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Ces personnes âgées et handicapés dont on ne veut plus en Algérie

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  • Ces personnes âgées et handicapés dont on ne veut plus en Algérie

    Pourtant, rien ne prédestine un individu à rompre ses attaches familiales au bout de plusieurs années de vie commune avec les siens. A Bouira, comme partout ailleurs en Algérie, des personnes âgées ont dû, de gré ou de force, quitter le domicile dans lequel elles ont vécu toute leur vie. Nous sommes allés rencontrer ces vieillards au foyer pour personnes âgées et handicapés (FPAH) de Bouira.

    Un havre de paix


    Au niveau du Foyer pour personnes âgées et handicapés de Bouira, plusieurs pensionnaires peuvent attester du comportement inhumain de leurs progénitures. Situé à l’orée de la forêt Errich, l’édifice est imposant, mais néanmoins accueillant avec sa toiture en tuile. Légèrement en retrait de la ville, le site entourant le foyer est champêtre et bucolique.

    Créé par décret le 19 juillet 2004, le Foyer a ouvert ses portes le 31 décembre 2005 et possède une capacité d’accueil de 120 lits. Bâti sur une surface de 436 m2, l’édifice est entouré d’un immense îlot de verdure sur 726 m2. Durant l’année 2006, le centre a enregistré 29 pensionnaires, pour ensuite en accueillir 34 en 2007, depuis le début de l’année une autre personne est venue renforcer les rangs. Pour gérer ce foyer au quotidien, le personnel semble se donner à fond et n’est pas avare en politesses. Le personnel en question est composé de 15 titulaires, 6 vacataires journaliers et 12 vacataires rémunérés à l’heure. Faibles ressources humaines lorsque l’on prend conscience du travail et surtout du temps nécessaire pour s’occuper convenablement d’une personne handicapée ou d’un vieillard souffrant de glycémie ou d’hypertension. Les soins quotidiens sont prodigués sur place, d’ailleurs une infirmière veille sur l’ensemble des pensionnaires de cet établissement pour les injections, les changements de sondes urinaires et autres petites applications médicales. Depuis peu, la DAS a recruté un médecin généraliste ainsi qu’un pédagogue ces derniers effectuent des consultations deux à trois fois par semaine. Un recrutement impératif pour prendre en charge les pensionnaires qui souffrent tous d’un petit quelque chose. Mais la première maladie dont souffrent l’ensemble des résidants de ce foyer est sans nul doute le manque d’affection familiale.

    De l’affection au réconfort


    Un manque d’affection qui est compensé au quotidien par les petits mots gentils et les signes de tendresse que témoigne le personnel envers les vieillards et les handicapés. Mme Sihassane, directrice de ce foyer, M. Laidli, éducateur spécialisé faisant office de surveillant général, M. Malaoui et l'ensemble de leurs collaborateurs et collaboratrices font montre d'une attention particulière pour éviter de heurter la sensibilité des pensionnaires qui, il faut le dire, sont assez susceptibles. Une préoccupation quotidienne pour laquelle il faut faire preuve de compréhension, de savoir-faire et d'humanité. La directrice qui nous a fait faire le tour du propriétaire en compagnie de ses collaborateurs demeure passionnée par ses pensionnaires et ces derniers le lui rendent bien. Mme Sihassane se fait interpeller "ma fille" par ses pensionnaires les plus âgés, tandis que les plus jeunes l'appellent "Mama". Scènes émouvantes auxquelles nous avons pu assister entre la première responsable de ce foyer qui se donne à fond dans ce qui est sa passion mais aussi son travail. Quatre immenses pavillons, composés de 17 chambres chacun, accueillent les pensionnaires venus d'horizon divers. Chaque résidant a son histoire particulière qui l'a mené vers son destin. Ici, des S.D.F côtoient des personnes retraitées et tout le monde est traité sur le même pied d'égalité, sans aucune discrimination. Dans chaque pavillon, un salon chichement meublé dans lequel se retrouve les pensionnaires en début de soirée. Téléviseurs couleurs, fauteuils, lustres, tables basses recouvertes de napperons, rideaux aux fenêtres, climatiseurs... bref, tout le confort douillet nécessaire pour les résidents du foyer. Toujours à l’intérieur des pavillons, des salles à manger communes utilisées par temps de pluie, lorsqu'il est impossible aux personnes âgées de se rendre au réfectoire. Dans les cuisines de ce réfectoire, les repas sont élaborés en fonction des régimes des pensionnaires. Sans sel pour certains, sans matière grasse pour d'autres, les repas sont servis matin, midi et soir par les hommes et femmes de chambres qui aident les plus dépendants à se nourrir et à leur administrer les médicaments prescrits. Là non plus ce n'est pas une mince affaire que de faire prendre des comprimés et gélules aux malades qui parfois se font forcer la main, car refusant leurs traitements médicaux sous prétexte qu'ils sont en bonne santé. Toutefois les éducateurs arrivent toujours à faire entendre raison aux patients avec pédagogie et surtout une certaine complicité établie. Parmi les résidants de ce foyer et le personnel une forte relation d’attachement et de tendresse que l'on ne peut tisser qu'à force de persévérance et d'humanisme.

