LE MONDE | 14.01.08 | 16h33 • Mis à jour le 14.01.08 | 16h33
Personne n'a vécu la grandeur et la décadence économique de l'Empire britannique face aux Etats-Unis plus intensément que Winston Churchill, mort en 1965 à l'âge de 90 ans.
Erigée à Parliament square, la statue de bronze du "Vieux Lion" va pouvoir retrouver son allure fière et dominatrice : pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle, l'ancienne puissance impériale détrônerait son ex-colonie au hit-parade économique.
A lire une étude du consultant Oxford Economics, le produit intérieur brut (PIB) par tête du Royaume-Uni a dépassé celui constaté outre-Atlantique : 23 500 livres sterling par an, comparé à 23 250 livres (31 127 euros, contre 30 796 euros). L'écart est certes faible, mais suffisant pour autoriser le Sunday Times à clamer victoire sur la superpuissance : "Nous vivons mieux que les Américains."
"Héritage des profondes réformes des années 1980-1990, le Royaume-Uni est le champion des grands pays industrialisés", assure l'auteur du rapport et directeur d'Oxford Economics, Adrian Cooper.
A l'actif d'Albion : une monnaie stable, une inflation maîtrisée et un marché du travail libéralisé. La nouvelle prééminence de la City sur Wall Street atteste de cette formidable réussite. A titre de comparaison, la France et l'Allemagne sont respectivement à 21 700 et 21 665 livres sterling.
Ce constat est toutefois loin de faire l'unanimité. "Depuis le milieu des années 1990, la croissance britannique a été artificiellement gonflée par une politique fiscale laxiste, l'essor de l'immobilier et la pompe du crédit à la consommation", réplique Michael Saunders, économiste en chef de la banque Citigroup. En 2008, celui que l'on surnomme la "pythie de la place boursière londonienne" prévoit un taux de croissance pour le Royaume-Uni de 1,7 %, contre 2 % pour les Etats-Unis.
Un pessimisme partagé par la majorité des économistes récemment interrogés par le Financial Times, qui prédisent la pire année économique depuis l'éclatement de la bulle Internet en 2001.
Par ailleurs, en raison d'un coût de la vie moindre, les Américains disposent d'un pouvoir d'achat largement supérieur aux sujets de Sa Majesté. La productivité de la main-d'oeuvre britannique est également plus faible.
Ecouté tout aussi religieusement par les investisseurs, Martin Weale, du National Institute of Economics and Social Research, appelle à la prudence dans l'interprétation des données brutes. "Le taux de change fausse les comparaisons nationales, dit-il. Les différences de pouvoir d'achat restent difficiles à évaluer. Si le dollar devait continuer à monter face à la livre, comme c'est le cas depuis deux mois, le Royaume-Uni risque de retrouver derrière les Etats-Unis au printemps."
M. Weale a calculé qu'en terme de taille du PIB, en ce début 2008, la France est désormais repassée devant le Royaume-Uni ! La faiblesse de la livre sterling par rapport à l'euro, plutôt que l'activité dans l'Hexagone, est à l'origine de ce recul d'Albion à la sixième place derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la Chine et la France. Churchill qui rit, Churchill qui pleure.
Marc Roche (Londres, correspondant)
Personne n'a vécu la grandeur et la décadence économique de l'Empire britannique face aux Etats-Unis plus intensément que Winston Churchill, mort en 1965 à l'âge de 90 ans.
Erigée à Parliament square, la statue de bronze du "Vieux Lion" va pouvoir retrouver son allure fière et dominatrice : pour la première fois depuis la fin du XIXe siècle, l'ancienne puissance impériale détrônerait son ex-colonie au hit-parade économique.
A lire une étude du consultant Oxford Economics, le produit intérieur brut (PIB) par tête du Royaume-Uni a dépassé celui constaté outre-Atlantique : 23 500 livres sterling par an, comparé à 23 250 livres (31 127 euros, contre 30 796 euros). L'écart est certes faible, mais suffisant pour autoriser le Sunday Times à clamer victoire sur la superpuissance : "Nous vivons mieux que les Américains."
"Héritage des profondes réformes des années 1980-1990, le Royaume-Uni est le champion des grands pays industrialisés", assure l'auteur du rapport et directeur d'Oxford Economics, Adrian Cooper.
A l'actif d'Albion : une monnaie stable, une inflation maîtrisée et un marché du travail libéralisé. La nouvelle prééminence de la City sur Wall Street atteste de cette formidable réussite. A titre de comparaison, la France et l'Allemagne sont respectivement à 21 700 et 21 665 livres sterling.
Ce constat est toutefois loin de faire l'unanimité. "Depuis le milieu des années 1990, la croissance britannique a été artificiellement gonflée par une politique fiscale laxiste, l'essor de l'immobilier et la pompe du crédit à la consommation", réplique Michael Saunders, économiste en chef de la banque Citigroup. En 2008, celui que l'on surnomme la "pythie de la place boursière londonienne" prévoit un taux de croissance pour le Royaume-Uni de 1,7 %, contre 2 % pour les Etats-Unis.
Un pessimisme partagé par la majorité des économistes récemment interrogés par le Financial Times, qui prédisent la pire année économique depuis l'éclatement de la bulle Internet en 2001.
Par ailleurs, en raison d'un coût de la vie moindre, les Américains disposent d'un pouvoir d'achat largement supérieur aux sujets de Sa Majesté. La productivité de la main-d'oeuvre britannique est également plus faible.
Ecouté tout aussi religieusement par les investisseurs, Martin Weale, du National Institute of Economics and Social Research, appelle à la prudence dans l'interprétation des données brutes. "Le taux de change fausse les comparaisons nationales, dit-il. Les différences de pouvoir d'achat restent difficiles à évaluer. Si le dollar devait continuer à monter face à la livre, comme c'est le cas depuis deux mois, le Royaume-Uni risque de retrouver derrière les Etats-Unis au printemps."
M. Weale a calculé qu'en terme de taille du PIB, en ce début 2008, la France est désormais repassée devant le Royaume-Uni ! La faiblesse de la livre sterling par rapport à l'euro, plutôt que l'activité dans l'Hexagone, est à l'origine de ce recul d'Albion à la sixième place derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne, la Chine et la France. Churchill qui rit, Churchill qui pleure.
Marc Roche (Londres, correspondant)
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