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"TOUT va bien !"
Longtemps les Algériens ont utilisé cette expression pour désigner les médias à la solde du FLN, alors parti unique. Aujourd’hui, près de quinze ans après l’abandon du socialisme, la même boutade tourne en dérision les discours triomphalistes du gouvernement sur l’économie. Pourtant les chiffres brandis impressionnent, jusqu’à Nicolas Sarkozy, en visite dans le pays du 3 au 5 décembre.
La croissance moyenne du PIB depuis cinq ans est de 4%, l’inflation reste en dessous de 5% après avoir frisé les 20% à la fin des années 1990. Même le chômage est passé sous la barre des 20% tandis que les réserves de change vont bientôt atteindre 100 milliards de dollars. Plus important encore pour un pays très jaloux de son indépendance, la dette extérieure, largement remboursée par anticipation, est tombée à moins de 5 milliards de dollars contre 32 milliards en 1994, une année noire qui vit le pays, en quasi-cessation de paiement, se résoudre à faire appel au FMI.
Mais pour de nombreux experts algériens, tout cela n’est que le résultat de la hausse des cours des hydrocarbures et ils insistent, comme cet ancien ministre des finances, sur le fait "que rien de fondamental n’a changé dans la structure de l’économie algérienne depuis l’ouverture de 1989".
La bonne santé financière du pays ?
Merci le pétrole et le gaz naturel qui, malgré toutes les réformes censées permettre la diversification de l’économie, continuent de représenter 98% des recettes d’exportation (54 milliards de dollars en 2007) et presque la moitié du PIB.
Les hommes d’affaires occidentaux qui affluent en masse dans la capitale et les grandes villes du pays ?
Là aussi, c’est grâce à l’argent du pétrole qui a réintroduit l’Algérie dans le club des grands importateurs.
Quant aux grands chantiers qui champignonnent un peu partout sous l’impulsion du très planificateur "plan complémentaire de soutien à la croissance" (120 milliards de dollars de dépenses prévues entre 2005 et 2009), il profite beaucoup aux entreprises étrangères qui, hors hydrocarbures, investissent a minima et rechignent, comme c’est le cas pour les sociétés chinoises très présentes dans le BTP, à employer la main d’œuvre locale. Un problème quand on sait que le chômage, malgré son recul à l’échelle nationale, reste supérieur à 75% pour les moins de 30 ans.
L’accroissement des inégalités alimente d’ailleurs l’amertume de la population. Au luxe ostentatoire des nouveaux riches s’oppose le fait que 14 millions d’Algériens vivent sous le seuil de pauvreté d’où la multiplication d’émeutes sociales et la persistance d’un fort courant islamiste. Et les opérateurs étrangers avouent avoir toujours du mal à comprendre les rouages d’un système opaque où les intermédiaires foisonnent, où les généraux mettent des secteurs entiers en coupe réglée en interdisant toute concurrence et où personne ne sait qui décide vraiment.
Le meilleur exemple est celui du système bancaire dont la modernisation est un serpent de mer. Pour la plupart détenues par l’Etat, les banques algériennes, grevées de créances douteuses, ne prennent plus aucun risque et refusent de financer les entreprises locales sauf si un puissant parrain les protège. La privatisation du Crédit populaire d’Algérie (CPA) devait mettre fin à la gabegie qui règne dans ce secteur et surtout le mettre à l’abri des influences politiques et clientélistes. Mais cette opération, qui intéresse toutes les grandes banques françaises, vient encore d’être suspendue après moult reports. Officiellement, en raison de la "crise des subprimes".
Une excuse qui fait beaucoup sourire en Algérie…
Par Lyes Si Zoubir, correspondant de Challenges à Alger, le lundi 3 décembre 2007
"TOUT va bien !"
Longtemps les Algériens ont utilisé cette expression pour désigner les médias à la solde du FLN, alors parti unique. Aujourd’hui, près de quinze ans après l’abandon du socialisme, la même boutade tourne en dérision les discours triomphalistes du gouvernement sur l’économie. Pourtant les chiffres brandis impressionnent, jusqu’à Nicolas Sarkozy, en visite dans le pays du 3 au 5 décembre.
La croissance moyenne du PIB depuis cinq ans est de 4%, l’inflation reste en dessous de 5% après avoir frisé les 20% à la fin des années 1990. Même le chômage est passé sous la barre des 20% tandis que les réserves de change vont bientôt atteindre 100 milliards de dollars. Plus important encore pour un pays très jaloux de son indépendance, la dette extérieure, largement remboursée par anticipation, est tombée à moins de 5 milliards de dollars contre 32 milliards en 1994, une année noire qui vit le pays, en quasi-cessation de paiement, se résoudre à faire appel au FMI.
Mais pour de nombreux experts algériens, tout cela n’est que le résultat de la hausse des cours des hydrocarbures et ils insistent, comme cet ancien ministre des finances, sur le fait "que rien de fondamental n’a changé dans la structure de l’économie algérienne depuis l’ouverture de 1989".
La bonne santé financière du pays ?
Merci le pétrole et le gaz naturel qui, malgré toutes les réformes censées permettre la diversification de l’économie, continuent de représenter 98% des recettes d’exportation (54 milliards de dollars en 2007) et presque la moitié du PIB.
Les hommes d’affaires occidentaux qui affluent en masse dans la capitale et les grandes villes du pays ?
Là aussi, c’est grâce à l’argent du pétrole qui a réintroduit l’Algérie dans le club des grands importateurs.
Quant aux grands chantiers qui champignonnent un peu partout sous l’impulsion du très planificateur "plan complémentaire de soutien à la croissance" (120 milliards de dollars de dépenses prévues entre 2005 et 2009), il profite beaucoup aux entreprises étrangères qui, hors hydrocarbures, investissent a minima et rechignent, comme c’est le cas pour les sociétés chinoises très présentes dans le BTP, à employer la main d’œuvre locale. Un problème quand on sait que le chômage, malgré son recul à l’échelle nationale, reste supérieur à 75% pour les moins de 30 ans.
L’accroissement des inégalités alimente d’ailleurs l’amertume de la population. Au luxe ostentatoire des nouveaux riches s’oppose le fait que 14 millions d’Algériens vivent sous le seuil de pauvreté d’où la multiplication d’émeutes sociales et la persistance d’un fort courant islamiste. Et les opérateurs étrangers avouent avoir toujours du mal à comprendre les rouages d’un système opaque où les intermédiaires foisonnent, où les généraux mettent des secteurs entiers en coupe réglée en interdisant toute concurrence et où personne ne sait qui décide vraiment.
Le meilleur exemple est celui du système bancaire dont la modernisation est un serpent de mer. Pour la plupart détenues par l’Etat, les banques algériennes, grevées de créances douteuses, ne prennent plus aucun risque et refusent de financer les entreprises locales sauf si un puissant parrain les protège. La privatisation du Crédit populaire d’Algérie (CPA) devait mettre fin à la gabegie qui règne dans ce secteur et surtout le mettre à l’abri des influences politiques et clientélistes. Mais cette opération, qui intéresse toutes les grandes banques françaises, vient encore d’être suspendue après moult reports. Officiellement, en raison de la "crise des subprimes".
Une excuse qui fait beaucoup sourire en Algérie…
Par Lyes Si Zoubir, correspondant de Challenges à Alger, le lundi 3 décembre 2007
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