Le Sahara au Conseil de sécurité
«Les dégâts de la gestion sécuritaire»
Entretien avec Bernabé López García, professeur d’histoire de l’Islam
La solution au problème du Sahara nécessite, selon Bernabé López García, professeur d’histoire contemporaine de l’Islam à l’Université autonome de Madrid, une reconnaissance des fautes du passé. L’expert estime que l’information, longtemps biaisée et filtrée, n’a fait qu’entacher la crédibilité de notre diplomatie.
- L’Economiste: La solution proposée par l’ONU est-elle toujours valable?
- Bernabé Lopez Garcia: La question du Sahara occidental continue d’être considérée par la communauté internationale comme une affaire de décolonisation inachevée. Le Maroc doit accepter qu’il ne s’agit pas d’une affaire conclue et doit trouver des formules en accord avec le Front Polisario. Il a rejeté la solution Baker II, même si elle représente une amélioration notoire du plan Baker I, accepté auparavant.
Je crois que le Maroc a laissé le peuple marocain en dehors du débat sur le Sahara. Et en dehors aussi de l’information objective sur ce que l’on pense à l’extérieur. L’information a toujours été biaisée, filtrée et présentée comme un complot des autres. Or, il s’agit d’un manque d’efficacité non seulement de la diplomatie marocaine, mais de sa gestion sécuritaire. Le Maroc a commencé à récupérer sa crédibilité au début du règne de Mohammed VI en initiant une politique d’ouverture. Mais le rejet catégorique du plan Baker II a beaucoup affaibli cette crédibilité. Je crois que l’affaire du Sahara aurait dû faire partie du débat public au Maroc depuis longtemps.
La balle est du côté du Maroc. Il est indispensable que les responsables aient le courage politique pour, tout d’abord, dire toute la vérité au peuple marocain. Ensuite, pour oser arriver à un accord avec l’autre partie en offrant une véritable autonomie qui sauvegarde la souveraineté marocaine tout en cédant aux représentants élus par les Sahraouis et conformément aux normes internationales, les fonctions dont parlait le Secrétaire général de l’ONU en 2003. C’est peut-être une révolution politique que seul le Souverain Mohammed VI est en mesure de faire, avec un courage semblable à celui dont il a fait preuve pour la réforme de la Moudawana.
- Quelle appréciation faites-vous du rôle de l’Espagne dans cette affaire?
- Le Sahara a toujours interféré dans les relations entre les deux pays. L’image du Maroc en Espagne a toujours été marquée par la nature du régime politique marocain qui, pendant longtemps, n’a pas été un modèle de démocratie. Le Front Polisario par contre, a réussi à obtenir une image «romantique» de mouvement de libération et a été appuyé par une centaine d’associations de solidarité. Un marketing efficace. Par contre, le Maroc a appliqué en Espagne la «politique de la chaise vide». Il n’a jamais été présent dans les débats où le Polisario était présent; il n’a jamais su vendre à l’opinion publique espagnole ce qu’il considérait comme sa cause sacrée, sauf répéter jusqu’à satiété que le Sahara est et sera toujours marocain. Si le Maroc avait su montrer à l’extérieur qu’en plus des raisons historiques, les Sahraouis sont attachés au projet d’un Maroc démocratique et libre, il aurait eu là une solide argumentation.
- La proposition de résolution que compte présenter l’Espagne peut-elle aider à avancer vers une solution?
- Je ne suis pas au courant des détails de la résolution. Le président Rodríguez Zapatero vient de faire des déclarations dans le quotidien El País où il dit que les principes défendus des deux côtés, n’ont pas aidé à trouver une solution définitive: «La position du gouvernement espagnol est très claire. Auparavant, il n’y avait que des discours qui n’ont mené à rien. A l’heure actuelle, il y a une implication active. La seule solution au conflit du Sahara est un accord guidé, dirigé par l’ONU et sous sa protection. Et cet accord doit passer par le Maroc et par le Front Polisario. Pour l’Espagne et pour le peuple sahraoui, envers lequel nous avons un engagement historique et moral, ce qui intéresse c’est d’arriver à un accord, parce que le désaccord dure déjà 30 ans».
Rien ne servira cette politique active si le Maroc et le Front Polisario n’assument pas que «la dédémonisation» mutuelle est indispensable. Autrement, comment imaginer des élections crédibles au Sahara sans la possibilité pour les partisans du Front Polisario d’exprimer librement leur position? A Tindouf, le Maroc devra aussi être réhabilité à travers son offre généreuse d’ouverture et un projet de pays rassemblé, libre et décentralisé.
- En matière d’équilibre diplomatique, lequel des deux pays est en avance, le Maroc ou l’Algérie?
- Pendant longtemps, l’Algérie a été plus convaincante au niveau international que le Maroc. Ce n’est peut-être pas la version que l’on donnait au Maroc, mais la réalité est que plus de 70 pays - bien que beaucoup d’entre eux insignifiants- ont reconnu la RASD. Il faut admettre que, jusqu’à la dernière votation à l’ONU, la politique extérieure algérienne a obtenu plus de reconnaissance que celle du Maroc.
