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    De la Tchi-tchi aux Zawalis : Portrait d’une jeunesse

    algérienne assoiffée de vie…

    Qu’y a-t-il de commun entre tous les jeunes algériens ? Qu’ils soient issus de la classe dorée ou des banlieues pauvres d’Alger, un dénominateur commun les unit tous : une furieuse soif de vivre, par tous les moyens, pour oublier les traumatismes d’une décennie tragique et la situation déprimante de leur pays. Donnons leurs la parole pour en savoir plus
    La rue Didouche Mourad, baignée de lumière, s’offre des airs printaniers. Les étudiants affluent vers la fac centrale, l’une des universités les plus fréquentée dans le pays. Imène, étudiante en interprétariat, les yeux joliment fardés, savoure le soleil matinal en attendant son prochain cours. « Je ne veux plus avoir un regard négatif sur les choses et les gens, car j’ai envie maintenant de profiter de ma vie et la savourer à chaque instant », nous confie d’emblée la jeune fille. Son amie, Dina, étudiante en Médecine évoque avec intérêt ce sujet : « aujourd’hui les jeunes ont envie de défouler malgré tous leurs problèmes, moi je les comprends. Il y en a marre de vivre à attendre à vivre ». Imène acquiesce. Puis elle nous parle des difficultés qui jalonnent le parcours des jeunes aujourd’hui : « la situation du pays a beaucoup changé, mais on a l’impression quand même que les horizons sont bouchés. Le chômage bat son plein et les jeunes ont tous envie d’émigrer, c’est tout de même très grave », souligne l’étudiante.
    À l’ombre des élégants immeubles de la capitale, Rachid, cheveux mi-longs, opte de prime abord pour l’ironie. « La jeunesse aujourd’hui ? Allez voir les Hittistes ! vous comprendrez que ce pays n’est pas fait pour les jeunes. » Plus sérieusement, l’étudiant nous dit ensuite qu’il déplore que « les jeunes ne croient plus à l’avenir », il fustige aussi « les autorités incapables de diriger l’Algérie », pour lui « c’est la faute des politiciens si les jeunes sont dans une situation pareille », puis il ajoute : « ils nous saoulent pendant toute la journée avec le passé. Parce qu’ils n’ont rien d’autre à nous dire, ils s’échinent à nous masquer le vide de perspectives. Il est temps pour eux de se barrer et laisser la place aux jeunes pour construire le futur de ce pays ».
    Linda, le visage encadré d’un hidjab rose, s’oppose à cette lecture. « Durant dix ans, on pouvait ni sortir ni s’amuser. On vivait dans la peur et l’angoisse », nous confie-t-elle. « Aujourd’hui, les jeunes sont plus libres et ils ont plus de possibilités pour réaliser leurs projets, ils n’ont qu’à en profiter. Ils doivent retrousser leurs manches et cesser de se lamenter tout le temps », renchérit-elle.
    À l’instar de Lamia, nombre de jeunes portent un regard critique sur la société. « J’ai l’impression que nous vivons dans une société toujours dogmatique. Les tabous sont encore vivaces, et beaucoup d’interdits asphyxient les jeunes » elle ajoute aussi « tout est question de mentalités, si on arrive à changer les mentalités des gens sur certaines questions, alors on débloquera la société ». Puis avec un brin grandiloquent, la jeune étudiante nous déclare « je pense que le nouveau défi des jeunes est de faire en sorte que le pays amorce des virages à cent quatre-vingts degrés sans aucune peur ». La jeunesse dorée
    « Y en a marre des gens qui ne pense qu’à tout ce qui ne va pas. » Il a lancé cette phrase comme un cri du cœur avant de rejoindre ses copains et copines sur la piste de danse. Dans cette boîte de nuit branchée, proche du Club des Pins, les filles sont aussi nombreuses que les garçons. Jeans, dos nu, chaussures à bout pointu. La musique techno marche à plein tube. L’entrée coûte de 800 à 1000 DA dinars avec boisson alcoolisée.
