Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Bayer accuse de vente de médicaments au noir

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Bayer accuse de vente de médicaments au noir

    Bayer accuse de vente de médicaments au noir

    Une enquête du ministère de la santé a permis de démanteler un réseau monté par des employés du laboratoire à Casablanca.
    Entre 2005 et 2007, 5,7 millions de boîtes d’Aspro et 1,8 million de Claradol ont été écoulées dans les épiceries.
    Le chiffre d’affaires potentiel perdu par les officines s’élève à 128 MDH.
    L’affaire est chez le procureur du Roi près le Tribunal de première instance.

    C’est un véritable coup de tonnerre qui vient de se produire dans le secteur pharmaceutique ! Bayer HealthCare Maroc, filiale du laboratoire allemand Bayer, est accusé de distribuer des médicaments en dehors du circuit normal (les pharmacies), et notamment en livrant (ou en fermant les yeux) sur la vente de certains de ses produits aux épiceries. Le problème concerne deux médicaments, en l’occurrence les comprimés Aspro (500 mg) et Claradol (500 mg) qui sont depuis des années commercialisés illégalement. Ce phénomène avait déjà été dénoncé par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens lorsque les deux médicaments étaient fabriqués par une division du laboratoire Roche, avant sa reprise par la filiale du groupe allemand. Cette fois-ci, le constat a été dûment fait suite à une inspection diligentée par le ministère de la santé. Plusieurs réseaux dont font partie des pharmaciens, principalement, ont été identifiés (voir encadré).

    L’affaire est aujourd’hui devant le Tribunal de première instance de Casablanca qui a déjà entamé les premières audiences. Auparavant, le ministère de la justice avait été saisi par les services d’inspection de la direction du médicament qui avait également adressé son procès-verbal au Secrétariat général du gouvernement pour l’étude juridique.
    Selon une source proche du dossier, l’affaire a éclaté au grand jour, puisque c’est la première fois que des enquêteurs ont pu mettre la main sur le fournisseur direct du réseau de détaillants éparpillés à travers plusieurs villes du Maroc. Alors que dans les autres affaires traitées par la direction du médicament, l’approvisionnement se faisait essentiellement par le pharmacien d’officine qui achetait de grandes quantités de médicaments pour les revendre aux détaillants.
    Toujours selon notre source, «le laboratoire est mis en cause car plusieurs de ses employés sont effectivement impliqués dans ce trafic». D’ailleurs, précise-t-elle, «deux responsables ont pris la fuite hors du Maroc et un délégué médical a été incarcéré».

    Les sanctions peuvent aller jusqu’au retrait définitif de l’autorisation d’exercer
    Les conclusions de l’inspection de la direction du médicament révèlent qu’en dehors des employés du laboratoire, cinq pharmaciens, une grossisterie, plusieurs détaillants, un grossiste de Derb Omar, des sociétés de transport ainsi que deux entreprises mauritaniennes sont impliquées dans ce réseau. Quels sont les chefs d’inculpation retenus contre toutes ces personnes ? Comment était organisé ce réseau ? Quel est le volume de ce trafic ?
    Selon les informations dont nous disposons, les parties impliquées sont accusées de distribution, de vente, de transport illégaux de médicaments ainsi que d’exportation sans autorisation. Le réseau était bien organisé : les médicaments étaient distribués par un grossiste, qui a d’ailleurs reconnu les faits qui lui sont reprochés, disposant d’un grand dépôt à Sidi Moumen. Les livraisons se faisaient à partir d’un magasin de Derb Omar à des détaillants dans plusieurs villes du pays notamment Casablanca, Meknès et Tanger. Le grossiste s’approvisionnait auprès d’un délégué du laboratoire Bayer HealthCare qui, avec la complicité de cinq pharmaciens, pouvait acheter de grandes quantités de médicaments.

    Le réseau de distribution illégale ne se contentait pas d’alimenter les détaillants locaux, il exportait également en Mauritanie avec la complicité de deux entreprises implantées dans ce pays. Ce commerce au noir a permis l’écoulement, au cours des deux dernières années, de 7,5 millions boîtes de médicaments, dont 5,7 millions d’Aspro et 1,8 million de Claradol.

