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La crainte de la stagflation grandit aux Etats-Unis

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  • La crainte de la stagflation grandit aux Etats-Unis

    L'économie américaine est menacée à la fois par la récession et par l'inflation. Une combinaison explosive, le pire cauchemar des banques centrales, qui porte le nom de "stagflation". Dans les années 1970, après les chocs pétroliers, cette combinaison avait fait s'envoler les prix et le taux de chômage dans les pays industrialisés. Le mot de stagflation a été prononcé dimanche 16 décembre lors d'un entretien télévisé par Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed) : "Une période remarquable de désinflation touche à sa fin. Nous ne sommes pas encore dans une situation de stagflation, mais nous en voyons les premiers symptômes."

    M. Greenspan n'est pas le seul à s'inquiéter. "Ce qui nous attend est une période de croissance faible ou inexistante avec une inflation qui augmente", prédit pour l'agence Bloomberg Joachim Fels, économiste de Morgan Stanley. "Les pressions sur les prix viennent essentiellement des pays émergents où la croissance est forte et la politique monétaire plutôt expansionniste", ajoute-t-il. "Nous allons sans doute connaître une bonne dose de stagflation en 2008, je doute que la situation s'améliore dans les trois prochains mois", renchérit Trevor Greetham, le responsable de l'allocation d'actifs de Fidelity.

    La mécanique semble implacable. La pire dégringolade du marché immobilier américain depuis seize ans a entraîné un quasi-blocage de l'offre de crédit. La première économie du monde est aujourd'hui "près de faire du surplace" estime M. Greenspan. Dans le même temps, la surchauffe chinoise pousse toujours à la hausse les prix de l'énergie et des produits alimentaires. Sur les onze premiers mois de l'année, les prix à la consommation ont augmenté de 4,3 % aux Etats-Unis. En novembre, la progression des prix à la production a atteint 3,2 %. Il faut remonter à 1973 pour trouver un niveau plus élevé...

    La croissance américaine, de 4,9 % en rythme annuel au troisième trimestre, devrait, selon la moyenne des prévisions recueillies par l'agence Bloomberg, décrocher brutalement et revenir sur les trois derniers mois de l'année à moins de 1 %. David Rosenberg, économiste en chef de Merrill Lynch, est encore plus pessimiste. Il voit l'activité reculer de 0,1 % au dernier trimestre de 2007. "Les contractions ont la particularité de se nourrir elles-mêmes", explique-t-il. Un signe ne trompe pas : pour la première fois, un sondage montre que la principale préoccupation des Américains dans la perspective de la campagne présidentielle de 2008 devient l'économie. Selon une étude d'opinion rendue publique dans la semaine du 10 au 15 décembre par la chaîne de télévision ABC, 44 % des personnes interrogées estiment que l'économie est le premier problème du pays, alors que 37 % estiment que c'est la guerre en Irak.


    CRÉATIONS D'EMPLOIS


    Pour autant, l'économie américaine envoie des signaux contradictoires, et elle n'a pas perdu sa capacité exceptionnelle à encaisser les chocs. Alan Greenspan estime à un sur deux le risque de récession, mais Steven Wieting, économiste de Citigroup, souligne que "la résilience de l'économie des Etats-Unis est souvent sous-estimée". Plusieurs statistiques semblent lui donner raison. La consommation, qui représente plus des deux tiers du produit intérieur brut (PIB), ne faiblit pas. "Le consommateur tient en dépit de la crise du logement et des restrictions de crédit", écrit Conrad DeQuadros, économiste de Bear Stearns. Les ventes de détail ont augmenté de 1,2 % en novembre et de 6,3 % sur douze mois. Explication : le marché du travail ne semble pas faiblir et du coup les revenus des Américains ont encore augmenté en moyenne de 0,5 % en novembre. Les créations d'emplois sont montées à 94 000 en novembre après 170 000 en octobre. Le taux de chômage reste faible et inchangé, à 4,7 % de la population active, depuis trois mois.

    La faiblesse du dollar est aussi un soutien important à la fois à l'exportation et à la compétitivité des produits américains sur leur marché intérieur. Elle explique en partie la croissance de 4,9 % au troisième trimestre, la plus forte depuis quatre ans ! Et pourtant, en même temps, la crise de l'immobilier continue à s'aggraver. Les demandes de permis de construire sont à leur plus bas niveau depuis 1993.

    L'économiste Martin Feldstein, de l'université de Harvard, qui dirige le National Bureau dont la mission est de déterminer les débuts et les fins des récessions, pense que la menace de la stagflation aux Etats-Unis existe bel et bien, mais n'a rien de comparable avec celle des années 1970, marquée par des hausses de prix et un taux de chômage à deux chiffres. "Si vous considérez qu'une inflation à 3,5 % et une récession, c'est de la stagflation, alors nous pourrions à nouveau connaître une période de stagflation", explique-t-il. La Réserve fédérale se trouverait alors dans une situation impossible. Elle ne pourrait ni remonter les taux pour lutter contre l'inflation, ni les baisser pour soutenir la croissance.

    Eric Leser (Le Monde)
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