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Comment peut-on appréhender la course à l'armement au Proche-Orient ?

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  • Comment peut-on appréhender la course à l'armement au Proche-Orient ?

    Il est évident que la vente d'armes pour les pays producteurs s'insère dans la politique industrielle et économique et constitue un pôle d'investissement créateurs de richesses.
    Et créatrice de pauvreté pour les acheteurs...
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    Deux événements majeurs ont marqué dernièrement l'actualité politico-stratégique au Proche-Orient en matière de la course à l'armement. D'une part, l'administration Bush a dévoilé, le 30 juillet dernier, un projet important de vente d'armes aux six monarchies pétrolières arabes du Golfe (Arabie saoudite, Qatar, Bahrein, Koweït, Oman, Emirats arabes unis ) pour un montant de 20 milliards de dollars, l'octroi de 13 milliards de dollars d'aide militaire à l'Égypte et l'augmentation de 25 % de l'assistance militaire à Israël, soit 30 milliards dollars, durant les dix prochaines années.

    D'autre part, le président français, Nicolas Sarkozy, a signé avec son homologue libyen, Mouammar Kadhafi, au premier jour de la visite de ce dernier en France, le 10 décembre, un contrat de vente de matériel militaire d'un montant de 10 milliards d'euros comprenant 14 avions Rafale, 35 hélicoptères dont des Tigre et des Fennec, six navires, des véhicules blindés, des radars de défense anti-aérienne, et la remise à niveau des Mirage F-1.

    Cela nous conduit à nous interroger sur les facteurs qui se conjuguent, s'interprètent et se font concurrence, selon les intérêts des acteurs impliqués, pour façonner la course à l'armement dans une région où règne une anarchie hobbesienne et une perception de sécurité dominée par le dilemme de la sécurité, les rapports de force et la recherche égoïste de l'intérêt national.

    Premiers importateurs d'armes

    Selon le rapport 2006 du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les pays du Proche-Orient dépensent plus de 10% de leur PNB pour l'achat d'armes, ils sont les premiers importateurs et consommateurs dans le monde. Anythony Gordesam (Cf. The Military Balance in the Middle East –2004) précise que la région est riche en armes à défaut de l'être dans d'autres domaines tels l'éducation ou la santé. En effet, la modernisations et le réarmement sont des enjeux constants dans les politiques de ces pays qui estiment que la meilleure assurance pour leur sécurité est l'acquisition des moyens militaires.

    Cette dynamique d'armement s'explique par une multitude de facteurs. Si le conflit israélo-arabe demeure l'élément structurant des rapports inter-étatiques et l'épicentre de la donne stratégique régionale, il n'est pas le seul. Les autres tensions régionales motivent également pour une bonne part les politiques d'achat d'armements ainsi que le rôle des puissances étrangères.

    Impact de la supériorité militaire d'Israël

    Depuis son existence en 1948, Israël a adopté comme paramètre stratégique le rapport de force global avec les pays arabes. Autrement dit, le maintien de la supériorité militaire d'Israël sur toutes les armées arabes. Cette notion de «supériorité» a une signification particulière dans la doctrine stratégique israélienne. Il ne s'agit pas de l'accumulation d'armes en terme de quantité et de nombre des effectifs. Elle est basée sur la professionnalisation, l'interopérabilité, l'acquisition des atouts technologiques nécessaires pour conduire une guerre moderne, une très bonne connaissance de l'ennemi via une structure efficace des services secrets et la disposition de l'arme nucléaire pour les fins de la dissuasion.

    Cette doctrine de profondeur stratégique qui modifie l'équilibre régional, a inquiété inévitablement les voisins arabes et les a incité à rétablir l'équilibre pour garantir la sécurité nationale en consolidant la défense militaire. De la renaît une spirale action-réaction et le sentiment réel de la vulnérabilité réciproque. Les histoires de guerre israélo-arabes en témoignent (guerre de 1948, guerre de Suez en 1956, guerre de Six jours en 1967, guerre d'octobre en 1973, invasion du Sud Liban par Israël en 1982, guerre d'été 2006 impliquant Hezbollah).

