Une vision du monde
Il faut être naïf ou ignorant pour ne voir dans une langue vivante qu’un outil de communication, comme le sont les langues artificielles. Au-delà des barrières sociales, et comme le démontrent d’innombrables travaux de neurophysiologistes et de psychologues, elle ne se réduit pas à un simple code pour l’échange d’informations, mais elle constitue le creuset même de l’identité de chacun. Comme a pu l’écrire Régis Debray, « elle n’est pas un instrument, mais un milieu de vie, le fil d’or d’une vitalité longue et singulière ». On ne voit pas et on ne pense pas le monde, pas plus que l’on ne crée ou n’invente, de manière identique à travers le prisme du norvégien et à travers celui du quechua ou du chinois. Ce qui est vrai des individus l’est aussi des communautés et des nations.
C’est autour du Catalan que s’est forgée la résistance à l’oppression franquiste en Catalogne, comme autour du basque au Pays Basque espagnol. Les élites off shore, en particulier en France, ont tôt fait de qualifier de nationalisme l’attachement des peuples à leur langue, alors que c’est parfois tout ce qui leur reste pour « faire société » et s’inscrire dans une histoire partagée. Précisément parce qu’à l’heure de la libre circulation des capitaux, des biens et des services l’existence de sociétés leur apparaît comme un déplorable anachronisme entravant la course planétaire aux profits.
Sous Charles Quint, la monarchie absolue se différencie fortement de la monarchie française. Une absence d’unité politique, les Catalans et les Basques (surtout) se savent sujets du même roi mais ne se sentent espagnols que face aux étrangers. L’image de la Catalogne au sein de l’Espagne est singulière : spécificités culturelles et surtout linguistiques. Il y a déjà un siècle la bourgeoisie locale parrainait la traduction en langue catalane des classiques. La différence culturelle de la Catalogne amena dans les années de la République, à une reconnaissance institutionnelle qui a trouvé sa forme dans le statut qui lui a été concédé en son temps, de même qu’au Pays Basque et à la Galice. Aujourd’hui, un certain Aznar, président socialiste, disait : …les éventuelles souverainetés du Pays Basque ou de la Catalogne étaient inacceptables pour des raisons historiques mais aussi « sentimentales ». Les manifestations d’identité politique, culturelle et linguistique venant des citoyens d’une communauté seraient intolérables parce qu’elles offenseraient nos « sentiments » ! Ne s’agirait-il pas plutôt de nos ressentiments? Ceux-ci ne se créent pas de rien. Il existe des causes qui les déterminent, et deux parties qui les alimentent. Prenons un exemple – la foire du livre de Francfort où on avait prévu un représentant de la Catalogne constituée exclusivement d’auteurs de langue catalane : une importante quantité des livres d’auteurs catalans sont écrits en espagnol. Mais, parfois, la dénonciation d’un fait si intolérable sert d’excuse pour ne pas reconnaître que, dans la ville de Barcelone, aujourd’hui, la langue catalane n’est en aucun cas dans la pratique une menace pour la langue espagnole.
Lorsque Theodor Adorno décide, en 1949, de revenir en Allemagne après ses années d’exil aux Etats-Unis, il invoque non seulement le mal du pays, mais surtout la langue allemande en raison de son « affinité objective » avec la philosophie. « ma décision de revenir en Allemagne, dit-il, était à peine motivée par le besoin subjectif, par le mal du pays. Il y avait aussi une motivation objective. C’est la langue. (Das ist die sprache)»
Extraits de "la guerre d'Espagne" et qques idées de J. Derrida.
Il faut être naïf ou ignorant pour ne voir dans une langue vivante qu’un outil de communication, comme le sont les langues artificielles. Au-delà des barrières sociales, et comme le démontrent d’innombrables travaux de neurophysiologistes et de psychologues, elle ne se réduit pas à un simple code pour l’échange d’informations, mais elle constitue le creuset même de l’identité de chacun. Comme a pu l’écrire Régis Debray, « elle n’est pas un instrument, mais un milieu de vie, le fil d’or d’une vitalité longue et singulière ». On ne voit pas et on ne pense pas le monde, pas plus que l’on ne crée ou n’invente, de manière identique à travers le prisme du norvégien et à travers celui du quechua ou du chinois. Ce qui est vrai des individus l’est aussi des communautés et des nations.
C’est autour du Catalan que s’est forgée la résistance à l’oppression franquiste en Catalogne, comme autour du basque au Pays Basque espagnol. Les élites off shore, en particulier en France, ont tôt fait de qualifier de nationalisme l’attachement des peuples à leur langue, alors que c’est parfois tout ce qui leur reste pour « faire société » et s’inscrire dans une histoire partagée. Précisément parce qu’à l’heure de la libre circulation des capitaux, des biens et des services l’existence de sociétés leur apparaît comme un déplorable anachronisme entravant la course planétaire aux profits.
Sous Charles Quint, la monarchie absolue se différencie fortement de la monarchie française. Une absence d’unité politique, les Catalans et les Basques (surtout) se savent sujets du même roi mais ne se sentent espagnols que face aux étrangers. L’image de la Catalogne au sein de l’Espagne est singulière : spécificités culturelles et surtout linguistiques. Il y a déjà un siècle la bourgeoisie locale parrainait la traduction en langue catalane des classiques. La différence culturelle de la Catalogne amena dans les années de la République, à une reconnaissance institutionnelle qui a trouvé sa forme dans le statut qui lui a été concédé en son temps, de même qu’au Pays Basque et à la Galice. Aujourd’hui, un certain Aznar, président socialiste, disait : …les éventuelles souverainetés du Pays Basque ou de la Catalogne étaient inacceptables pour des raisons historiques mais aussi « sentimentales ». Les manifestations d’identité politique, culturelle et linguistique venant des citoyens d’une communauté seraient intolérables parce qu’elles offenseraient nos « sentiments » ! Ne s’agirait-il pas plutôt de nos ressentiments? Ceux-ci ne se créent pas de rien. Il existe des causes qui les déterminent, et deux parties qui les alimentent. Prenons un exemple – la foire du livre de Francfort où on avait prévu un représentant de la Catalogne constituée exclusivement d’auteurs de langue catalane : une importante quantité des livres d’auteurs catalans sont écrits en espagnol. Mais, parfois, la dénonciation d’un fait si intolérable sert d’excuse pour ne pas reconnaître que, dans la ville de Barcelone, aujourd’hui, la langue catalane n’est en aucun cas dans la pratique une menace pour la langue espagnole.
Lorsque Theodor Adorno décide, en 1949, de revenir en Allemagne après ses années d’exil aux Etats-Unis, il invoque non seulement le mal du pays, mais surtout la langue allemande en raison de son « affinité objective » avec la philosophie. « ma décision de revenir en Allemagne, dit-il, était à peine motivée par le besoin subjectif, par le mal du pays. Il y avait aussi une motivation objective. C’est la langue. (Das ist die sprache)»
Extraits de "la guerre d'Espagne" et qques idées de J. Derrida.
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