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Problématique de la révision constitutionnelle.

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  • Problématique de la révision constitutionnelle.

    Approfondir l’Etat de droit et les libertés

    par Abderrahmane Mebtoul *


    «C’est seulement quand l’Etat est droit
    qu’il peut devenir un Etat de droit
    » (1).



    REGIME PRESIDENTIEL OU PARLEMENTAIRE ?




    La Constitution de 1996 est venue apporter des réponses sous forme de réaménagements aux contradictions que véhiculait celle de 1989 et aux problèmes qu’elle a posés de manière brutale en 1991. Rappelons que la Constitution de 1989 a introduit des changements fondamentaux dans notre système politique, qui avait un caractère monocratique depuis l’indépendance et un mode d’organisation et de fonctionnement des organes supérieurs de l’Etat qui reposait sur l’unité des trois pouvoirs. Elle définit les modalités d’organisation et d’exercice du pouvoir étatique sur la base d’un principe qui est aujourd’hui universellement admis.

    L’autonomie organique et fonctionnelle des trois pouvoirs y est formellement consacrée, tandis que s’y trouvent codifiées, avec parfois des silences lourds de conséquences, les relations qu’ils doivent entretenir entre eux. Sur un autre plan, la même Constitution consacre aussi l’existence du multipartisme, conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste.

    La Constitution de 1989 était cependant porteuse d’une vision hybride de la société, dans la mesure où des catégories et des éléments de son discours renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires. De même, cette Constitution a introduit des éléments de contradictions dans l’organisation et le fonctionnement des organes supérieurs de l’Etat qui se sont avérés par la suite hautement préjudiciables. Ainsi, en responsabilisant politiquement le gouvernement devant l’Assemblée populaire nationale et en autorisant parallèlement le multipartisme, elle a introduit des éléments de parlementarisme dans un système construit essentiellement autour du Président de la République, qu’elle a doté, par ailleurs, de larges prérogatives et rendu possible l’alternance au pouvoir sans prévoir et définir la situation où des élections législatives amèneraient à l’Assemblée nationale une majorité ayant l’ambition de gouverner dans une toute autre perspective que celle d’un président de la République, représentant lui aussi la souveraineté populaire.

    La gravité d’un tel silence s’est révélée en fait dès que les résultats des premières élections pluralistes à l’échelon communal et de wilaya, en 1990, ont été connus. L’irruption massive de l’opposition dans l’espace institutionnel local et tous les évènements qui se sont succédé, jusqu’à la démission du Président Bendjedid en janvier 1992, ont posé une seule et lancinante question: quelle alternance et sur la base de quel ordre étatique et social ?

    Et, en l’absence d’un consensus préalable inscrivant les processus alternatifs à la fois à l’intérieur du système politique, défini dans ses grandes lignes par la Constitution de 1989, et dans le cadre plus large et plus complexe d’un système social qui était arrivé à maturité mais cherchait de nouveaux équilibres, la question de l’alternance ne pouvait que se poser de la manière la plus brutale et la plus dramatique. La Constitution de 1996 va s’attacher à éliminer les éléments de contradiction, et donc de dysfonctionnement et de tension que la Constitution de 1989 a introduits dans le système politique et a encadré de manière sévère les mutations que nous venons de rappeler et dont cette dernière est responsable. Elle créé la seconde Chambre, dite Conseil de la Nation, et par le truchement de l’article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par l’APN. Cet article stipule en effet que «pour être adopté, tout projet ou proposition de loi doit faire l’objet d’une délibération successivement par l’Assemblée populaire nationale et par le Conseil de la Nation». Dans son alinéa 3, il précise: «Le Conseil de la Nation délibère sur le texte voté par l’Assemblée populaire nationale et l’adopte à la majorité des trois quarts (3/4) de ses membres.» Elle maintient le caractère bicéphale de l’Exécutif.

    Même s’il a la prépondérance, le Président de la République partage la responsabilité de l’Exécutif avec le Chef du gouvernement, dont l’article 85 lui confère des attributions qui n’en font pas un simple exécutant. Elle consolide les Conseils existants. Il s’agit de l’institution d’un Haut Conseil islamique et d’un Haut Conseil de sécurité qui est présidé par le Président de la République (articles 171 et 172).

