De la viande à… 30 DH le kilos !A Derb Milan, le marché de «Balles» cède sa place à celui des viandes de l'Aïd
La viande du mouton à 30 DH le kilos ! Oh que si. Vous l'avez bien lu! C'est de la pure viande «Ghanmi» comme on dit. Elle se vend par morceaux (gigots, côtelettes, épaules, reins…).
Et elle n'est pas périmée, au contraire elle est encore fraîche. Vous vous demandez sûrement quel est le secret de cette viande à bas prix. Vous avez peut-être hâte de savoir où cela se passe ? Et bien c'est à Casablanca. Plus précisément à Derb Milan…
Mais, attendez, ne vous précipitez pas car la réalité peut être choquante. En plus, vous n'allez rien trouver. Tout est liquidé deux jours après l'Aïd !
Reportage.
08h30 : à Derb Milan. Le lendemain de l'Aïd Al Adha. Tout est encore silencieux. Ce qui est normal pour une matinée festive. Les seuls qui sillonnent les rues sont les chats et les chiens qui se faufilent par-ci par-là attirés par l'odeur alléchante des os et graisses jetés la veille.
Aujourd'hui, la grande surface qui abrite d'habitude un immense marché de «balles», (anciens vêtements) ne dresse pas ses tentes et tablettes. Elle cède la place en l'espace de ces deux jours de l'Aïd à un autre marché moins équipé et plus attractif. En quelques minutes, ce même endroit va abriter des étalages hors du commun : il s'agit de la vente de viande donnée en aumône aux «pauvres» mendiants par des citoyens généreux !
Le principe de ce commerce est simple: il suffit de faire le tour des quartiers le jour de l'Aïd, dire qu'on a rien à donner à sa progéniture, ramasser ensuite l'aumône offerte (de la viande bien sûr), et enfin se diriger le lendemain de la fête religieuse à l'espace «réservé» à cette activité.
Là, il suffit d'étaler sa viande sur un tissu blanc, la couvrir d'une nappe en plastique et attendre le premier client pour lui présenter la marchandise.
09h00 : les premiers vendeurs arrivent. Ils étalent leurs marchandises, s'agenouillent à côté et patientent. Ici, tous le monde s'improvise boucher. Hache à la main, couteau et balançoire sont les principaux outils de travail.
Certains «vendeurs», les plus nécessiteux apparemment, n'en ont pas. Ils vendent la viande à vue d'œil, par tranches (gigots, côtelettes, etc.) et espèrent juste amasser quelques billets pour subvenir aux besoins de leurs familles. «Je n'ai pas de frigidaire pour ranger toute la viande que m'ont offert les bienfaiteurs. Si je la garde, elle va pourrir. Je préfère la vendre et acheter les aliments qu'il me faut», témoigne une vendeuse-mendiante. Elle continue : «Les gens nous donnent des tripes en aumône, parfois du foie, reins, cœurs et même de la graisse. Ces parties se détériorent facilement loin du frigo. On a intérêt à s'en débarrasser en les vendant le lendemain matin même».
Un métier occasionnel
Toutefois, si pour les uns vendre la viande de «l'Aïd» est une nécessité, pour d'autres c'est un métier occasionnel à revenu non négligeable qui dure 3 jours. Le jour de «l'Aïd», ils demandent de la viande comme charité et les deuxième et troisième jours, ils la vendent à 20 à 30 DH le kilo! Un prix qui attire pas mal d'adeptes de ce lieu.
«Je ne loupe jamais ce genre d'occasion, j'ai une grande famille et on se rassemble souvent pour faire la fête ou “Lwalima” et j'ai souvent besoin de viande. Vous imaginez la viande à ce prix là ? Aux grands souks hebdomadaires, ces tarifs n'existent pas. Le prix minimum étant 50 à 65 DH le kilo. En plus, je n'ai pas peur de cette viande, je sais qu'elle vient d'un mouton égorgé à peine la veille. Donc elle n'a pas eu le temps de moisir», témoigne un habitué du marché de Derb Milan.
