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Théorie de l'évolution chez les penseurs musulmans

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  • Théorie de l'évolution chez les penseurs musulmans

    Darwin ne fut certainement pas le premier et le seul à avoir "pensé" a l'évolution, hiérarchie, lien.. entre les êtres vivants, on retrouvera dans le monde musulman plusieurs thèses apparentées à cette théorie, Ibn khaldoun fut néanmoins le plus proche en terme descriptif
    article
    Quelques grands noms émergent de cette pensée naturaliste : notamment le prosateur et littérateur Al-Jâhiz (776-868) et son Livre des Animaux [Kitâb Al-Hayawân], des philosophes tels Miskawayh (933-1030) et les Frères de la Pureté [Ikhwân al-Safâ’] (Xe siècle) dont la pensée est traversée de réflexions relatives à la nature et au monde vivant, et quelques autres voyageurs vulgarisateurs tels Al-Qazwini (1203-1283) ou Damiri (1341-1405), etc.
    Ibn Khaldun (1332-1406), est un de ces acteurs de la pensée arabo-islamique, qui aura marqué de son empreinte le XIVe siècle musulman. Il se distinguera par sa pensée politique, sociale, anthropologique à travers son œuvre majeure La Muqaddima. Cela dit, il s’est intéressé aussi, sensiblement au demeurant, dans une logique inspirée de ses prédécesseurs, au monde vivant et à sa classification dans un bref et discret passage de sa monumentale œuvre sociologique et historique.
    4. Analyse des passages d’Ibn Khaldun et interprétations
    Nous pouvons retenir de ce passage trois grandes idées directrices correspondant à trois mots-clefs de la pensée « naturaliste » khaldunienne qui sont les suivantes :
    -Un monde ordonné, hiérarchisé
    -Une continuité des mondes (ou des genres)
    -Une transformation éventuelle d’êtres en autres
    « ordre », « continuité » et « transformation », sont les trois termes clefs, récurrents tout au long de l’exposé. En effet, dès le début du passage, Ibn Khaldun révèle en une phrase l’essentiel de sa pensée qui sera étayée par la suite : dans ce monde, il y a « ordre », « continuité entre les mondes créés », et « transformation de certains êtres en d’autres.»
    Un monde ordonné, hiérarchisé
    Toutes les composantes de ce monde, qu’elles soient essences, éléments ou êtres vivants, sont, d’après Ibn Khaldun, ordonnées, rangées, disposées selon un ordre naturel.
    En effet, le terme « mawjûdât » renvoie à tout ce qui « est », existe ou préexiste : aussi bien cieux, terre, mers, montagnes, que minéraux et êtres vivants Certains pourraient facilement imaginer qu’il s’agisse d’un ordre préétabli, émanant d’une volonté divine. Cependant il n’insiste pas beaucoup sur l’intervention divine. Bien qu’on puisse supposer, avec le mot « créatures » [makhlûqât] utilisé au début du passage, qui, étymologiquement en arabe souligne l’acte de création, qu’il y ait dessein divin dans l’ordre naturel, on remarque toutefois par la suite, que le terme créatures s’efface au profit des termes comme « êtres existants »(êtres au sens philosophique) [mawjûdât], « composantes » [mukawwanât] du monde et que ce monde n’est pas le « monde de la Création » comme il a été souvent traduit, mais bien celui de la « génération » [takwin], terme soulignant la formation par génération.
    Ibn Khaldun nous présente donc un monde organisé, ordonné, hiérarchisé du plus bas vers le plus haut, où les composantes de ce monde, qu’elles soient éléments naturels tels l’eau, le feu, la terre, et l’air ou les êtres vivants, sont toutes disposées, rangées selon un même ordre précis. Nous retrouvons ici la « chaîne des êtres » préconisée par Aristote, adoptée par Miskawayh et Ikhwan al-Safâ’ et très répandue chez beaucoup de naturalistes occidentaux fixistes, et qui a continué d’exister plus tard notamment chez des penseurs comme Buffon (1707-1788) et ses partisans. De même, la gradation, corollaire d’une organisation hiérarchisée, traduisant une schématique du « simple vers le complexe » est le schéma classique rencontré chez tous les penseurs naturalistes de l’Antiquité et se retrouve jusque chez Lamarck (1744-1829).
    Une continuité des mondes
    La conséquence directe de la disposition en chaîne, est que les composantes de cette chaîne sont reliées les unes aux autres comme une sorte de collier, avec, au fur et à mesure, un attribut nouveau qui leur donne une place plus haute dans l’échelle des êtres. Les minéraux sont reliés aux végétaux, eux-mêmes reliés aux animaux, eux-mêmes reliés à l’Homme qui possède toutes les caractéristiques de ces prédécesseurs dans la chaîne avec en plus, la pensée et la réflexion.
    Par conséquent, on peut percevoir dans cette continuité des règnes, une unicité du monde vivant et une parenté entre les êtres vivants.
