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La dette du tiers monde plus menaçante que jamais

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  • La dette du tiers monde plus menaçante que jamais

    A en croire les annonces officielles, la dette du tiers-monde ne pose plus problème. Des pays émergents comme le Brésil et l'Argentine se paient le luxe de rembourser le FMI de manière anticipée. Les pays les plus pauvres voient une partie de leur dette annulée, et on nous dit que, pour eux, tout repart d'un bon pied désormais.

    Pourtant, non seulement le problème de la dette demeure entier, mais il est plus menaçant que jamais. Même si des réductions de dette extérieure ont été annoncées, le total de la dette extérieure des pays dits "en développement" a atteint en 2006 un nouveau record : 2.850 milliards de dollars selon la Banque mondiale. Il faut y ajouter, surtout pour les pays émergents, que la dette intérieure a littéralement explosé : elle est désormais trois fois plus élevée que la dette extérieure.

    En 2006, les remboursements liés à la dette extérieure publique des pays en développement ont approché 240 milliards de dollars, si bien que le montant total des remboursements liés à la dette publique (extérieure et intérieure) est de l'ordre de 1.000 milliards de dollars. Une saignée dramatique conduisant à une sévère détérioration des conditions de vie des populations pauvres.

    En ce qui concerne les pays les plus pauvres, la donne est différente car les financements intérieurs disponibles sont très insuffisants. Deux d'entre eux ont récemment fait l'actualité : le Liberia et le Sénégal. Après des années de guerre civile, le Liberia - dont la présidente actuelle Ellen Johnson-Sirleaf est une ancienne dirigeante de la Banque mondiale - a accumulé des arriérés de paiement envers les institutions multilatérales qui l'empêchent de profiter d'une réduction de dette. En novembre, les pays membres du FMI se sont mis d'accord pour solder les arriérés de paiement en apportant 842 millions de dollars. Mais c'est pour que la dette puisse repartir de plus belle. La réduction de la dette libérienne dissimule donc à la fois l'imposition de réformes néolibérales et l'arrivée de nouveaux prêts ainsi relégitimés.

    Alors que les rues de Dakar ont été le théâtre d'émeutes liées à une forte augmentation des prix des biens de base, le Sénégal a lui aussi profité d'une réduction de sa dette. Accompagnée de conditionnalités drastiques, cette diminution de la dette coïncide là aussi avec une reprise des prêts. Selon l'Agence française de développement (AFD), "les récents allégements de dette dont a bénéficié le Sénégal de la part de la communauté internationale le place désormais dans un contexte de solvabilité retrouvée (...) Ainsi, l'AFD envisage une reprise des prêts souverains concessionnels au Sénégal" (*).

    En réalité, la réduction de la dette pour les pays pauvres et très endettés a porté sur les créances en surplus, celles qu'ils ne parvenaient pas à rembourser. Une dette trop importante pouvait conduire à une décision de cessation de paiement que les créanciers craignaient par-dessus tout. L'effacement du surplus a été décidé en échange de réformes économiques drastiques imposées par le FMI et la Banque mondiale.

    Et au Nord ? La dette publique des Etats-Unis vient de franchir la barre ahurissante des 9.000 milliards de dollars. La Chine et d'autres pays du Sud achètent des bons du Trésor des Etats-Unis pour freiner la chute du dollar et soutenir l'économie américaine qui leur assure nombre de débouchés commerciaux. L'été dernier, la crise des "subprimes" a fait des ravages parmi les populations pauvres : 2 millions de foyers ne sont plus en mesure de rembourser leurs créances, et leur bien immobilier a été saisi par les organismes prêteurs.

    Les Etats-Uniens concernés viennent rappeler que ceux qui subissent l'implacable mécanique de la dette ne sont pas tous dans le tiers-monde. On nous assure que les Bourses mondiales ont bien digéré le choc, mais les dégâts seront plus importants qu'il n'y paraît aujourd'hui. Devant les risques d'une crise majeure de la dette à venir, il est urgent d'abolir ce mécanisme implacable de domination.

    (*) communiqué de presse, 24 octobre 2007

    Par Damien Millet, porte-parole du Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde France. Auteur de " L'Afrique sans dette" (CADTM-Syllepse, 2005), et Eric Toussaint, président du CADTM Belgique, auteur de " Banque mondiale, le coup d'Etat permanent" (CADTM-Syllepse, 2006)- La Tribune.
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