Quant aux nouveaux vendeurs, moins habitués, et qui découvrent pour la première fois ce «marché», ils sont embarrassés et ont un peu honte. C'est le cas de cette dame habillée soigneusement en djellaba «Mlifa» et qui prétend avoir besoin de plus de viande pour organiser une cérémonie : «C'est la première fois que je viens ici, une voisine m'en a parlé. J'organise après demain une petite cérémonie et j'ai besoin de plus de viande. Etant donné que les bouchers du coin ont tous pris leurs congés, je n'ai vraiment pas le choix». Dans cet espace, tout peut être acheté et vendu. Pour les grands friands du Khlii (viande confite), par exemple, ils peuvent acheter la graisse «chahma» à 10 DH. «Les tripes et certains composants ont la cote ici, les clients en achète beaucoup! Ce sont les premières parties qui débarquent au marché car les gens les donnent en aumône le premier jour de l'Aïd...», explique un vendeur habitué de ce commerce.
11h00 : la matinée parait encore longue! Le soleil est au zénith. Et malgré le temps pluvieux, ses rayons arrivent à atteindre la viande étalée. Ce n'est que le premier jour de vente et l'odeur de certains morceaux exposés commence à se dégager, chose qui met en évidence le manque de propreté des lieux. Etalée aux bords du trottoir, sans glaçons ni mini-frigo, la viande commence à griser, les tripes à noircir et le foie à s'assombrir. Deux jours de plus et la viande périra sans doute davantage! Pourtant, la place bat encore son plein. Rien ne semble pouvoir désister les acheteurs. Surtout ceux qui en tirent un grand profit.
Car il sied de signaler que parmi les adeptes des lieux, on compte les bouchers qui revendent la viande clandestinement à prix double. Au marché de Derb Milan, le manque d'hygiène semble être de mise. Les nouveaux adeptes ne cessent de s'accroître et le danger d'intoxication frôle la gaieté de ces jours festifs. Ce qui est aberrant c'est qu'aucun effort n'est fait pour minimiser les dégâts!
http://www.lematin.ma/Actualite/Jour...r=116&id=77877
La viande du mouton à 30 DH le kilos ! Oh que si. Vous l'avez bien lu! C'est de la pure viande «Ghanmi» comme on dit. Elle se vend par morceaux (gigots, côtelettes, épaules, reins…).
Et elle n'est pas périmée, au contraire elle est encore fraîche. Vous vous demandez sûrement quel est le secret de cette viande à bas prix. Vous avez peut-être hâte de savoir où cela se passe ? Et bien c'est à Casablanca. Plus précisément à Derb Milan…
Mais, attendez, ne vous précipitez pas car la réalité peut être choquante. En plus, vous n'allez rien trouver. Tout est liquidé deux jours après l'Aïd !
Reportage.
08h30 : à Derb Milan. Le lendemain de l'Aïd Al Adha. Tout est encore silencieux. Ce qui est normal pour une matinée festive. Les seuls qui sillonnent les rues sont les chats et les chiens qui se faufilent par-ci par-là attirés par l'odeur alléchante des os et graisses jetés la veille.
Aujourd'hui, la grande surface qui abrite d'habitude un immense marché de «balles», (anciens vêtements) ne dresse pas ses tentes et tablettes. Elle cède la place en l'espace de ces deux jours de l'Aïd à un autre marché moins équipé et plus attractif. En quelques minutes, ce même endroit va abriter des étalages hors du commun : il s'agit de la vente de viande donnée en aumône aux «pauvres» mendiants par des citoyens généreux !
Le principe de ce commerce est simple: il suffit de faire le tour des quartiers le jour de l'Aïd, dire qu'on a rien à donner à sa progéniture, ramasser ensuite l'aumône offerte (de la viande bien sûr), et enfin se diriger le lendemain de la fête religieuse à l'espace «réservé» à cette activité.
Là, il suffit d'étaler sa viande sur un tissu blanc, la couvrir d'une nappe en plastique et attendre le premier client pour lui présenter la marchandise.