    Le passé sous silence

    Lors de notre visite sur les lieux, nous avons découvert que les personnes placées dans ce foyer étaient issues de différents milieux et que chaque pensionnaire avait derrière lui une histoire particulière. La directrice nous raconta que le phénomène d’abandon n’est pas forcément lié à une conjoncture économique. Parmi les vieux résidants, certains perçoivent des pensions, et même des rentes en devises. "Les profils de nos pensionnaires sont assez complexes à assimiler. Après s’être rendu coupable d’un acte répréhensible, le regard de la société est insoutenable, pour cela, les familles n’hésitent pas à soustraire leurs parents du milieu où l’acte a été commis." Par acte répréhensible on peut comprendre qu’il s’agit le plus souvent d’une question portant atteinte à l’honneur de la famille. Le placement dans le foyer est donc une solution idoine pour mettre un terme à la "houchma". A titre d’exemple, on cite le cas d’une jeune femme, à peine sortie de l’adolescence, qui attend son premier enfant. Après avoir été victime d’une agression sexuelle, elle se retrouve placée dans ce foyer pour se soustraire, le temps de sa grossesse, aux yeux de son entourage. Enceinte de trois mois, son enfant sera lui aussi accueilli à la pouponnière pendant que le “père” purge sa peine de prison. D’autres pensionnaires malades ou grabataires sont dans ce foyer car leurs familles ne pouvaient plus les prendre en charge. Changement de couches, toilettage quotidien, soins médicaux sont autant de contraintes pour les familles de personnes âgées. Ces contraintes servent aussi d’arguments que la directrice entend lorsque des personnes viennent pour placer un parent. Mais il se trouve également des pensionnaires qui ont derrière eux un long parcours chargé de silence et de non-dits. Un passé que même la directrice du centre n’arrive pas à percer. C’est le cas d’une dame qui ne tolère pas de voir un homme s’approcher d’elle à moins de cinq mètres. Inutile d’être fin psychologue, ni devin pour savoir que la dame en question a dû en baver avec la gent masculine pour avoir ainsi la phobie des hommes. Dans le pavillon réservé aux femmes, une pièce étonnement bien aménagée sort du lot. Nous apprendrons que c’est une chambre occupée par deux non-voyantes. Un handicap qui ne les empêchent pas de s’acquitter du ménage et de l’entretien de leur chambrette. Toujours dans le pavillon des femmes, une handicapée se morfond et semble agitée, la directrice nous dira que sa mère qui l’a placée dans le foyer ne s’est pas manifestée depuis plusieurs mois, et que cette absence se répercute sur son comportement d’habitude plus calme. En sortant du pavillon réservé aux femmes, nous rencontrons un sexagénaire épileptique dont le père est décédé récemment. L’homme grabataire depuis quelques jours se remet à marcher accompagné de ses amis pensionnaires. En cette journée de janvier ensoleillé, la petite balade dans les allées du jardin semble le revivifier au vue de sa mine rougie. Notre interlocutrice nous révélera que "ses" pensionnaires doivent tous et toutes faire l’objet d’une attention particulière par le personnel. C’est ainsi qu’elle nous révélera que pour briser la routine, des excursions sont organisées, quand les moyens le permettent. Récemment encore c’est à Constantine et à Guelma que les pensionnaires se sont rendus en villégiature. Ce voyage a été rendu possible grâce à la collaboration de la Direction du tourisme de Bouira. Un séjour dont les résidants du foyer gardent de bons souvenirs. De bons souvenirs également pour khalti Louiza, une des non-voyantes et aâmi Amar, tous deux septuagénaires qui sont revenus la semaine dernière des Lieux Saints après y avoir effectué le pèlerinage.

    Les pensionnaires tous issus du milieu rural

    Parmi l’ensemble des personnes hébergées dans ce foyer tous, sans exception, sont issus du milieu rural, et plus précisément de la région ouest de Bouira. Sur les 34 pensionnaires, deux sont originaires de la région berbérophone, un S.D.F et un handicapé quadragénaire. Toujours d’après les statistiques du Foyer pour Personnes Agées et Handicapés, les pensionnaires proviennent généralement des zones touchées par le terrorisme. Un fléau qui de longues années durant a facilité le déchirement familial. En cette période hivernale, le personnel du Foyer pour personnes âgées et handicapés fait des rondes nocturnes à travers les différents quartiers de la ville de Bouira pour ramasser les S.D.F. De même que les services de sécurité qui amènent au foyer les personnes sans abri. Bien évidemment, tous bénéficient d'une prise en charge sanitaire, aussi bien les handicapés que les personnes âgées. Les résidants, bien souvent évoluant dans leur petit monde, sont conscients de l'affection dont ils font l'objet, et pour preuve tous obéissent aux strictes consignes du personnel.

    Par la depêche de Kabylie
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