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Hommage à Zohra, l’immortelle diva

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  • Hommage à Zohra, l’immortelle diva

    Pour la défunte Zohra, le cœur et les mots s’entremêlent, décortiquant une vie triste et incongrue. Ses chansons sont un ensemble d’images d’une vie au féminin reléguée aux tentacules du patriarcat moribond.

    La chanteuse kabyle, Zohra, était d’une beauté éblouissante.

    Le triste sort de la vie l’enlaidissait avec son lot d’amertume, mais jamais il ne perçait le cœur battant de cette femme déterminée. Elle aimait la vie et elle chantait sa dureté. Elle la chantait avec une voix limpide, sincère et résolue. Son dévouement à la chanson et la poésie kabyle à fait d’elle une diva immortelle. Native de décembre 1962 à Larbaâ Nath Irathen, Zohra présentait déjà des penchants vers l’art.

    Son oreille attentive aux chants du terroir, sa claustration, comme toutes les filles de Kabylie, lui donnait de la force et de la volonté. Elle passait ses journées à écouter la chaîne kabyle de la Radio nationale. Dès lors, un trésor surgit des tréfonds des monts des At Yiraten pour juguler un ordre imposé depuis des lustres.

    L’entrée fracassante de Zohra dans le monde de l’art bousculait les habitudes et chatouillait les plus réfractaires. A l’instar des ses aînées, comme Hnifa, Djamila, Nouara…Zohra s’imposait sur une scène réservée jadis pour les hommes. Les différents témoignages sur Zohra disaient tout de go qu’elle aimait la vie, le rire et la modestie. Elle n’a pas connue d’école de musique, elle s’est formée toute seule. En soliloque à Aguemoune, où elle naquit, la brise des vents du Djurdjura lui procuraient aisance et souplesse du don. Ces dernières révélaient en elle une source intarissable de chants merveilleux, des chants qui ont marqué et qui marquent toujours les mélomanes kabyles.

    En 1980, alors que la Kabylie s’enflammait pour sa langue et culture, la jeune Zohra se mariait pour ses premières noces. Elle eut une fillette. Cependant, elle a dû quitter son premier mari pour un second avec lequel elle eut une autre fille. Ces fracas de la vie conjugale n’auront pas raison d’elle. En 1982, elle sort son premier album. Le franc succès de son album-test l’amène en France en 1986. Durant son séjour à Paris, elle animait des fêtes et des galas. C’est depuis ces années mouvementées que la jeune Zohra signait son baptême de feu. En quinze ans de carrière, elle a produit 36 chansons.

    Des chansons immortelles qui ont marqué à jamais l’histoire du chant kabyle féminin. L’empreinte mélancolique de Zohra rappelle à ses fans les faces cachées de la vie. Une vie tumultueuse, chargée d’émotions, de tristesse et de gloire. Elle mourut en janvier 1995 sur la route de Paris-Marseille alors qu’elle rentrait d’un gala en compagnie de quelques musiciens qui étaient proches d’elle. L’un d’eux, le soliste qu’on a pris l’habitude d’appeler Allaoua le blond, témoignait sur BRTV : “On ne devait pas rentrer ce soir-là. La météo n’était pas du tout clémente. Alors nous étions partagés entre passer la nuit sur place et attendre le lendemain ou prendre la route le soir-même. Nous avions beau essayer de la raisonner, elle avait insisté pour rentrer tout de suite. Et c’est ce que nous avions fait. Ce qui m’intrigue aujourd’hui encore c’est que pendant la route elle ne faisait que parler de certains artistes qui nous avaient déjà quittés, comme si elle avait eu un pressentiment. D’ailleurs la discussion m’agaçait quelque peu, mais je n’ai rien fait pour la contrarier.

    J’accordais plus d’attention à ce qui se passait dehors. Un grand brouillard enveloppait la vue ; il y avait aussi du verglas sur la chaussée. On sentaient la voiture glisser par moment… C’était au petit matin alors qu’on avait fait quand même un bon bout de chemin... Et l’accident survint. On ne s’est pas vraiment rendu compte de ce qui s’est passé, jusqu’à ce qu’on s’est retrouvé sur le bas côté de la route. Ce fut tragique ! Zohra ne répondait plus !”.

    Ayen Ayen, El Ward yefssa-n et tant d’autres chansons de Zohra resteront gravées dans notre mémoire collective.

    Ces chants qui ont forgé Zohra nous rappellent inlassablement que le combat de la femme pour la vie est aussi le nôtre. Comme nos mères qui ont perpétué notre mémoire à travers les siècles, Zohra, par sa voix puissante et éclatante, nous enseigne que les ermites savent se retirer pour enfin nous accompagner éternellement.

    Repose en paix Zohra, tes mélopées nous rendent fiers de ta bravoure, de ton dévouement.

    Les grandes âmes ne meurent pas quand on les enterre ; elles meurent quand on les oublie.

    Par la Dépêche de Kabylie
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