09h00 : les premiers vendeurs arrivent. Ils étalent leurs marchandises, s'agenouillent à côté et patientent. Ici, tous le monde s'improvise boucher. Hache à la main, couteau et balançoire sont les principaux outils de travail.
Certains «vendeurs», les plus nécessiteux apparemment, n'en ont pas. Ils vendent la viande à vue d'œil, par tranches (gigots, côtelettes, etc.) et espèrent juste amasser quelques billets pour subvenir aux besoins de leurs familles. «Je n'ai pas de frigidaire pour ranger toute la viande que m'ont offert les bienfaiteurs. Si je la garde, elle va pourrir. Je préfère la vendre et acheter les aliments qu'il me faut», témoigne une vendeuse-mendiante. Elle continue : «Les gens nous donnent des tripes en aumône, parfois du foie, reins, cœurs et même de la graisse. Ces parties se détériorent facilement loin du frigo. On a intérêt à s'en débarrasser en les vendant le lendemain matin même».
Un métier occasionnel
Toutefois, si pour les uns vendre la viande de «l'Aïd» est une nécessité, pour d'autres c'est un métier occasionnel à revenu non négligeable qui dure 3 jours. Le jour de «l'Aïd», ils demandent de la viande comme charité et les deuxième et troisième jours, ils la vendent à 20 à 30 DH le kilo! Un prix qui attire pas mal d'adeptes de ce lieu.
«Je ne loupe jamais ce genre d'occasion, j'ai une grande famille et on se rassemble souvent pour faire la fête ou “Lwalima” et j'ai souvent besoin de viande. Vous imaginez la viande à ce prix là ? Aux grands souks hebdomadaires, ces tarifs n'existent pas. Le prix minimum étant 50 à 65 DH le kilo. En plus, je n'ai pas peur de cette viande, je sais qu'elle vient d'un mouton égorgé à peine la veille. Donc elle n'a pas eu le temps de moisir», témoigne un habitué du marché de Derb Milan.
Quant aux nouveaux vendeurs, moins habitués, et qui découvrent pour la première fois ce «marché», ils sont embarrassés et ont un peu honte. C'est le cas de cette dame habillée soigneusement en djellaba «Mlifa» et qui prétend avoir besoin de plus de viande pour organiser une cérémonie : «C'est la première fois que je viens ici, une voisine m'en a parlé. J'organise après demain une petite cérémonie et j'ai besoin de plus de viande. Etant donné que les bouchers du coin ont tous pris leurs congés, je n'ai vraiment pas le choix». Dans cet espace, tout peut être acheté et vendu. Pour les grands friands du Khlii (viande confite), par exemple, ils peuvent acheter la graisse «chahma» à 10 DH. «Les tripes et certains composants ont la cote ici, les clients en achète beaucoup! Ce sont les premières parties qui débarquent au marché car les gens les donnent en aumône le premier jour de l'Aïd...», explique un vendeur habitué de ce commerce.
11h00 : la matinée parait encore longue! Le soleil est au zénith. Et malgré le temps pluvieux, ses rayons arrivent à atteindre la viande étalée. Ce n'est que le premier jour de vente et l'odeur de certains morceaux exposés commence à se dégager, chose qui met en évidence le manque de propreté des lieux. Etalée aux bords du trottoir, sans glaçons ni mini-frigo, la viande commence à griser, les tripes à noircir et le foie à s'assombrir. Deux jours de plus et la viande périra sans doute davantage! Pourtant, la place bat encore son plein. Rien ne semble pouvoir désister les acheteurs. Surtout ceux qui en tirent un grand profit.
Car il sied de signaler que parmi les adeptes des lieux, on compte les bouchers qui revendent la viande clandestinement à prix double. Au marché de Derb Milan, le manque d'hygiène semble être de mise. Les nouveaux adeptes ne cessent de s'accroître et le danger d'intoxication frôle la gaieté de ces jours festifs. Ce qui est aberrant c'est qu'aucun effort n'est fait pour minimiser les dégâts!
http://www.lematin.ma/Actualite/Jour...r=116&id=77877
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