Depuis quelques années, à force d’observer et d’évaluer le développement de la wilaya et de la ville de Béjaïa, un sentiment profond me pousse à réagir, à dire quelque chose, exprimer un point de vue si modeste soit-il, susciter en quelque sorte un débat constructif pour une gestion et un devenir meilleurs de cette magnifique cité.
De multiples occasions se sont pourtant présentées ces quelques dernières années. Des séminaires nationaux, des colloques internationaux, des journées scientifiques se sont tenus à Béjaïa. J’y avais en partie participé. Malheureusement, de tout ce qui a été dit et écrit, aucune action positive n’a abouti concrètement et durablement. Malgré cela, à l’ère du développement fulgurant des technologies dans le monde, la ville de Béjaïa et son arrière-pays continuent d’évoluer, sur tous les plans, à vue, sans maturation approfondie de ses divers projets, sans études d’impacts objectives et fiables, sans une véritable stratégie, cohérente, réaliste et préalablement réfléchie, pour un développement global, intégré, harmonieux et durable. En tant qu’amoureux de cette ville et de sa région, je me sens particulièrement interpellé. Aussi, permettez-moi d’interpeller les autres ; qu’ils soient natifs, qu’ils y résident ou qu’ils vivent ailleurs ; les autres aussi, pour peu qu’ils y aient séjourné, étudié, vécu, ou tout simplement connu ou aimé la ville. La wilaya de Béjaïa est incontestablement une portion du territoire national que la nature a particulièrement gâtée. En plus d’un passé historique très riche, Béjaïa se situe dans un site géographique des plus privilégiés en Méditerranée occidentale, avec des montagnes couvertes, fait rare, de végétation luxuriante, dense en flore et foisonnant en espèces fauniques, une côte ciselée d’une très grande beauté, des plaines littorales fertiles, un hinterland suffisamment arrosé et une population assez industrieuse, favorable à une économie locale productive et diversifiée. L’histoire nous enseigne que juste avant l’indépendance, l’économie de la région de Béjaïa était complémentaire à celle de la France coloniale. Essentiellement axée sur l’exploitation des gisements miniers de Bou Amrane et de Timezrit et le développement de l’agriculture maraîchère à travers l’exploitation rationnelle des plaines d’El Kseur et d’Amizour et de toute la bande fertile s’étendant des jardins d’Irryahen jusqu’à Souk El Tenine. La viticulture était très développée, l’agriculture de montagne aussi, l’oléiculture, l’apiculture, la pêche et l’élevage de caprins. Les forêts de chênes-lièges s’étendaient sur des milliers d’hectares, de Jijel jusqu’aux confins des massifs de l’Akfadou et du Djurdjura. L’artisanat traditionnel n’était pas négligé ainsi que la valorisation d’un certain nombre de savoir-faire locaux entretenus depuis des lustres parmi la population. Ce fut une économie très active, productive, de type pluri exportatrice. L’histoire ne peut occulter l’existence à Béjaïa d’un véritable réseau d’unités agroalimentaires, des PME/PMI, à très forte valeur ajoutée sur les plans proprement économique et commercial. Les unes chargées du traitement de câpres, de caroubes, d’olives et de figues sèches, de verveine et de menthe séchée ; les autres versées dans le conditionnement du poisson, la salaison de l’anchois, la récupération et la transformation du liège et de certaines espèces végétales particulières à la région. Et autres encore carrément orientées vers la fabrication d’ébauchons de pipes à fumer à base du bois de bruyère, de bouchons de liège et d’espadrilles faites de toile coton et de fibres végétales, très prisées des estivants en raison de leur qualité hygiénique. Beaucoup de gens de la région ne sont pas près d’oublier les noms de certaines personnes qui furent d’authentiques managers locaux, créateurs de véritables richesses : Tamazali dans les huiles, Henri Maire et Bocheron dans la fabrication et le négoce des vins, Gouzens dans les boissons rafraîchissantes, Fons dans le liège, les frères Blanc dans la récupération du bois de bruyère et le façonnage des ébauchons de pipes, Boulimat, Coudrier et Sonigo dans le conditionnement de figues et de caroubes. Des richesses locales issues de la terre algérienne, plantées et traitées en Algérie par des Algériens. Il y a de quoi rester perplexe aujourd’hui quand on sait que juste après l’indépendance, du fait de l’exploitation privilégiée des richesses générées par le pétrole, de la recherche des solutions faciles et du développement d’une « mentalité d’assisté », sous toutes ses formes, inconsciemment mise en place et développée par les pouvoirs publics durant les décennies 1970 et 1980, l’économie locale fut profondément déviée de son parcours originel, faite de performance et d’efficacité. En dehors des hydrocarbures et d’une quantité négligeable de produits agricoles et de quelques autres produits manufacturés, a-t-on aujourd’hui la prétention d’exporter ce