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L’alimentation, deuxième enjeu stratégique mondial

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  • L’alimentation, deuxième enjeu stratégique mondial

    Phénomène à dimensions et conséquences planétaires...

    La flambée actuelle des prix agricoles est due à une conjonction de plusieurs facteurs dont le principal et le plus déterminant est la faiblesse des stocks de fin de campagne. Le problème demeure l’insolvabilité massive de la demande alimentaire mondiale, qui ne peut qu’aboutir à une chute des prix agricoles à terme.

    L’offre agricole et alimentaire mondiale :

    On compte, dans le monde, environ 1,3 milliards d’actifs agricoles : un peu moins de la totalité des actifs du monde. La population agricole active et non active représente, elle aussi, une petite moitié de la population mondiale.

    Or, on compte dans le monde environ 28 millions de tracteurs et 250 millions d’animaux de trait : environ un milliard d’actifs agricioles travaillent en culture manuelle, avec quelques outils de type houe, machette, daba, bâton fouisseur.

    Avec un tel équipement, la pénibilité et le rythme du travail du sol empêchent tout paysan de cultiver plus d’un hectare. Le rendement obtenu est de l’ordre d’une tonne d’équivalents céréales par hectare : la productivité d’un milliard d’actifs agricoles est donc de l’ordre d’une tonne par actif et par an. A noter : 600 millions des actifs en culture manuelle sont orphelins de tout programme d’aide ou de tout projet de développement et travaillent sans engrais, sans produits de protection des plantes et sans semences "améliorées".

    Parmi ceux qui disposent de l’équipement motorisé et mécanisé le plus performant, on trouve les paysans les plus productifs : ils peuvent obtenir jusqu’à 5000 tonnes d’équivalents céréales par actif et par an (environ 10 tonnes de rendements sur quelque 500 hectares cultivés). L’écart de productivité agricole dans le monde est donc de l’ordre à 1 à 5000 ; cet écart n’était que de 1 à 10 dans l’entre deux guerres et de 1 à 20 au lendemain de la seconde guerre mondiale.

    La demande agricole et alimentaire mondiale :

    On compte dans le monde plus de 2 milliards de personnes souffrant de malnutrition, c’est-à-dire de carrences en micronutriments (vitamines, minéraux, iode, fer) qui provoquent maladies graves et retards de développement.

    En plus de cette population malnutrie, on compte environ 850 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique : souffrant de carrences en macronutriments (protides, glucides, lipides), c’est-à-dire souffrant de la faim de manière chronique. Concrètement, ces personnes ne peuvent pas fournir un effort physique sans maigrir : ils ne couvrent pas leurs besoins énergétiques de base, qui sont de 2500 calories par jour pour un adulte.

    Il meurt chaque année dans le monde 10 millions d’enfants de moins de 5 ans des suites de la malnutrition, dont 6 qui meurent carrément de faim. 6 millions d’enfants de moins de 5 ans, c’est la totalité des enfants de moins de 5 ans de France et d’Italie réunies et 10 millions d’enfants de moins de 5 ans, c’est la totalité des enfants de moins de 5 ans de France, d’Italie, d’Espagne et du Portugal réunis.

    A noter : pour avoir 2500 calories par jour, un adulte doit consommer 200 kg d’équivalents céréales par an.

    Une donnée saisissante étrangement mal connue et jamais commentée :

    D’après les données de la FAO, on peut estimer que 80% environ des 850 millions d’affamés du monde sont des paysans. Les premiers à souffrir de la faim sont ceux dont le métier est de nourrir les hommes.

    L’impact catastrophique de la baisse, en tendance, des prix agricoles

    Même lorsque des variations brutales le masquent, les prix agricoles baissent, en tendance, depuis près de deux siècles. Cette baisse résulte plus particulièrement depuis l’instauration de marchés agricoles mondiaux de la mise en concurrence des agricultures du monde, le marché mondial n’étant, de surcroît, qu’un marché d’excédents (c’est environ 15% de la production mondiale de blé qui est échangée à l’international).