    Il faut rappeler qu’en raison de la complexité tendancielle du système social, des besoins énormes existants en matière de médiation des conflits, des impératifs liés à la gestion de ces conflits, à leur résolution et enfin à la résorption des tensions qu’ils génèrent, l’Etat a recouru à la création de divers Conseils qui ne sont pas cependant consacrés par la Constitution. Cependant, le schéma institutionnel et politique de 1989 reste en vigueur, le régime politique, qui est un sous-ensemble du système politique, n’ayant pas fondamentalement été bouleversé par la Constitution de 1996. En fait, nous sommes toujours, à deux différences près, dans le schéma institutionnel et politique dessiné par la Constitution de 1989, la nouvelle constitution limitant le mandat du Président à deux sur une période de cinq années chacun et la seconde Chambre qui sert de garde-fou face à une Assemblée nationale qui pouvait à l’époque poser problème.

    Pourtant, l’actuelle Constitution n’élimine pas les dysfonctionnements du régime qui proviennent du caractère bicéphale de l’Exécutif. Il est aujourd’hui plus évident que la Constitution de 1996 n’a pas réglé les problèmes de distribution et d’équilibre des pouvoirs qui avaient empêché le fonctionnement normal des institutions issues de la Constitution de 1989, et que persistent sur le plan de l’option économique des ambiguïtés, les fameux débats sur la loi des hydrocarbures et sur l’adhésion ou pas à l’OMC l’attestant.

    Sur le plan politique, l’article 124, qui autorise le Président de la République à légiférer dans les intersessions du Parlement, ne lui permet pas pour autant d’avoir les mains libres et d’être en mesure de décider de faire ce que bon lui semble. Désormais, les tensions que connaît le système, ou celles qu’il est appelé à connaître, doivent être recherchées dans les dysfonctionnements ou les crises d’autorité qui surgissent périodiquement, et depuis longtemps, au plus haut niveau de l’Etat. La liste des Chefs de gouvernement qui se sont opposés, ouvertement ou de manière discrète mais efficace, à un Président de la République très puissant, est bien longue pour une expérience aussi jeune que la nôtre.

    Feu Kasdi Merbah, qui a agi dans le cadre de la Constitution de 1976, amendée, rappelons-nous en 1988, a été le premier à s’opposer au Chef de l’Etat - à l’époque le Président Bendjedid -, refusant de démissionner en invoquant la responsabilité politique de son gouvernement devant la seule Assemblée nationale, qui était aux mains du FLN dont le Président n’était autre que le même Chadli Bendjedid; Mouloud Hamrouche et Sid Ahmed Ghozali, Chefs du gouvernement du temps de Chadli Bendjedid, ont eu, dans l’exercice de leurs responsabilités, des attitudes qui laissaient transparaître un poids certainement très lourd à l’intérieur de l’Exécutif; la crise provoquée par Ahmed Benbitour et celle ouverte par Ali Benflis et, plus près de nous, Ahmed Ouyahia qui voulait présenter son bilan devant l’APN: est-ce son bilan ou celui du Président de la République ? Tous ces cas nous ramènent encore et toujours au même problème: celui d’une cohabitation qui n’est plus fondée sur l’existence d’une majorité parlementaire, opposée au Président de la République et partageant avec lui la responsabilité de l’Exécutif, mais sur une majorité parlementaire alliée au même Président et représentée fortement au niveau de l’Exécutif.

    Le Président de la République est sans doute le détenteur principal du pouvoir exécutif. Mais, tout en étant totalement responsable de la politique qu’il mène, il n’en a pas moins les mains liées, tenu régulièrement qu’il est de négocier avec des partenaires qui peuvent du jour au lendemain se retourner contre lui. C’est pourquoi, nous soutenons qu’à la responsabilité totale de l’institution présidentielle, doit correspondre la détention exclusive du pouvoir exécutif. Ou alors opter clairement pour un régime parlementaire où c’est le chef de la majorité qui dirige le gouvernement en étant responsable de l’exécution de son programme devant la population. Alors, et seulement alors, il sera permis de dresser des bilans et de prononcer des sentences.