    Un trafic qui engendrait un chiffre d’affaires substantiel. En pharmacie, le prix public marocain (PPM) d’une boîte de 20 comprimés d’Aspro est de 17 DH et de 17,15 DH pour une boîte de 16 comprimés de Claradol. Ce prix comprend bien sûr la marge (10%) du grossiste et celle (30%) du pharmacien. Ce qui implique que les médicaments sont achetés au laboratoire entre 10 et 10,50 DH. Dans le circuit illégal, le grossiste achète la boîte à 11 ou 11,50 DH, selon le produit, et le détaillant vend le comprimé à 1 DH ou 1,50 DH, selon le produit. Le gain partagé entre grossiste et détaillant est de 9 DH par boîte d’Aspro et 13,50 DH par boîte de Claradol ! Le grossiste de Derb Omar s’il avait continué son activité, aurait réalisé en 2007, selon des sources proches du dossier, un gain de 4 millions de dirhams ! Le délégué, quant à lui, s’est vu verser par son laboratoire une prime annuelle de 100 000 dirhams, façon de récompenser ses bonnes ventes. C’est dire combien ce commerce illégal est juteux pour ceux qui le font. En revanche, il porte un grand préjudice aux pharmacies qui, déjà, subissent, depuis plusieurs années, une sérieuse crise. Si l’on prend en considération le prix public des deux médicaments en question, c’est un chiffre d’affaires de près de 127 MDH et une marge d’environ 38 MDH qui leur sont passés sous le nez.

    Pour ceux qui connaissent le secteur, le laboratoire ne pouvait ignorer les pratiques frauduleuses, les ventes d’Aspro et Claradol étant ostentatoirement effectués en épicerie depuis des années. C’est dire combien il est en mauvaise posture, au même titre que les personnes incriminées.

    Que risquent ces dernières ? Que prévoit la loi pour sanctionner de telles infractions ? Les dispositions du Code de la pharmacie sont claires puisqu’elles interdisent la vente et la distribution des médicaments hors circuits autorisés (grossisteries pharmaceutiques qui revendent aux pharmacies). L’article 29 stipule en effet que «la dispensation des médicaments ou autres produits pharmaceutiques est réservée aux pharmaciens d’officine». Ce qui signifie que les cinq pharmaciens complices du délégué médical (ils achetaient les médicaments pour le compte du délégué) risquent, selon l’article 102 du Code, le retrait de leur autorisation d’exercer. Celui-ci peut être décidé par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens ou par l’Administration, en l’occurrence le SGG, suite à une condamnation pénale ou civile définitive pour infraction et pour préjudice porté à la sécurité d’autrui. Et dans cette affaire, selon un juriste, c’est le cas d’espèce. Le retrait peut être temporaire ou définitif. D’ailleurs, dans la toute première affaire de distribution illégale de médicaments qu’a connue le Maroc en 1959, le pharmacien, d’origine étrangère, avait été condamné à la fermeture temporaire de 15 jours de son officine.


    Bayer HealthCare risque l’arrêt d’activité

    Les dispositions de l’article 102 peuvent aussi être appliquées à l’encontre du laboratoire car l’autorisation d’exercer est accordée au pharmacien responsable. Si celui-ci se voit retirer l’autorisation, le laboratoire ne peut continuer son activité. «La loi est claire, le retrait de l’autorisation signifie arrêt de production et donc fermeture de l’unité», indique un juriste. C’est, peut-être pour éviter le pire, que l’ambassade de la République d’Allemagne a demandé des audiences au SGG et aux ministères de la santé et de la justice. Une requête qui est restée sans suite car ces départements refusent toute intervention, la procédure judiciaire est en cours. Pour le délégué médical, le grossiste de Derb Omar et les détaillants poursuivis pour exercice illégal de la pharmacie, c’est l’article 135 du Code qui leur sera appliqué. Il prévoit une amende de 5 000 à 50 000 dirhams et une peine d’emprisonnement de 3 mois à 5 ans.

    Pour l’instant, le dossier est toujours au niveau du procureur du Roi près le Tribunal de première instance. La dernière audience a eu lieu, il y a une semaine, et la prochaine se tiendra fin décembre. Du point de vue administratif, le SGG poursuit son enquête afin d’éclaircir des zones d’ombre notamment le cas des sociétés implantées en Mauritanie et l’implication de sociétés de transport marocaines qui seront poursuivies pour colportage illégal de médicaments.

    Les autorités semblent aujourd’hui décidées à faire le grand ménage dans le secteur et invitent les laboratoires à faire preuve d’une grande vigilance. Cependant, il reste que de manière globale, et quelles que soient les sanctions prises à l’encontre des employés du fabricant, la responsabilité de ce dernier n’en est pas moins flagrante. En effet, devant des hausses inexpliquées de commandes provenant de certains grossistes, la moindre des précautions aurait été de se poser des questions et de tirer la sonnette d’alarme. A moins qu’il n’y ait eu complicité à tous les niveaux dans la hiérarchie de l’entreprise... Au sein de la Santé, on milite pour l’instauration d’indicateurs périodique des commandes effectuées pour les pharmacies d’un même quartier ou d’une même région.

    Aziza Belouas
    Publié le : 14/12/2007
Chargement...
X