    Le mercredi et le jeudi soir, la boîte fait le plein. Pas de bagarres, pas de tensions. Les clients sont triés sur le volet. Samir, petit anneau à l’oreille, est en terminale au Lycée international d’Alger. Il a 18 ans, habite Hydra, il conduit une voiture que lui ont donnée ses parents et sait déjà qu’il ira faire ses études supérieures en France - commerce international et gestion des entreprises -, l’année prochaine. Envisage-t-il de rester là-bas, comme en rêvent tous nos jeunes ? Pas du tout. « L’Algérie, c’est la belle vie quand on a les moyens, répond-il en souriant. La France, c’est le passage obligé pour la formation, mais ensuite il faut revenir ici. Il y a une foule d’opportunités et de choses à faire. »
    A Hydra, à El Biar ou encore à Chéraga, proches banlieues chics de la capitale, Samir a l’impression que « tout le monde est pareil ». Comme lui, tout le monde profite « du beau temps, de la plage et des filles ». Aussi longtemps qu’il reste « sur les hauteurs d’Alger », là où on trouve de belles villas protégées par de hauts murs, des Porsche et des BMW, de la verdure et de la propreté, il se sent « coupé des crises » du pays. Dès qu’il en sort, la misère lui « explose à la figure ». Alger et Oran sont pour lui les villes qui symbolisent le mieux « la juxtaposition des deux mondes » qui font l’Algérie : « la tchi-tchi et les pauvres (les zawalis) ». Entre les deux ? « Il n’y a rien », répond-il.
    Aux antipodes l’une de l’autre, ces deux Algérie se connaissent pourtant, et se côtoient. La classe moyenne algérienne, à travers les crises successives, s’est réduite comme une peau de chagrin, alors qu’elle prospérait dans les pays voisins. Subsistent une poignée de riches - de plus en plus riches - et une masse de pauvres. Les barrières entre les premiers et les seconds sont mouvantes et les critères de réussite aléatoires. Ce qui était valable hier ne l’est plus aujourd’hui. Les pauvres ou « presque pauvres » étaient riches, il y a peu, ou considérés comme tels. Et les « nouveaux riches » proviennent souvent d’un quart-monde dans lequel chacun redoute d’être aspiré tant il a englouti de gens, ces dernières années. De cette société bigarrée est née une autre jeunesse. Encore marquée par les séquelles du passé et les malaises du présent, elle a peu d’assurance mais une immense soif de vivre. Cette nouvelle jeunesse ne sait pas qui elle est, ni où elle va. Anxieuse, elle a fabriqué ses propres repères, l’argent et l’émigration en sont des éléments majeurs. Elle a aussi ses propres inquiétudes et ses propres angoisses. Elle se flagelle souvent, et ne se retrouve plus dans les multiples contradictions qui agitent l’Algérie.
    Dernière modification par algerienne7667, 22 décembre 2007, 01h59.
    لا إله إلا الله محمد رسول لله

  • #2
    suite

    Les Zawalis
    « Le soir, quand je quitte mon cabinet après avoir vu tant de drames et de misère, je me demande comment je peux encore vivre normalement : rentrer chez moi, me préparer à dîner, me coucher... Je me suis endurci, je suppose qu’il le fallait ! » Médecin aux Eucalyptus, l’une des pauvres communes de la banlieue est d’Alger, Jamel, 34 ans, parle d’une voix fatiguée. Là, dans cette zone « rurbaine », tout sent la violence : l’absence de trottoirs, les chaussées défoncées, les carcasses de voitures rouillées, les ordures qui brûlent sur le bord de la route... On est au Moyen Age autant qu’au XXIe siècle. Les moutons déambulent au milieu des voitures et les automobilistes roulent à contresens pour gagner du temps.
    On n’en finirait pas de décrire cette zone de misère qu’est la commune des Eucalyptus, une parmi tant d’autres. Quelques fillettes jouant à l’élastique au pied de barres d’immeubles sans grâce apportent une rare note de gaieté. Où que l’on porte le regard, le spectacle est le même : aux fenêtres, des antennes paraboliques et des paquets de linge en train de sécher. Au pied des immeubles, des jeunes Zawalis (chômeurs) et des adolescents, en survêtements et en baskets usés, tuent le temps en regardant passer des femmes en hidjab.
    En ce milieu d’après-midi, un camion zigzague sur la route principale entre flaques d’eau boueuses et nids-de-poule. Une pierre jaillit, sans raison. Le pare-brise vole en éclats, obligeant le chauffeur à stopper net, fou de rage et d’effroi. Inutile d’appeler la police. « Elle ne vient pas ici. Elle a peur », disent les habitants.