que l’Algérie avait l’habitude d’exporter avant 1962 ? Les tenants actuels de « l’économie de l’import-import » le savent-ils réellement ? Savent-ils aussi que compte tenu des impératifs de la mondialisation rampante, les produits que l’Algérie exportait, il y a de cela cinquante ans, sont aujourd’hui des produits fortement recherchés par les consommateurs des pays riches de l’hémisphère nord de la planète ? Dans cette merveilleuse wilaya, son chef-lieu, Bougie, Béjaïa ou Vgayet fut citée comme exemple d’architecture et d’urbanisme en Méditerranée occidentale. Une ville étagée, s’étendant en gradins sur le flanc central du Mont Gouraya. Une ville qui épouse harmonieusement son relief naturel. Le port avait déterminé son schéma urbanistique et sa configuration dans l’espace.Toutes les rues et ruelles de la ville, places et placettes, escaliers et impasses s’ouvrent sur la mer. Tous les quartiers de Béjaïa offraient aux visiteurs de véritables cartes postales naturelles, faites de diverses couleurs. Le bleu de la mer et de l’azur se marient avec le vert des montagnes environnantes et la blancheur de ses édifices. La partie européenne de la ville abrite constructions cossues en pierre, avec des toits de tuiles rouges soulignés d’élégantes gouttières ouvragées. Les façades d’immeubles étaient de véritables chefs-d’œuvre architecturaux ornés de balcons reposant sur des cariatides sculptées, intégrées à des balustrades de fer forgé avec des entrelacs divers et recherchés. Une ville qui rivalisait avec ses voisines de l’autre rives comme Marseille, Nice, Cannes, Saint Tropez ou Monte Carlo. Une ville où le désintéressement, l’hospitalité et la convivialité naturelles surprenaient ses hôtes. Bref, une ville où il faisait bon vivre ou de séjourner. Béjaïa offrait un cadre enchanteur qui de tout temps avait inspiré poètes, peintres et sculpteurs, photographes et cinéastes, architectes et urbanistes. Une cité généreusement ouverte où tout baignait dans la considération et le respect d’autrui. Une véritable harmonie existait entre la ville, en tant que cadre bâti, son environnement fait de montagnes et de forêts, et ses habitants, fortement portés vers la générosité et la communication. Dans toutes les maisons, qu’elles soient arabes ou européennes, on sentait la rose, dans ses diverses variétés, les parfums de fleurs d’orangers et de jasmin, de la menthe et du basilique. Les dahlias et la vigne étaient partout avec ses généreuses grappes de raisins muscat. La nature était respectée. Elle le rendait gracieusement à ses habitants. Entre l’homme et sa ville, il y avait une symbiose.
De multiples occasions se sont pourtant présentées ces quelques dernières années. Des séminaires nationaux, des colloques internationaux, des journées scientifiques se sont tenus à Béjaïa. J’y avais en partie participé. Malheureusement, de tout ce qui a été dit et écrit, aucune action positive n’a abouti concrètement et durablement. Malgré cela, à l’ère du développement fulgurant des technologies dans le monde, la ville de Béjaïa et son arrière-pays continuent d’évoluer, sur tous les plans, à vue, sans maturation approfondie de ses divers projets, sans études d’impacts objectives et fiables, sans une véritable stratégie, cohérente, réaliste et préalablement réfléchie, pour un développement global, intégré, harmonieux et durable. En tant qu’amoureux de cette ville et de sa région, je me sens particulièrement interpellé. Aussi, permettez-moi d’interpeller les autres ; qu’ils soient natifs, qu’ils y résident ou qu’ils vivent ailleurs ; les autres aussi, pour peu qu’ils y aient séjourné, étudié, vécu, ou tout simplement connu ou aimé la ville. La wilaya de Béjaïa est incontestablement une portion du territoire national que la nature a particulièrement gâtée. En plus d’un passé historique très riche, Béjaïa se situe dans un site géographique des plus privilégiés en Méditerranée occidentale, avec des montagnes couvertes, fait rare, de végétation luxuriante, dense en flore et foisonnant en espèces fauniques, une côte ciselée d’une très grande beauté, des plaines littorales fertiles, un hinterland suffisamment arrosé et une population assez industrieuse, favorable à une économie locale productive et diversifiée. L’histoire nous enseigne que juste avant l’indépendance, l’économie de la région de Béjaïa était complémentaire à celle de la France coloniale. Essentiellement axée sur l’exploitation des gisements miniers de Bou Amrane et de Timezrit et le développement de l’agriculture maraîchère à travers l’exploitation rationnelle des plaines d’El Kseur et d’Amizour et de toute la bande fertile s’étendant des jardins d’Irryahen jusqu’à Souk El Tenine. La viticulture était très développée, l’agriculture de montagne aussi, l’oléiculture, l’apiculture, la pêche et l’élevage de caprins. Les forêts de chênes-lièges s’étendaient sur des milliers d’hectares, de Jijel jusqu’aux confins des massifs de l’Akfadou et