    Cette baisse a un impact, naturellement, plus violent sur les petits paysans que sur ceux qui sont les plus compétitifs. Il y a 30 ans, un paysan andin, himalayen ou mailen en culture manuelle pouvait espérer 30 dollars pour 100 kg de grains produits. Sur la tonne produite en un an, il pouvait donc vendre ou échanger 200 kg de grains pour habiller et loger sa famille, et entretenir son équipement, même modeste (tout paysan sait travailler le bois, mais pas le fer). Avec les 800 kg restants, il pouvait nourrir une famille de 4 à 5 personnes.

    Aujourd’hui, il ne peut plus espérer que 10 dollars pour 100 kg (avant la récente flambée des prix) : pour le même bien ou le même service, il doit se séparer de 600 kg de grains. Avec les 400 restants, il ne peut plus nourrir sa famille et migre vers un bidonville ou un camp de réfugiés.

    Là, il cherchera du travail pour acheter ce qu’il ne peut plus produire : les 800 kg de grains, par an, dont sa famille a besoin pour se nourrir. Dans tous les pays du monde sans véritable protection sociale ni droit du travail, le revenu des actifs salariés non qualifiés est indexé, à la baisse, sur la baisse des prix agricoles. Cette baisse maintient l’insolvabilité massive de la demande alimentaire mondiale, essentiellement paysanne, et réduit le revenu du travail y compris salarié.

    Quelle solution apporter à ce déséquilibre agricole et alimentaire mondial ?

    Paradoxalement, il faut protéger le revenu paysan pour rendre solvable la demande alimentaire mondiale qui ne l’est pas. Au lieu de marchés agricoles mondiaux, il faut instaurer plusieurs marchés agricoles régionaux, par grandes régions du monde à peu près homogènes du point de vue de la productivité agricole et des habitudes alimentaires.

    La flambée actuelle des prix agricoles, provoquée par de mauvaises récoltes simultanées dans des régions exportatrices mais fondamentalement due à une faiblesse chronique des stocks de fin de campagne qui s’aggrave depuis quelques années, porte à quelque 300 euros la tonne de céréales sur certains marchés à terme : mais c’est 400 qu’il faudrait pour qu’un paysan en culture manuelle puisse épargner et investir. Elle ne permet de rémunérer qu’une petite partie des actifs agricoles du monde pour nourrir quelques centaines de milliers de "nouveaux riches" dans les grandes villes de Chine et de l’Inde. Mais la Chine est en train d’affamer les 900 millions d’actifs agricoles qu’elle comptait encore lorsqu’elle a adhéré à l’OMC.

    Si des marchés agricoles communs, protégés à leurs frontières, permettaient de soutenir les prix du manioc, de l’igname, du sorgho et autres mil et millet, il en résulterait un renchérissement du coût de l’alimentation dans ces zones. Ce renchérissement provoquerait un relèvement des salaires, mais pour être financé il faudrait que ces régions du monde disposent d’une marge de manoeuvre monétaire pour distribuer du pouvoir d’achat dans les mégapoles et les grandes villes. C’est pour cette raison qu’une telle organisation des marchés agricoles du monde nécessiterait la mise en place d’un fonds monétaire international réservé au financement du renchérissement du coût de l’alimentation.


    Pour tous ceux que ces enjeux intéressent, je vous recommande le site internet du Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture, le MOMA. Contrairement à ce qu’on aura pu lire ici ou là, même si ce mouvement a au départ été financé par le quatrième semencier mondial, Limagrain, c’est avec intégrité et sincérité que son Président a investi à fonds perdus dans ce type d’analyses.

    Question bibliographie, on pourra aussi prendre connaissance de l’analyse remarquable de Marcel Mazoyer dans son "Histoire des agricultures du monde." Il a succédé en son temps à René Dumont à la chaire d’agriculture comparée de l’Institut national agronomique (devenu Agro Paris tech).


    - Agoravox
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