«Les dégâts de la gestion sécuritaire»
Entretien avec Bernabé López García, professeur d’histoire de l’Islam
La solution au problème du Sahara nécessite, selon Bernabé López García, professeur d’histoire contemporaine de l’Islam à l’Université autonome de Madrid, une reconnaissance des fautes du passé. L’expert estime que l’information, longtemps biaisée et filtrée, n’a fait qu’entacher la crédibilité de notre diplomatie.
- L’Economiste: La solution proposée par l’ONU est-elle toujours valable?
- Bernabé Lopez Garcia: La question du Sahara occidental continue d’être considérée par la communauté internationale comme une affaire de décolonisation inachevée. Le Maroc doit accepter qu’il ne s’agit pas d’une affaire conclue et doit trouver des formules en accord avec le Front Polisario. Il a rejeté la solution Baker II, même si elle représente une amélioration notoire du plan Baker I, accepté auparavant.
Je crois que le Maroc a laissé le peuple marocain en dehors du débat sur le Sahara. Et en dehors aussi de l’information objective sur ce que l’on pense à l’extérieur. L’information a toujours été biaisée, filtrée et présentée comme un complot des autres. Or, il s’agit d’un manque d’efficacité non seulement de la diplomatie marocaine, mais de sa gestion sécuritaire. Le Maroc a commencé à récupérer sa crédibilité au début du règne de Mohammed VI en initiant une politique d’ouverture. Mais le rejet catégorique du plan Baker II a beaucoup affaibli cette crédibilité. Je crois que l’affaire du Sahara aurait dû faire partie du débat public au Maroc depuis longtemps.
La balle est du côté du Maroc. Il est indispensable que les responsables aient le courage politique pour, tout d’abord, dire toute la vérité au peuple marocain. Ensuite, pour oser arriver à un accord avec l’autre partie en offrant une véritable autonomie qui sauvegarde la souveraineté marocaine tout en cédant aux représentants élus par les Sahraouis et conformément aux normes internationales, les fonctions dont parlait le Secrétaire général de l’ONU en 2003. C’est peut-être une révolution politique que seul le Souverain Mohammed VI est en mesure de faire, avec un courage semblable à celui dont il a fait preuve pour la réforme de la Moudawana.
- Quelle appréciation faites-vous du rôle de l’Espagne dans cette affaire?
- Le Sahara a toujours interféré dans les relations entre les deux pays. L’image du Maroc en Espagne a toujours été marquée par la nature du régime politique marocain qui, pendant longtemps, n’a pas été un modèle de démocratie. Le Front Polisario par contre, a réussi à obtenir une image «romantique» de mouvement de libération et a été appuyé par une centaine d’associations de solidarité. Un marketing efficace. Par contre, le Maroc a appliqué en Espagne la «politique de la chaise vide». Il n’a jamais été présent dans les débats où le Polisario était présent; il n’a jamais su vendre à l’opinion publique espagnole ce qu’il considérait comme sa cause sacrée, sauf répéter jusqu’à satiété que le Sahara est et sera toujours marocain. Si le Maroc avait su montrer à l’extérieur qu’en plus des raisons historiques, les Sahraouis sont attachés au projet d’un Maroc démocratique et libre, il aurait eu là une solide argumentation.
- La proposition de résolution que compte présenter l’Espagne peut-elle aider à avancer vers une solution?
- Je ne suis pas au courant des détails de la résolution. Le président Rodríguez Zapatero vient de faire des déclarations dans le quotidien El País où il dit que les principes défendus des deux côtés, n’ont pas aidé à trouver une solution définitive: «La position du gouvernement espagnol est très claire. Auparavant, il n’y avait que des discours qui n’ont mené à rien. A l’heure actuelle, il y a une implication active. La seule solution au conflit du Sahara est un accord guidé, dirigé par l’ONU et sous sa protection. Et cet accord doit passer par le Maroc et par le Front Polisario. Pour l’Espagne et pour le peuple sahraoui, envers lequel nous avons un engagement historique et moral, ce qui intéresse c’est d’arriver à un accord, parce que le désaccord dure déjà 30 ans».
Rien ne servira cette politique active si le Maroc et le Front Polisario n’assument pas que «la dédémonisation» mutuelle est indispensable. Autrement, comment imaginer des élections crédibles au Sahara sans la possibilité pour les partisans du Front Polisario d’exprimer librement leur position? A Tindouf, le Maroc devra aussi être réhabilité à travers son offre généreuse d’ouverture et un projet de pays rassemblé, libre et décentralisé.
- En matière d’équilibre diplomatique, lequel des deux pays est en avance, le Maroc ou l’Algérie?
- Pendant longtemps, l’Algérie a été plus convaincante au niveau international que le Maroc. Ce n’est peut-être pas la version que l’on donnait au Maroc, mais la réalité est que plus de 70 pays - bien que beaucoup d’entre eux insignifiants- ont reconnu la RASD. Il faut admettre que, jusqu’à la dernière votation à l’ONU, la politique extérieure algérienne a obtenu plus de reconnaissance que celle du Maroc.
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