    à suivre...
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

  • #2
    suite et fin.

    LES ELEMENTS DE CHANGEMENT DANS
    LE REGIME POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE



    Il s’ensuit qu’outre ces aspects qui peuvent conduire à des conflits bloquants, en attendant la reconfiguration politique, la révision constitutionnelle (l’actuelle Constitution étant ambiguë, n’étant ni dans un régime présidentiel ni dans un régime parlementaire, la durée des mandats présidentiels, certes importante mais secondaire par rapport à l’importance de ces réformes qui ont pris d’importants retards, freinant la croissance avec ce paradoxe d’aisance financière et de la régression économique et sociale), doit prendre en charge les mutations internes de la société: plus de liberté, une société plus participative et citoyenne, plus de justice sociale qui ne saurait signifier égalitarisme, une plus grande moralisation des institutions en prévoyant le renforcement des organismes de contrôle indépendants pour une lutte efficace et concrète contre la corruption qui tend à se généraliser, l’efficacité économique par la protection des droits de la propriété privée et également de tenir compte des engagements internationaux de l’Algérie (accord de libre-échange avec l’Europe - OMC - intégration maghrébine - Nepad, etc.).

    Cela implique de tenir compte des mutations mondiales en institutionnalisant le fonctionnement de la société au sein d’une économie ouverte (consacrer l’irréversibilité de l’option de l’économie de marché concurrentielle, loin de tout monopole public ou privé) se fondant sur une réelle décentralisation (régionalisation économique et non-régionalisme) et non sur une déconcentration qui amplifierait le poids de la bureaucratie tant centrale que locale. Car il faut être conscient que les pratiques sociales quotidiennes peuvent contredire tout texte juridique si louable soit-il (on ne créée pas l’emploi par des discours ou de nouveaux textes juridiques, mais par la dynamisation de l’entreprise, seule créatrice de richesses, et son fondement, le savoir.

    Car, force est de reconnaître en toute objectivité que l’économie algérienne est caractérisée par une aisance financière (plus de 100 milliards de dollars de réserve de change), mais par une relative régression économique et sociale; et il existe un divorce entre la propension du gouvernement à afficher un bilan positif de l’investissement et d’amélioration du niveau de vie des Algériens, et l’accélération de la dynamique des comportements rentiers, expliquant le fait que les derniers rapports 2006/2008 des institutions et organismes internationaux dressent un bilan des réformes très mitigé.

    Selon ces derniers, les données officielles prêtent à équivoque selon les tests de cohérence et les comparaisons avec des pays similaires; et le FMI l’a fait savoir au gouvernement algérien dans un mémorandum adressé courant 2005 sur l’effritement du système d’information algérien, rappelant que le développement n’est pas une question seulement de textes juridiques et d’argent mais de cohérence, de visibilité dans la démarche impliquant une moralité des institutions et une meilleure gestion. C’est ainsi que les récents indices internationaux comme développement humain réalisé par le PNUD, beaucoup plus fiable que le PNB par tête d’habitant, incluant les aspects sociaux (éducation, santé), l’Algérie pour 2006 est classée 102ème sur 177, contre la 103ème place en 2005/2006.

    Bien plus si l’on s’en tient à l’indicateur classique, le produit intérieur brut (PIB), incluant la sphère informelle contrôlant entre 30 et 40% de la masse monétaire en circulation, renvoyant à la construction de l’Etat de droit et l’économie de marché, serait, selon le dernier rapport de la Banque mondiale 2008, en 2006 de 1,8% (taux revu à la baisse, qui était prévu à 2,8%, non clôturé) de 3,4% en 2007 non clôturé, qui tournerait en réalité autour de 2,4% (le gouvernement, dans sa réunion du 22 janvier 2007, ayant revu à la baisse le taux de croissance, 3,1% contre 5,5% prévu), avec une prévision inférieure selon la Banque mondiale à 4% entre 2008 et 2009, soit un des plus faibles de la région Afrique/Moyen-Orient (plus de 5% en 2006/2007).

