par M. Saâdoune
Le Pentagone a signifié au Congrès américain qu'il allait vendre 24 avions de chasse F-16 au Maroc pour une somme pouvant aller jusqu'à 2,4 milliards de dollars. L'agence de coopération en matière de défense et de sécurité (Defence Security Cooperation Agency, DSCA), qui dépend du Pentagone, a notifié mardi 18 décembre, au Congrès américain, une «possible vente de matériels militaires à l'export» (les fameux FMS ou Foreign Military Sales) au Maroc. Elle porte sur la vente d'avions de combat F-16 C/D block 50/52 accompagnée des équipements (électronique, radars à l'exception des armements) et des services (supports notamment). Le modèle Block 50/52 est l'une des versions les plus modernes du F-16 dont seuls les Emirats arabes unis possèdent un modèle plus sophistiqué, le Block 60. La nouvelle, dont la confirmation était attendue depuis des mois, confirme la «préférence» américaine pour le Maroc dans la région du Maghreb. Cela n'a rien de nouveau, même si l'agence américaine de coopération en matière de défense et de sécurité (Defence Security Cooperation Agency, DSCA), le met au goût du jour en habillant la transaction du sceau de la lutte contre le terrorisme. Le communiqué de la DCSA «cadre» politiquement la vente des avions F-16 en indiquant qu'elle «contribuera à la politique étrangère et aux objectifs de sécurité nationale des Etats-Unis, en améliorant les capacités du Maroc à soutenir les efforts américains dans la guerre contre le terrorisme, et en soutenant les besoins légitimes du Maroc en matière d'auto-défense». On peut, sans être spécialiste, douter de l'usage des F-16 en matière de lutte antiterroriste. Par contre, cet achat d'avions est lié à un contexte régional, toujours marqué par la persistance du conflit du Sahara Occidental.
Il n'y a pas de lien de causalité direct avec l'annonce du Polisario qu'il pourrait éventuellement reprendre les armes en cas d'absence de perspectives de solution juste. Le Maroc officiel, considérant le Polisario comme une «créature» algérienne, on a une idée plus précise de l'usage de ces avions et des besoins «d'auto-défense» évoqués par l'agence du Pentagone.
CONCURRENCE
Il est peu probable de voir les responsables algériens faire des commentaires sur cette transaction, mais ils peuvent y voir la confirmation que l'Algérie n'est pas «l'ami parfait» des Américains. Les Américains considèrent bien publiquement que l'Algérie est un «partenaire important» dans la lutte contre le terrorisme mais, à l'évidence, elle ne l'est pas autant que le Maroc. L'Algérie se fournissant auprès de la Russie, certains pourraient y voir la persistance d'une sorte de guerre froide et de positionnement de «basse intensité» entre la Russie et les Etats-Unis dans la région du Maghreb.
Des informations, non confirmées de source officielle, ont fait état, récemment, d'un mécontentement d'Alger au sujet de la qualité des dernières livraisons russes; certains l'associant même à l'annonce de la fin du «mémorandum d'entente» entre Gazprom et Sonatrach faite le P-DG de l'entreprise nationale des hydrocarbures. Les bruits sur un mécontentement algérien pourraient être un message à destination de la Russie mettant sur la balance, la possibilité d'une remise en cause des contrats conclus. Car, en la matière, la «concurrence» joue fortement et l'aspect financier pèse autant, sinon davantage, que les enjeux géopolitiques.
L'annonce de la vente des F-16 au Maroc est, en tout cas, un échec définitif du français Dassault à placer ses Rafale dans ce pays très ami, malgré la pression des officiels français.
Le groupe Dassault qui n'a pas réussi à placer de Rafale à l'exportation est le grand perdant économique de la transaction annoncée entre les Etats-Unis et le Maroc. Il ne lui reste que la Libye dans un «marché» maghrébin où les choix en matière d'équipements sont faits pour les prochaines années.
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