La recherche scientifique en Algérie : voeu pieux ou projet réalisable ?
Mohammed Guétarni
mardi 29 janvier 2008 par Rédaction Journal3
L’alphabet est le premier besoin après le pain
Dans le temps et dans l’espace, l’Université a toujours été le poumon de la société. Elle lui permet de respirer le renouveau technologique et vivre avec. Les besoins naissent avec des aspirations nouvelles de chaque génération nouvelle. C’est pourquoi, dit-on, « la technique est la fille du besoin ». Or, ces techniques multiples et variées ne peuvent se concevoir hors des laboratoires de recherche qu’ils soient universitaires ou des entreprises, pour la plupart, dans les pays technologiquement avancés. Dans ces contrées, la recherche scientifique est aussi nécessaire que l’air aux poumons. De par son importance, elle est solidement soutenue par les politiques jusqu’à en faire leur cheval de bataille pour leur hégémonie culturelle, particulièrement, lors des campagnes électorales. Les pays occidentaux rivalisent de compétences face à une concurrence technologique féroce. Les enjeux sont trop importants, pour ces pays, pour ne pas baisser la garde.
Qu’en est-il chez les arabes ?
La priorité première - (pardon du pléonasme) - est accordée à la politique politicienne qui prime en ce qu’elle assure le pouvoir à ses détenteurs. La recherche scientifique est-elle un luxe qui relève du superflu pour que nos dirigeants s’en passent « trop volontairement » ? C’est cela qui fait toute la différence entre les pays avancés et nous qui fermons la marche des nations à la traîne. Dans ces pays avancés, la priorité est accordée à l’intérêt social, c’est-à-dire général, c’est-à-dire national. Dans les pays arabes, en général, l’intérêt primordial est celui de la classe au pouvoir. Quel déni des peuples et de la nation tout entière ! C’est pourquoi la recherche scientifique n’a, pour l’heure, aucun avenir. Sinon, il est loin de poindre à notre horizon brumeux et incertain. Chaque chef se prend pour l’unique guide clairvoyant pour son peuple, où les débats politiques démocratiques sont exclus, où l’opposition - ou ce qui en reste- n’a droit de regard ni sur la politique, ni sur le budget de l’Etat.
Pourtant la recherche scientifique, dans les pays arabes, est plus que nécessaire. Elle est vitale. Il s’agit de la recherche-développement pour sortir justement de notre sous-développement endémique dans lequel nous pataugeons. Cette même recherche-développement est, en même temps, créatrice de richesses, donc de consommation, donc d’emplois. Or, cette recherche scientifique ne doit pas être gérée par des politiques mais par les scientifiques eux-mêmes en leur qualité d’experts en leur matière.
De la reconnaissance chez les scientifiques
Le développement de la recherche scientifique passe d’abord par le respect que lui accordent les décideurs, en particulier, et la société, en général, comme en Occident. Ce qui n’est pas souvent le cas chez nous. Les enseignants-chercheurs se voient contraints de débrayer pour faire valoir leurs droits face à un pouvoir autiste pour réclamer un salaire décent en adéquation avec leurs compétences avérées.
Deuxième partie
Ils sont parfois traités, par certains médias, de terroristes en prenant les étudiants en otage. Le professeur d’université, à l’instar des autres fonctionnaires de la fonction publique, se voit ravalé au rang de « cas social » en raison de l’érosion de son pouvoir d’achat et du désintéressement caractérisé d’un pouvoir sclérosé ou dépassé.
Ce n’est pas la méthode du LMD anglo-saxon importée qui va résoudre les problèmes de l’Université algérienne. La solution, mais la vraie, consiste à repenser autrement notre Université, c’est-à-dire en fonction de l’environnement social, des besoins nationaux et, en même temps, et essayer, par là même, non seulement à rattraper, mais aussi de s’intégrer dans le concert des universités performantes dans le monde pour qu’elle soit plus compétitive.
Pour ce faire, il faut d’abord commencer par améliorer le cadre de vie de l’étudiant en matière d’hébergement, de restauration, de transport, de documentation régulièrement actualisée et enrichie -toute filière confondue-, une revalorisation de la bourse d’études qui n’a pas bougé depuis des lustres. Aussi et surtout, faut-il revoir celui de l’enseignant en tant que cheville ouvrière de l’université au moyen d’une meilleure considération sociale et d’une rémunération matérielle conforme à la hauteur de la pénibilité de la mission qui lui incombe en sa qualité d’expert. Sans une revalorisation sérieuse et conséquente du statut de l’enseignant-chercheur, la recherche scientifique moderne restera un vœu pieux qui arrivera, certes, aux oreilles de Dieu mais pas à celles des décideurs.
