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Malgré les épreuves, l’Église ne disparaîtra pas du Moyen-Orient

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    INTERVIEW
    Mgr Teissier, archevêque d’Alger : Malgré les épreuves, l’Église ne disparaîtra pas du Moyen-Orient L’interview recueillie par Émilie SUEUR

    Né en France en 1929, et doté de la nationalité algérienne en 1966, Monseigneur Teissier est l’archevêque d’Alger depuis 1988. Mais c’est depuis 1955 que cet homme fait docteur honoris causa de l’Institut catholique de Paris exerce des responsabilités religieuses dans la capitale algérienne. Grand connaisseur du Maghreb et du Moyen-Orient, arabophone, Mgr Teissier a vécu aux premières loges les horreurs de la crise traversée par l’Algérie dans les années 90. Chantre du dialogue islamo-chrétien, il revient pour « L’Orient-Le Jour » sur la situation des chrétiens en Algérie et, plus globalement, sur celle des chrétiens au Moyen-Orient à une période où le facteur religieux opère un retour en force dans le discours politique.
    Q - Qui sont les chrétiens d’Algérie ? Quelle est leur situation, notamment en matière de liberté de culte ou en ce qui concerne les relations avec la communauté musulmane ?
    R - « Les catholiques en Algérie ne sont que quelques milliers. Ils sont presque tous des étrangers, principalement, actuellement, des subsahariens, surtout des étudiants boursiers en Algérie venant d’une trentaine de pays. Ce sont aussi des migrants subsahariens cherchant à se rendre en Europe. Les autres catholiques sont de diverses nationalités. Nous avons en particulier un petit groupe de Libanais, de toutes les confessions chrétiennes, et aussi des coptes. Les catholiques algériens sont très peu nombreux, car la population algérienne est presque entièrement musulmane. Il y a toutefois, depuis quelques années, un groupe de quelques milliers d’évangéliques algériens issus de familles musulmanes. Le groupe des prêtres, religieux, religieuses et volontaires laïcs qui font la cohérence de notre Église est réparti dans toutes les régions de l’Algérie et vivent en paix – et souvent en amitié – avec leurs voisins musulmans. Depuis quelques années, nous sommes toutefois confrontés aux problèmes dus au prosélytisme, souvent organisé par des groupes évangéliques. Ces actions ont suscité un retour des méfiances à l’égard des chrétiens dans les milieux populaires. Elles ont aussi conduit l’État à prendre des mesures officielles contraignantes contre le prosélytisme. »

    Q - Vous avez vécu de près la tragédie des moines de Tibhirine, enlevés le 27 mars 1996 et retrouvés décapités deux mois plus tard ? Quel souvenir en gardez-vous ?
    R - « J’étais très proche des moines de Tibhirine et de leur monastère où je me rendais régulièrement. La semaine de leur enlèvement, je devais monter au monastère, à 80 km d’Alger dans la montagne de Médéa, pour la réélection du père abbé. Mais, ils ont été enlevés trois jours avant ma visite. J’ai suivi avec angoisse – dans la prière et les contacts avec tous les milieux concernés – les sept semaines de leur enlèvement et j’ai présidé leur enterrement avec le cardinal Arinzé. Ce fut aussi l’enterrement de mon prédécesseur le cardinal Duval. Beaucoup d’Algériens se sont rapprochés de nous depuis ce drame, car ils ont compris que notre Église, même d’origine étrangère, se veut solidaire du peuple algérien. »

    Q - La situation des chrétiens d’Orient est souvent évoquée en des termes sombres. Les chrétiens d’Irak sont notamment sujets de menaces, les relations tumultueuses entre coptes et musulmans d’Égypte font régulièrement la une des journaux… Que pensez-vous de la situation des chrétiens d’Orient ? Les Proche et Moyen-Orient sont-il définitivement perdus pour les chrétiens ?
    R- « J’ai été pendant douze ans le président de Caritas pour les pays arabes. Dans ce contexte, j’ai visité de nombreuses fois depuis 1951 chacun des pays du Moyen-Orient. Par ailleurs, j’ai vécu plusieurs mois au Liban et deux ans en Égypte dans les années cinquante. Par la suite, j’ai rendu visite à tous les patriarches catholiques, et à plusieurs patriarches orthodoxes ainsi qu’à de nombreuses communautés chrétiennes. Je suis le premier évêque à avoir rendu visite à Tarek Mitri et à son équipe du Mouvement social et d’autres ONG quand Israël s’est retiré de Beyrouth-Ouest. Je connais le dynamisme des communautés chrétiennes du Moyen-Orient, chacune selon son contexte. Mais je sais, aussi, leurs épreuves présentes. Nous recevons régulièrement des nouvelles de chacun des pays, à travers les expatriés chrétiens du Moyen-Orient qui vivent parmi nous, comme en ce moment, par exemple, à travers quelques amis chrétiens irakiens. Nous avons aussi avec nous des religieuses libanaises, syriennes, coptes, irakiennes. Nous savons la grande épreuve que représentent l’émigration et la réduction numérique des chrétiens au Moyen-Orient. Mais je ne crois pas que l’Église puisse jamais disparaître des pays de ses origines au Moyen-Orient, à cause de l’attachement de beaucoup de chrétiens à leur terre maternelle, mais aussi à cause du désir de beaucoup de musulmans de garder au sein de la nation une présence chrétienne. Il ne se passera pas dans les pays arabes ce qui s’est passé en Turquie, parce que les chrétiens des pays du Moyen-Orient sont de culture arabe comme leurs voisins musulmans. Les progrès à faire pour un règlement de la question palestinienne sont aussi des progrès pour une présence chrétienne moins menacée au Moyen-Orient. »

    A Suivre.....