du Djurdjura. L’artisanat traditionnel n’était pas négligé ainsi que la valorisation d’un certain nombre de savoir-faire locaux entretenus depuis des lustres parmi la population. Ce fut une économie très active, productive, de type pluri exportatrice. L’histoire ne peut occulter l’existence à Béjaïa d’un véritable réseau d’unités agroalimentaires, des PME/PMI, à très forte valeur ajoutée sur les plans proprement économique et commercial. Les unes chargées du traitement de câpres, de caroubes, d’olives et de figues sèches, de verveine et de menthe séchée ; les autres versées dans le conditionnement du poisson, la salaison de l’anchois, la récupération et la transformation du liège et de certaines espèces végétales particulières à la région. Et autres encore carrément orientées vers la fabrication d’ébauchons de pipes à fumer à base du bois de bruyère, de bouchons de liège et d’espadrilles faites de toile coton et de fibres végétales, très prisées des estivants en raison de leur qualité hygiénique. Beaucoup de gens de la région ne sont pas près d’oublier les noms de certaines personnes qui furent d’authentiques managers locaux, créateurs de véritables richesses : Tamazali dans les huiles, Henri Maire et Bocheron dans la fabrication et le négoce des vins, Gouzens dans les boissons rafraîchissantes, Fons dans le liège, les frères Blanc dans la récupération du bois de bruyère et le façonnage des ébauchons de pipes, Boulimat, Coudrier et Sonigo dans le conditionnement de figues et de caroubes. Des richesses locales issues de la terre algérienne, plantées et traitées en Algérie par des Algériens. Il y a de quoi rester perplexe aujourd’hui quand on sait que juste après l’indépendance, du fait de l’exploitation privilégiée des richesses générées par le pétrole, de la recherche des solutions faciles et du développement d’une « mentalité d’assisté », sous toutes ses formes, inconsciemment mise en place et développée par les pouvoirs publics durant les décennies 1970 et 1980, l’économie locale fut profondément déviée de son parcours originel, faite de performance et d’efficacité. En dehors des hydrocarbures et d’une quantité négligeable de produits agricoles et de quelques autres produits manufacturés, a-t-on aujourd’hui la prétention d’exporter ce que l’Algérie avait l’habitude d’exporter avant 1962 ? Les tenants actuels de « l’économie de l’import-import » le savent-ils réellement ? Savent-ils aussi que compte tenu des impératifs de la mondialisation rampante, les produits que l’Algérie exportait, il y a de cela cinquante ans, sont aujourd’hui des produits fortement recherchés par les consommateurs des pays riches de l’hémisphère nord de la planète ? Dans cette merveilleuse wilaya, son chef-lieu, Bougie, Béjaïa ou Vgayet fut citée comme exemple d’architecture et d’urbanisme en Méditerranée occidentale. Une ville étagée, s’étendant en gradins sur le flanc central du Mont Gouraya. Une ville qui épouse harmonieusement son relief naturel. Le port avait déterminé son schéma urbanistique et sa configuration dans l’espace.Toutes les rues et ruelles de la ville, places et placettes, escaliers et impasses s’ouvrent sur la mer. Tous les quartiers de Béjaïa offraient aux visiteurs de véritables cartes postales naturelles, faites de diverses couleurs. Le bleu de la mer et de l’azur se marient avec le vert des montagnes environnantes et la blancheur de ses édifices. La partie européenne de la ville abrite constructions cossues en pierre, avec des toits de tuiles rouges soulignés d’élégantes gouttières ouvragées. Les façades d’immeubles étaient de véritables chefs-d’œuvre architecturaux ornés de balcons reposant sur des cariatides sculptées, intégrées à des balustrades de fer forgé avec des entrelacs divers et recherchés. Une ville qui rivalisait avec ses voisines de l’autre rives comme Marseille, Nice, Cannes, Saint Tropez ou Monte Carlo. Une ville où le désintéressement, l’hospitalité et la convivialité naturelles surprenaient ses hôtes. Bref, une ville où il faisait bon vivre ou de séjourner. Béjaïa offrait un cadre enchanteur qui de tout temps avait inspiré poètes, peintres et sculpteurs, photographes et cinéastes, architectes et urbanistes. Une cité généreusement ouverte où tout baignait dans la considération et le respect d’autrui. Une véritable harmonie existait entre la ville, en tant que cadre bâti, son environnement fait de montagnes et de forêts, et ses habitants, fortement portés vers la générosité et la communication. Dans toutes les maisons, qu’elles soient arabes ou européennes, on sentait la rose, dans ses diverses variétés, les parfums de fleurs d’orangers et de jasmin, de la menthe et du basilique. Les dahlias et la vigne étaient partout avec ses généreuses grappes de raisins muscat. La nature était respectée. Elle le rendait gracieusement à ses habitants. Entre l’homme et sa ville, il y avait une symbiose.
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