    Tout en rappelant que l’Algérie est liée à un Accord avec l’Europe pour une zone de libre-échange applicable depuis le 1er septembre 2005, le dernier renvoi du dossier de son adhésion à l’OMC, en janvier 2008, en est l’illustration. «Beaucoup de travail attend l’Algérie si elle veut adhérer à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Les négociations piétinent et deviennent interminables depuis plus de 20 ans. L’Algérie peut mieux faire mais veut-elle véritablement adhérer à l’OMC ? ».

    Telle est la conclusion de la dernière réunion de l’OMC en ce mois de janvier 2008, consacrée à l’Algérie à Genève, où la majorité des pays développés lui ont soumis des questions sans réponse liées à l’approfondissement de la réforme globale par la mise en place de véritables mécanismes concurrentiels de l’économie de marché et de l’Etat de droit, concernant notamment la libéralisation du transport aérien, celui des médias lourds, de l’assainissement répété des entreprises publiques et le pourquoi du bilan mitigé de la privatisation, de la léthargie et du monopole public du système financier, du non-respect de la protection de la propriété intellectuelle à travers l’importance de la sphère informelle (piratage), du dumping à l’exportation du fait de la dualité des prix des entrants, notamment celui du gaz, et, d’une manière générale, la problématique du timing de la libéralisation tenant compte d’une période transitoire raisonnable, de l’ensemble des services énergétiques et des segments à l’aval des hydrocarbures (l’amont n’étant pas concerné pour l’instant, étant déjà soumis aux mécanismes boursiers mondiaux).

    Or, les pays membres accaparent plus de 95% du commerce mondial et la majorité des pays de l’OPEP, dont le niveau de production est bien plus élevé que celui de l’Algérie, le dernier en date étant l’Arabie Saoudite, sont membres de cette organisation. Car, en ce XXIème siècle, toute turbulence de l’économie mondiale affecte l’Algérie et la bonne gouvernance suppose une adaptation perpétuelle, car le principal défi est la maîtrise du temps (2).

    En résumé, la révision constitutionnelle devrait renvoyer pour une efficacité réelle à la refondation de l’Etat algérien pour plus de libertés au sens large, à savoir le respect des libertés économiques, politiques, des droits de l’homme et de la promotion de la condition féminine, signe de la vitalité de toute société en mouvement, où le dialogue tant externe (la symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident par le dialogue des cultures), qu’interne (la concertation permanente entre tous les partenaires économiques et sociaux représentatifs et non les actions autoritaires), tenant compte de notre anthropologie culturelle, tout en étant ouvert sur la modernité qui est historiquement datée, ayant assisté à plusieurs cycles de civilisations depuis que le monde est monde.

    Cela implique une vision stratégique globale où le Politique, l’Economique, le Social et le Culturel sont inextricablement liés au sein d’un univers de plus en plus globalisé, où les grands espaces socio-économiques dominants sont basés sur l’émergence de l’entreprise compétitive dans un univers concurrentiel, compétitivité liée à la maîtrise des connaissances (le savoir), avec pour fondement la bonne gouvernance, en fait à un Etat de droit (respect des règles) qui peut, dans une première phase, ne pas recouper la démocratie, étant le but suprême, la dynamique économique et sociale, devant pousser à partir de forces sociales nouvelles émergentes, à sa concrétisation.


    *Expert international


    1) Citation extraite de l’ouvrage collectif sous la direction de Abderrahmane Mebtoul: «Enjeux et défis du second mandat du Président Abdelaziz Bouteflika face au processus de la mondialisation», ouvrage pluridisciplinaire (2 tomes, 500 pages), où la problématique de la révision constitutionnelle a été abordée. Casbah Editions (Alger 2005).

    2) Pour plus de développement, voir les deux contributions parues dans Le Quotidien d’Oran de janvier 2008: «Le rapport de la Banque mondiale 2008 sur les turbulence de l’économie mondiale», et «L’OMC, un outil planétaire de régulation et d’intégration», disponible sur les sites internationaux www.yahoo.com et www.google.fr, traduit avec une synthèse en anglais, arabe, chinois et hébreu.


    Le Quotidien d'Oran.
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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