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    Q - Le Liban est le dernier pays de la région où les chrétiens ont encore un rôle politique majeur. Dans ce contexte, que pensez-vous de la crise autour de la présidentielle, et de la division de la communauté chrétienne libanaise ?
    R - « Nous avons suivi, jour après jour, la crise de l’élection du nouveau président avec nos amis libanais d’Alger. J’ai été au palais de Baabda dans le passé. J’ai connu le président Hélou, le président Frangié, et j’ai été reçu par le président sortant, et par d’autres hommes politiques. Je sais la place que tient la présidence au Liban dans le jeu précis des responsabilités au sein de la nation. J’ai connu aussi tous les patriarches maronites depuis 1951 et je sais l’importance que l’histoire a donné à cette institution pour servir l’unité du Liban. J’ai confiance en l’intelligence des Libanais et en leur sens civique pour sortir de la crise présente. »

    Q - Que représente pour vous la rencontre, le 6 novembre dernier, entre le saint-père et le roi Abdallah d’Arabie saoudite ?
    « La rencontre entre le pape et le roi d’Arabie saoudite est un événement important car nous attendons tous le jour où les centaines de milliers de chrétiens qui travaillent en Arabie auront droit à la liberté religieuse. Mais je pense que la lettre envoyée récemment par les cent trente-huit personnalités musulmanes, à l’initiative, semble-t-il, du prince Ghazi bin Muhammad bin Tahal de Jordanie (lettre adressée en octobre dernier, un an après le discours de Ratisbone, au pape et à plusieurs représentants religieux. Signée par 138 personnalités musulmanes, elle appelle à la paix et à la justice entre chrétiens et musulmans, en mettant en avant les principes communs aux deux religions : l’amour du Dieu unique, et l’amour du prochain, NDLR), est un événement plus important car c’est le début d’un dialogue entre représentants qualifiés du monde musulman et des Églises chrétiennes. »

    Q - Ces dernières années, le facteur religieux a opéré un retour en force dans le discours politique, que ce soit sur le dossier de l’adhésion de la Turquie à l’Europe, dans les discours politiques du monde arabo-musulman, ou encore dans la rhétorique du président Bush ou des néoconservateurs américains. Que pensez-vous de cette tendance ?
    R - « Beaucoup de personnes sont troublées par les conséquences de la mondialisation qui écrase les cultures. Pour cette raison, elles se rapprochent de leur tradition religieuse pour garder leur identité. Il faudrait plutôt que ces personnes se rapprochent de leur tradition religieuse pour y trouver des raisons de respecter l’autre dans sa différence. »

    Q - Que pensez-vous du fait que l’on tue de plus en plus au nom de Dieu ?
    R - « En Algérie, nous avons connu ce drame pendant la crise du pays. Mais aujourd’hui, je pense que le nombre de ceux qui ont compris que l’on ne peut tuer au nom de Dieu ne cesse d’augmenter. »

    Q - À St Ethelburga’s Centre for Reconciliation and Peace, à Londres, il est écrit : « La foi est une source de conflits, mais elle peut également être une ressource pour transformer les conflits. » Les conflits sur lesquels s’est greffé un facteur religieux (sunnite/chiites en Irak ou au Pakistan et dans une moins mesure au Liban ; chrétiens/musulmans, à une échelle plus globale, juifs/musulmans), sont généralement traités avec des outils politiques ou militaires. Pensez-vous que le rôle des hommes de religion, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, est trop faible dans la résolution des conflits ? Et quelle est leur part de responsabilité dans ces conflits ?
    R - « Je crois que vous êtes sévère avec les responsables religieux. Des milliers de rencontres entre responsables religieux ont eu lieu depuis cinquante ans pour chercher à apaiser les conflits et à se connaître les uns les autres. Personnellement, depuis cinquante ans, j’ai participé à des centaines d’initiatives de rencontre et de paix entre des hommes de religions différentes en Europe, au Moyen-Orient et au Maghreb. Des rencontres avec de nombreux responsables musulmans, mais pas uniquement. Pour ne donner que quelques exemples pris au Moyen-Orient, je veux évoquer aussi bien les initiatives prises au Liban par l’Institut d’études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph que celles prises à Beyrouth en 1970 par la conférence mondiale des chrétiens pour la Palestine. J’étais au séminaire à l’Institut catholique avec le P. Michel Hayek qui a publié son Christ de l’Islam dès les années soixante. Je sais le travail du cénacle libanais avec Michel Asmar.
    Nous avons tous appris à lire le Munqidh min al-dalal d’al-Ghazali grâce à la traduction du P. Jabre. Plus largement, la librairie Orientale a accompli un travail considérable pour que les chrétiens connaissent le patrimoine culturel arabe ou musulman. Nous avons invité en Algérie, à deux reprises, le P. Yoakim Moubarak qui fut un des pionniers du dialogue islamo-chrétien, ainsi que Mgr Michel Sabbah (patriarche latin de Jérusalem, NDLR). Du côté chrétien, je crois que les hommes de religion depuis Vatican II ont multiplié les initiatives auxquelles répondent maintenant aussi de nombreuses initiatives prises par le partenaire musulman.
    Reste à s’interroger sur le rôle des hommes politiques en Orient, mais aussi sur l’action des responsables de la politique internationale qui ont laissé traîner les conflits du Moyen-Orient jusqu’à ce jour. »

    [Source]

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