    La transformation
    Tous ces règnes sont liés entre eux, et le dernier représentant de chaque règne est prêt à devenir le premier du règne suivant ; lorsqu’Ibn Khaldun parle d’une prédisposition [isti‘dâd] pour un être placé à un certain niveau de l’échelle de devenir un être du niveau suivant, signifie-t-il qu’il y ait transformation ? La réponse peut être ambiguë mais elle est suggérée par le texte. Si nous considérons que lorsqu’il dit « le dernier niveau de chaque groupe est parfaitement préparé à devenir [li’an yassira] le premier du suivant », il implique la transformation, alors nous pouvons l’affirmer. En outre, cette possibilité de transformation est confirmée à deux reprises : au début du premier passage, Ibn Khaldun parle de la transformation des éléments en d’autres éléments (qui les suivent ou qui les précèdent) et aussi de la transformation [istihâla] d’êtres en d’autre ; et dans le deuxième passage, il utilise le terme « tanqalibu » qui signifie littéralement « transformer » lorsqu’il parle du lien étroit entre les limites supérieures et inférieures des différents règnes, et il prend notamment l’exemple de la vigne et du palmier –représentants du dernier « horizon » des végétaux- susceptibles de se transformer en mollusques –représentants selon lui, du premier horizon des animaux ; et celui des singes susceptibles de la même manière de se transformer en êtres humains, eux-mêmes à la limite du monde des anges. C’est à dire que pour lui, un être situé dans la limite supérieure ou inférieure d’un règne quelconque peut se transformer en celui qui le suit ou celui qui le précède. Cette affirmation nous semble quelque peu étrange car elle est exprimée en bloc, sans explication scientifique, sans exemples précis.
    Il n’y a pas de volonté de contredire la création divine, si la transformation existe, elle pourrait très bien être –et l’est sûrement - l’œuvre du Créateur.
    Le fait de voir l’Homme comme étant placé au sommet de la chaîne des êtres et comme étant de surcroît supérieur aux autres entités vivantes ne fait que confirmer la présence divine derrière l’organisation et l’Unité de ce monde de créationnisme : « Dieu a créé l’homme et lui a donné la supériorité sur beaucoup de ses créatures »
    « Sache que Dieu a distingué l’homme de tous les autres animaux par la pensée : il en a fait le commencement de sa perfection et l’aboutissement de sa supériorité et de sa prééminence sur toutes les choses engendrées »
    Il est intéressant de constater qu’Ibn Khaldun place tout de même l’Homme dans le règne animal. En effet, l’Homme est selon lui, l’aboutissement du règne animal : à travers le processus graduel de la « génération », le monde animal aboutit à celui de L’Homme. De plus, celui-ci a pour proches « voisins », des êtres semblables que sont les singes. L’Homme n’a de plus qu’eux que la pensée et la réflexion. Ernst Mayr avait tort de dire que « ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle qu’un petit nombre audacieux ont attiré l’attention sur les similitudes entre l’Homme et les grands singes. ». Il semble tout de même évident que cette similitude ait déjà été constatée dès l’Antiquité et chez les penseurs du Moyen-Age ; elle n’a pas fait l’objet d’études approfondies ayant donner naissance à une théorie et elle n’a pas reçu un accueil favorable de la part des milieux religieux de tous bords . C’est son acceptation en tant que réalité scientifique qui date du XVIIIe siècle. Dans notre cas ici, elle est quasiment passée inaperçue. La postérité n’a pas retenu d’Ibn Khaldun sa remarque sur la parenté « hommes-singes », parenté déjà évoquée au demeurant par nombre de ses prédécesseurs qu’ils soient grecs, occidentaux ou musulmans. Cette phrase, qu’on pourrait qualifier de surprenante pour l’époque et pour le contexte religieux fort, est restée controversée et même occultée dans les pays arabo-musulmans jusqu’au XIX-XXe siècle où dans certaines éditions, orientales notamment, le terme qirada [singes] a été pudiquement substitué par qudra [destin], faillant ainsi au sens la phrase pour éviter tout débat scientifico-religieux.
    Cela dit, la parenté « Hommes-Singes » n’implique pas théorie évolutionniste darwinienne avant l’heure comme se plaisent à dire beaucoup de commentateurs ardents, ou refus de la Création. Ibn Khaldun est croyant, mais lucide et pragmatique. Il observe le monde qui l’entoure en partant de l’évidence que c’est Dieu le responsable de l’organisation, de la continuité et de la transformation de ses composantes sans pour autant réduire la réflexion à la simple volonté de Dieu, mais en essayant d’analyser de manière rationnelle une réalité. On pourrait qualifier ce mode de conception du monde en termes modernes de « créationnisme évolutionniste », mode de conception « qui n’aurait pas été désavoué par Teilhard de Chardin (1881-1955)»
    article et analyse en entier ici : http://www.exhauss-ibnkhaldoun.com.t...Maysa_saad.htm]
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