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La modélisation du cerveau est possible selon les Suisses

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  • La modélisation du cerveau est possible selon les Suisses

    Au lancement du projet en 2004, aucun neurologue ne croyait possible de modéliser le cerveau. Aujourd'hui, la moquerie et le dénigrement font place à la curiosité. » Henry Markram n'a pas à forcer pour figurer un paria de la neurologie, mi-visionnaire, mi-illuminé. Filiforme comme un messie de péplum, ce chercheur mélange le regard étincelant des passionnés et la quiétude des mystiques. Personne pourtant ne représente mieux que lui la version moderne du savant mondialisé. Formé en Afrique du Sud, doctorant en Israël puis chercheur aux Etats-Unis et en Allemagne, Henry Markram a convaincu la prestigieuse EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) de financer le Brain Mind Institute et les 10 millions de francs suisses de son projet phare, « Blue Brain ».

    Moins de trois ans après, le biologiste estime prouvée la possibilité de simuler le fonctionnement des neurones. Le modèle que son équipe de 35 scientifiques a réalisé ne concerne pour l'instant qu'une petite partie du cerveau du rat, la colonne corticale. Cette structure cérébrale est l'unité de base du cortex, la partie extérieure et la plus sophistiquée du cerveau. Répétée des millions de fois dans le cortex, la colonne varie peu chez les mammifères. Ce cylindre de 2 -3 mm de hauteur et de 300 microns de diamètre loge 10.000 neurones et 30 millions de connexions entre les axones des neurones. Pour corser le tout, il existe 300 types de neurones.

    Complexité
    Face à cette complexité, les chercheurs ont dans la première phase du projet assimilé un neurone à un modèle électrique. « Chaque neurone possède 500 briques élémentaires, dont il a fallu déterminer les caractéristiques électriques, comme la résistance, la capacité, etc. Chaque brique possède en plus 20 canaux ioniques, chacun modélisable par six équations », explique Felix Schürmann, responsable du projet.

    Pour élaborer leur modèle, les chercheurs partent des données expérimentales. Un échantillon de quelques colonnes est installé sous un microscope, et il est maintenu vivant quelques heures par l'apport de micronutriments. Patiemment, les biologistes sélectionnent dans une colonne une couche de neurones. Leur machine la plus moderne est alors capable de stimuler une douzaine de neurones grâce à 12 électrodes posées sur la membrane externe des cellules. La réponse électrique de la colonne est alors mesurée. Cette méthode est fastidieuse, mais en dix ans et quelques automatisations, Henry Markram a généré énormément de données.

    Flot de données
    Assez d'après lui pour caractériser statistiquement la proportion de chaque type de neurone dans chaque couche d'une colonne. Pour modéliser les connexions entre neurones, le calculateur considère la forme de chaque neurone (arbre, soleil, etc.), le nombre et la longueur de ses axones. Il en résulte une probabilité que tel neurone se connecte à tel autre. S'ajoute ensuite à cette distribution spatiale la modélisation des propagations des courants électriques.

    Il y a encore quelques années, avant l'arrivée de supercalculateurs, ce gigantesque flot de données aurait été inutile. L'institut a décroché une collaboration avec IBM pour acquérir un « Blue Gene » capable de 18,7 milliards de milliards d'opérations à la seconde. Cette machine, rare à l'université, les digère en quelques heures et recale le modèle de colonne.

    « Il existe beaucoup de modèles cérébraux, mais ils viennent souvent des sciences de l'intelligence artificielle. Notre modèle est le premier à partir des données biologiques », assure le chercheur. Pour lui, la modélisation est indispensable pour progresser sur le cerveau. « Les neurosciences génèrent 35.000 publications par an, chaque spécialiste ne peut pas lire sérieusement plus de 100 d'entre elles. Seule la modélisation peut unifier cette connaissance très fragmentée. »

    Dans la prochaine phase de son projet, le Brain Mind Institute va affiner sa modélisation au niveau moléculaire. Les neurones ne seront plus uniquement décrits par un modèle électrique, mais aussi par les réactions chimiques des synapses portant sur des milliers de protéines. « Nous allons devoir développer de nouvelles procédures expérimentales, car la mesure des échanges chimiques est très compliquée », explique Henry Markram.

    D'autant qu'en parallèle, la modélisation intégrera plusieurs colonnes à la fois. « Nous allons commencer par simuler un millier de colonnes connectées entre elles avec quelques descriptions moléculaires, puis nous augmenterons progressivement la complexité. D'ici à dix ans, nous espérons nous rapprocher du cerveau humain. » La prochaine phase exigera des capacités de calcul au-delà du petaflop (million de milliards d'opérations par seconde). Ça tombe bien, IBM débute la commercialisation de sa version P du Blue Gene. L'EPFL envisage de monter une fondation ou un consortium pour atteindre un tel niveau de financement.

    source : Les échos
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