    Chaque jour, Jamel, un jeune médecin, fait le trajet de son domicile, situé à Garidi, aux Eucalyptus. « Une dizaine de kilomètres pour passer d’un univers à un autre... On a du mal à imaginer qu’on est si près d’Alger », soupire-t-il. Le hasard a conduit ce jeune médecin généraliste à mener cette vie schizophrénique. Il y a deux ans, alors qu’il cherchait à quitter le secteur hospitalier, un cabinet privé s’est libéré aux Eucalyptus. Il a décidé de tenter l’expérience. « Les patients me parlent, surtout les femmes. Elles n’ont personne à qui se confier. La source numéro un de leurs problèmes à toutes, c’est le mari... », raconte-t-il. Partout, du nord au sud et d’est en ouest, les professionnels de la santé font le même constat : la violence contre les femmes est en augmentation dramatique. « Cette violence conjugale est le reflet de la crise social qui frappe notre pays, commente Jamel. Sans travail, sans avenir, incapables d’assumer leurs responsabilités, les hommes ne se contrôlent plus. L’alcool joue aussi un rôle croissant. »
    Dans son cabinet, ce médecin diagnostique à longueur de journée des dépressions nerveuses et note un phénomène en nette recrudescence : le recours au taleb ainsi qu’à la sorcellerie, par manque d’argent, mais pas seulement. Tout se conjugue pour favoriser la montée de l’irrationnel : la misère, l’absence de perspectives et la succession de fléaux survenus ces trois dernières années, vécus comme autant de rappels à l’ordre divin : les inondations de Bab El-Oued, le tremblement de terre de Boumerdès ...etc.
    Les Eucalyptus abritent aussi, contre toute attente, de grosses fortunes. Ici plus qu’ailleurs, il faut se méfier des apparences. Comme dit Jamel, « la notion de qualité de vie n’existe pas dans le secteur ». « On peut gagner des millions et avoir des enfants habillés comme des clochards, on peut habiter un taudis et rouler en Mercedes..., poursuit-il. Pour penser à son environnement ou à sa santé, il faut s’aimer un minimum. Les gens, ici, n’ont pas de considération pour eux-mêmes. Ils ne s’aiment pas. »
    Pendant les années de terrorisme, de nombreuses unités de production se sont ouvertes aux Eucalyptus, à l’abri des regards. Aujourd’hui encore, elles prospèrent en toute quiétude. Comment imaginer, de l’extérieur, que ce garage clos est en fait un atelier de petite mécanique ? Qu’ici on fabrique des pinces à linge ? Que là on conditionne du chocolat ou du café ? Tout cela au noir, bien entendu. Car l’informel est roi aux Eucalyptus, comme partout dans le pays. Le salaire des employés s’en ressent, celui des patrons aussi. Les premiers sont maintenus dans une situation à la limite de l’esclavage, sans la moindre protection sociale, tandis que les seconds, libérés de toute charge, amassent d’énormes bénéfices.
    Comment se faire de l’argent ?
    Siham et Lila, 24 et 22 ans, ont été embauchées dans un atelier d’emballage de chocolat, il y a un mois et demi. Elles travaillent tous les jours, sauf le vendredi, de 8 heures à 16 h 30, sans pause pour déjeuner, et doivent se cacher pour avaler un sandwich. Siham n’a toujours pas été payée. Quant à Lila, elle vient de l’être, après avoir dû beaucoup insister. Pour un mois et demi de travail, on lui a versé 5 000 dinars, soit deux fois moins que le salaire minimal. Réclamer son dû ? Pas question. « On me mettrait à la porte », dit-elle, lucide. Quitter cet emploi ? Non plus. Elle n’en trouverait pas d’autre et elle a besoin de ces quelques dinars pour aider ses parents. Et puis ce travail, c’est un peu d’évasion. Sans emploi, elle passerait ses journées à la maison, un semi-taudis dans lequel vivent, entassés, une dizaine de membres de sa famille.
