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Sommes-nous condamnés à vivre dans l'attente ?

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  • Sommes-nous condamnés à vivre dans l'attente ?

    par Yazid Haddar
    «La vie humaine prise en elle-même est un tissu de souffrance où brille ça et là une lueur de joie. L'homme a l'habitude de s'arrêter au plus sensible et non au plus raisonnable. Alors, il souffre davantage ».

    (George Bergantz)



    Nous avons tous en mémoire ces années où, chaque samedi matin, nous avions droit à la Une noire de nos journaux : des villages entiers décimés et des explosions de bombes dans nos villes. C'était la période la plus noire de notre histoire contemporaine. Notre sang a trop versé et le peuple est fatigué d'être victime de tout. Victime d'un litige pour l'accès au palais d'El-Mouradia qui ne lui rapporte, en fin de compte, que de la misère. Combien de Chefs de gouvernement ont-ils dit : « il faut se serrer la ceinture » ? Pourtant, lorsque les caisses de l'Etat sont pleines, le peuple doit encore se serrer la ceinture ! Alors, à qui profite tout cet argent ? Y a-t-il réellement des projets d'infrastructures qui attireront les investisseurs étrangers ? Y a-t-il un réel projet de réforme des institutions de l'Etat ? Y a-t-il de réels chantiers de réforme du contenu des programmes scolaires ? Bien sûr, il y a eu récemment une réforme des manuels scolaires, mais quelle réforme ! L'éducation islamique est officiellement obligatoire aux épreuves du bac, mais quelle avancée ! Y a-t-il un programme d'éradication du dogmatisme religieux dans nos écoles, nos universités, nos mosquées et nos cités ?

    Le peuple constate que les sociétés étrangères présentes dans le pays se contentent d'ouvrir des points de vente. En effet, quel est l'intérêt de construire en Algérie alors que tout se vend (ex : le cas de Renault) ? L'Algérie est devenue une société de consommation mais ne produit pas. C'est ainsi que nous donnons à l'Etranger l'image d'un peuple de feignants tandis que nos voisins soignent leur image grâce aux lobbyings actifs dans les pays influents et également par la télévision, etc. Ce que voit le peuple algérien, ce sont des enfants qui fument et qui se droguent à l'âge très précoce, et tout récemment, un adolescent kamikaze qui s'est fait exploser en laissant derrière lui des morts et des blessés. La faute à qui ? A ses parents ? A l'Etat qui n'arrive pas à proposer une école ouverte sur le monde, une école où l'on enseignerait l'intelligence de servir ses concitoyens et non pas de les décimer ? Parmi nos dirigeants, certains restent passifs devant ce déclin tandis que d'autres changent de nationalité !(1) Et pourtant, le simple citoyen tente quotidiennement de faire face avec les moyens du bord. Or, tant que l'on agit dans l'urgence, cet effort est vain. L'organisation spatiale et temporelle de la structure cognitive de certains Algériens est en distorsion et ne répond plus à la pensée moderne dominante. Certains de nos dirigeants ne dépassent pas le seuil de tribalisme et clientélisme, leur objectif principal étant de garder leur place et d'être force de décision ! Il me semble que l'affaire de la banque Khalifa n'est pas finie. Bien au contraire, elle ne fait que commencer et des noms importants circulent dans le tribunal de Nanterre. Cette affaire est révélatrice d'une corruption à haut niveau et d'un système judiciaire dépendant !

    L'islamisme en Algérie n'est guère vaincu. Dire le contraire, c'est nier la réalité. Il suffit de compter le nombre de femmes et de jeunes écolières qui portent le voile. L'heure de l'appel à la prière ressemble à un concours de la mosquée qui possède la sono la plus puissante. Après avoir interdit les chansons raï soi-disant vulgaires, le patron de la radio nationale vient de décréter que toutes les radios locales doivent diffuser les prières de taraouih, peut-être bientôt à la télé ! Et notre Chef de gouvernement qui s'habille en imam ! Et le chef d'un parti islamiste dit modéré qui prêche dans ses meetings, voire même lors d'émissions télévisées, en proposant de faire la roukia ! Ne serait-ce pas une forme de concurrence entre fanatiques religieux et nationalistes ? On assiste ainsi à la décadence du débat politique : les sujets abordés sont dénués de pensée rationnelle et moderne et sont emprunts de religiosité !

    Le dogmatisme religieux a modifié nos rapports sociaux. Avant les années quatre-vingt-dix, pour se saluer, nous nous disions « bonjour, bonsoir » et nous nous faisions la bise, homme ou femme. Aujourd'hui, la culture islamiste s'est imposée à notre insu : nous ne nous disons plus « bonjour, bonsoir » et plus question de toucher la main d'une femme, encore moins lui donner la bise ! C'est le « salam alikum » qui domine. Comme dit un vieux de mon village, « depuis qu'on dit salam (la paix), nous l'avons perdue » ! Quand j'observe la société tunisienne ou marocaine, je me rends compte combien nous nous éloignons de nos propres traditions. Même en Kabylie, leader dans l'émancipation sociale, le dogmatisme religieux s'infiltre et modifie les rapports sociaux et culturels. La société algérienne tourne le dos au futur pour vivre dans le passé. Mais quel passé ? En tout cas, pas le nôtre, mais celui des autres !

    Dubaï, nouvel eldorado pour les pays musulmans, a bien compris le fonctionnement des nationalistes panarabes et des islamistes. Ceux-ci se plaisent à invoquer l'identité pour justifier le repli sur soi, le refus de se mettre en phase avec l'époque moderne et l'incapacité de profiter des expériences d'autrui. Pour savoir ce que vaut l'identité panarabe et islamiste, il suffit d'observer l'Afghanistan des Talibans, le Soudan d'Ahmed Tourabi, l'Egypte de Gamal Abdel Nasser ou l'Irak de Saddam Hussein. Le point commun de tous ces pays, c'est qu'on y a constamment invoqué l'identité pour masquer les échecs de tout ordre. Par contre, Dubaï est l'exemple vivant de ce que produit la pensée libérale. Là-bas, la fameuse maxime libérale du « laisser-faire, laisser-passer » dicte la politique économique. Cela lui a permis de passer du sous-développement, puis de l'économie rentière, à une économie moderne de production. Ainsi, Dubaï a attiré les richesses intellectuelles et matérielles du monde entier et les entrepreneurs ont bénéficié de la liberté d'entreprendre. Quant aux marchands d'idées et aux adeptes de grands discours nationalistes arabes et islamistes, Dubaï leur a tourné le dos. Ce pays a compris les exigences de notre temps et a choisi de jouer le jeu de la mondialisation. Il a réussi là où tous les pays arabes ont échoué. Il est le seul pays arabe sur la voie de la prospérité.

    Notre pays a davantage d'atouts humains et géographiques que cet émirat. Dommage que nos dirigeants n'aient pas encore déterminé une orientation politique précise. En attendant, notre peuple est en errance et s'interroge sur ce climat chaotique...

    (1) Le cas d'un ex-ministre algérien (1991/1992) qui s'est présenté aux élections législatives en Suisse, quotidien arabophone El Khabar (06/09/07)

    Cf. El Khabar du 16 sept. 07
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