    Rivalités inter-arabes

    Cependant, il convient de souligner que les pays arabes ne s'armaient pas seulement — ou pour certains pas du tout — pour combattre Israël. Les stratégies militaires de ces pays sont aussi définies au moins en fonction de quatre éléments-clefs structurants les rapports étatiques.

    En premier lieu, les problèmes de frontières qui séparent aujourd'hui les États arabes et qui sont l'héritage des époques d'occupation. À titre d'exemple, la perception dominante de la menace pour le Maroc est toujours associé à l'Algérie en raison du conflit du Sahara occidental.

    En deuxième lieu, l'existence des régimes autoritaire recherchant à développer des capacités militaires pour conserver le pouvoir et maintenir l'ordre interne. Ainsi, les Forces armées ont intervenu pour réprimer les émeutes internes visant à stabiliser ces régimes dépourvus de toute légitimité démocratique.

    En troisième lieu, la recherche d'influence régionale par certains pays comme la Syrie vis-à-vis le Liban et l'Arabie saoudite dans ses relations avec les petites monarchies du Golfe qui sont riche et démunis démographiquement. Le boom des revenus pétroliers ont fourni à ces mico-États les bases de l'accumulation massive d'armement.

    A cela s'ajoute, en quatrième lieu, les visées hégémoniques de certains régimes dans la région comme celui de Saddam Hussein qui a envahit le Koweït, le 2 août 1990, et qui a gardé des relations de méfiance avec les pétro-monarchies les conduisant à chercher des alliances de sécurité en dehors de la région notamment avec les Etats-Unis. De même l'Iran, depuis la révolution islamique en 1979 et l'émergence du Khomeynisme, cherchait à s'imposer comme puissance chiite régionale et exporter la révolution à l'extérieur.

    On fournit des armes pour des raisons commerciales ou politiques

    Si la course aux armements au Proche-Orient est le résultat de la nature anarchique du système régional, cela ne peut pas occulter la responsabilités des puissances extérieurs qui ne cessent de fournir des armes à ces pays que ce soit pour des raisons commerciales ou politiques comme le témoignent les exemples mentionnées précédemment. Il est évident que la vente d'armes pour les pays producteurs s'insère dans la politique industrielle et économique et constitue un pôle d'investissement créateurs de richesses.

    Cependant, la vente et l'assistance militaire des Etats-Unis à ces alliés dans la région n'est pas juste un acte commercial, elle est visiblement un acte politique. Il va dans le sens de consolider la supériorité stratégique d'Israël et d'augmenter les capacités militaires de ses alliées sunnites (l'Égypte et les pays membres du Conseil de la coopération du Golfe – CCG) face au chiisme iranien qui est en train de dominer la région surtout en cas de retrait américain d'Irak.

    Cette politique des puissances occidentales affirme que les discours publics sont le plus souvent en contradiction avec l'action sur le terrain dans le sens que ces puissances qui font de la non prolifération nucléaire et le transfert des armes aux parties antagonistes la pierre angulaire de leur politique en matière d'armement et désarmement ne ménagent pas assez d'effort lorsqu'il s'agit de leurs intérêts au Proche-Orient, région représentant 40% de la production du pétrole et 57% des réserves mondiales de cette matière. C'est pourquoi les moyens de contrôle d'armement sont échoués.

    La course à l'armement ne fait que renforcer les causes inhérentes d'instabilité et d'accentuer les problèmes économiques au Proche-Orient. La région est dans une phase transitoire à tous point de vue, ce qui augmente la probabilité d'une déstabilisation et de nouveaux conflits. Il convient de rappeler que la prolifération de l'armement s'est développée sur un fond de différends politiques non résolus et de conflits militaires. À cela, s'ajoute les rapports de forces au sein d'un système régional anarchique et à l'absence de groupes d'États cohérents.

    Brahim Saidy
    Spécialise du Proche-Orient, Université du Québec à Montréal

    source Le Soleil
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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