole sur les jeux de hasard existe aussi dans d'autres pays européens. Mais ailleurs, les sommes des loteries ne vont pas au ministère de l'Economie. Elles servent de grandes causes nationales, comme par exemple les aveugles, en Espagne. En France, c'est un vrai bonus pour Bercy.

    Sébastien Turay est journaliste et vient de publier La Française des Jeux: Le jackpot de l'Etat ?, aux éditions First.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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