    Assistante d’un dentiste, Nawel, 23 ans, a la chance rarissime d’avoir un emploi permanent et déclaré. Les traits fins et les cheveux châtain clair, elle ne porte pas le hidjab, une exception aux Eucalyptus, mais ne parle qu’arabe. En 1996, ses parents l’ont retirée de l’école à cause du terrorisme et de la violence, omniprésente dans cette commune. Il y a quelques mois, Nawel a épousé le cousin de l’un de ses beaux-frères. Il l’a aperçue un jour devant chez elle et l’a demandée en mariage, sans même lui avoir adressé la parole. Le père a un peu hésité parce qu’il trouvait sa fille encore jeune, puis il a dit oui. Nawel aussi a hésité. Finalement, elle a accepté. Aujourd’hui, est-ce qu’elle est heureuse ? « Mon mari est gentil avec moi », se contente-t-elle de répondre. Elle a envie de s’arrêter de travailler, sa vie est fatigante, dit-elle. Il n’en est pas question pour le moment : son mari est au chômage, comme tant d’autres.
    Comment « se faire » de l’argent ? La question taraude tous les jeunes. La success story de Rafik Khalifa, devenu milliardaire en quelques années, à la tête d’un véritable empire à 35 ans (une banque, une compagnie aérienne et une chaîne de télévision), est gravée dans les mémoires, même si elle s’est mal terminée. « Khalifa a créé l’envie et l’admiration. Malgré sa faillite, il est l’exemple ultime. Tous les jeunes rêvent de « frapper leur coup », comme on dit en arabe. Plus tu as de relations, plus tu as de chances d’y arriver », explique Karim, un universitaire.
    Pour lui, la mentalité, aujourd’hui, c’est que « tout s’achète et tout se vend ». Il suffit d’être malin et de savoir tirer parti de sa position, que l’on soit fonctionnaire, homme politique, douanier ou journaliste. « L’Algérie, c’est le pays des tentations, souligne Karim. Et pour résister, il faut avoir la tête solide ! » Preuve de la pénétration de « l’idéologie mercantile », dit-il : le langage de tous les jours a intégré des mots ou des expressions qui avaient, encore récemment, une forte connotation péjorative. Quand quelqu’un part travailler, par exemple, il va "gagner sa tchipa ". Or tchipa signifie, on le sait bien, « pot-de-vin » ou « dessous-de-table ».
    Les parents et les vieux s’inquiètent de la dévalorisation du travail salarié. « Les jeunes se rendent compte chaque jour que la combine rapporte plus que l’effort. Ils n’ont pas de modèle de réussite par le travail, c’est leur problème numéro un », résume Abdelchérif, enseignement à la retraite. A l’école ou au lycée, les enseignants font la même constat. Réussir est mal vu, surtout pour les garçons. Les premiers de la classe se font traiter de « bouffons » ou de « femmelettes ».
    Si dans les années 1970, il existait un espoir de promotion sociale par les études et le diplôme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Les mentalités ont changé quand le chômage s’est mis à toucher tout le monde, au début des années 1990, et que des milliers d’ingénieurs se sont retrouvés sans travail, tandis que des médecins et des enseignants entraient dans la catégorie des nouveaux pauvres, explique Hakim, étudiant à Bouzaréah. Les jeunes, et souvent même leurs familles, se sont posés la question : pourquoi aller à l’école ? A quoi bon former de futurs Zawalis ? »
    Se battre pour une vie meilleure !
    Plus les années noires s’éloignent, plus le désespoir de nos jeunes augmente. Le paradoxe est alarmant mais malheureusement très apparent. Longtemps, ces jeunes se sont contentés de survivre, au jour le jour. Aujourd’hui, ils exigent de vivre. « Tout, et tout de suite ! », crient les jeunes qui ne connaissent plus que le langage de l’émeute, puisque tous les espaces d’expression sont verrouillés. « Tout », ce n’est pas seulement un logement et un emploi - les deux fléaux de la vie quotidienne -, mais aussi des institutions publiques crédibles, en particulier une justice digne de ce nom. De cela, les responsables ne semblent avoir pris aucune mesure, au cours de ces dernières années. Et, pourtant, qu’est-ce qui pousse les jeunes à sortir dans les rues, aux quatre coins du pays, et à se comporter comme des vandales, sinon la hogra, ce sentiment d’injustice et d’humiliation qu’ils dénoncent tous comme leur souffrance première ?
    Enfin, faut-il rappeler que ces jeunes ne cesseront jamais de se battre contre une réalité qui les indigne et les révolte ? Se battre pour une vie meilleure, telle est la nouvelle devise de notre jeunesse si assoiffée de vie...
    par Semmar Abderrahmane
    لا إله إلا الله محمد رسول لله

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