Ce dernier (chercheur) finira par s’avouer vaincu et de faire le fonctionnaire de la fonction publique en appliquant l’adage : « l’Etat fait semblant de le payer ; lui, il fait semblant de travailler. » Et la boucle est bouclée au grand dam de la nation.
Qui doit débattre le statut particulier de l’enseignant-chercheur ?
Le statut de l’enseignant-chercheur doit être débattu entre les intéressés eux-mêmes avec la tutelle compétente (UGTA exclue) pour identifier les missions qui lui sont dévolues et les moyens matériels requis à même de réaliser les projets entrepris.
Le monde arabe se doit de sortir de son ornière de simple marché de consommation de la technologie occidentale. Il doit contribuer, lui aussi, à la production (et non seulement à « la reproduction ») du savoir et du savoir-faire. Telle est la logique de la rentabilité économique et culturelle. A titre d’exemple, la seule facture des médicaments coûte à l’Etat la bagatelle de 1,4 milliard de dollars. Malgré cela, on s’entête à refuser d’encourager la recherche pharmaceutique en Algérie alors que la production nationale ne couvre que 27% des besoins nationaux en médicaments. Cependant, peut-on faire de la recherche en Algérie lorsque l’université ferme ses portes à 17 heures où plus âme qui vive ? Sous d’autres cieux, chercheurs et étudiants travaillent jour et nuit pour un projet. La recherche scientifique est d’abord une culture sociale et aussi politique. Elle est aussi une question d’éthique politique et scientifique. La recherche ne se fait jamais en vase clos. Les chercheurs ont besoin d’être constamment - sinon régulièrement - en contact avec leurs homologues étrangers pour plus de performance. De ce fait :
- Pourquoi ne pas créer, en Algérie, « un passeport scientifique » à l’instar du passeport diplomatique en vue de faciliter l’obtention de visas auprès des autorités consulaires des pays d’accueil ?
- Pourquoi les Arabes ne mettent-ils pas, en commun, leur « capital savoir » pour le bien et au service de la nation tout entière ?
- Pourquoi les régimes arabes n’abandonnent-ils pas leur embargo culturel et scientifique sur leurs savants ?
- Pourquoi ces régimes refusent-ils de considérer leurs élites comme des ascenseurs sociaux ?
Bien d’autres interrogations, tout aussi angoissantes les unes que les autres, suscitent les esprits éclairés de notre élite intellectuelle mais pas ceux de nos dirigeants autistes, sourds et aveugles. La recherche a besoin de mesures concrètes et non de discours creux et mensongers. Après cette longue traversée du désert, le monde arabe espère-t-il, un jour, trouver une oasis scientifique et culturelle tant espérée qu’il a perdue depuis plus de 7 siècles. Oui, depuis plus de 7 siècles, le monde arabe n’a pas participé aux inventions technologiques. Serait-ce un rêve réalisable ou simplement un mirage hallucinatoire ?
Nous sommes, personnellement, convaincus que sans la participation énergique de son élite intellectuelle, notre pays ne cessera de faire du surplace pendant que les autres nations savantes ne cessent d’évoluer. Un pays sans recherche scientifique est un cadavre en décomposition. Le pouvoir continue, hélas, d’adopter une attitude méprisante à l’égard des intellectuels. Pourtant, le savoir insuffle l’espoir à toute la nation.
Le verset coranique « Iqra’ bismi Rabique » est-il tombé en désuétude, pourtant émanant de l’Omniscient Lui-même (Gloire à Lui) Qui a toujours glorifié le Savoir et béni le Savant ? Aux dirigeants qui glorifient le Savoir et bénissent le Savant, Dieu et la nation leur seront reconnaissants.
Mohammed Guétarni, Docteur ès lettres Université de Chlef ,
Quotidien d’Oran
Mohammed Guétarni
mardi 29 janvier 2008 par Rédaction Journal3
L’alphabet est le premier besoin après le pain
Dans le temps et dans l’espace, l’Université a toujours été le poumon de la société. Elle lui permet de respirer le renouveau technologique et vivre avec. Les besoins naissent avec des aspirations nouvelles de chaque génération nouvelle. C’est pourquoi, dit-on, « la technique est la fille du besoin ». Or, ces techniques multiples et variées ne peuvent se concevoir hors des laboratoires de recherche qu’ils soient universitaires ou des entreprises, pour la plupart, dans les pays technologiquement avancés. Dans ces contrées, la recherche scientifique est aussi nécessaire que l’air aux poumons. De par son importance, elle est solidement soutenue par les politiques jusqu’à en faire leur cheval de bataille pour leur hégémonie culturelle, particulièrement, lors des campagnes électorales. Les pays occidentaux rivalisent de compétences face à une concurrence technologique féroce. Les enjeux sont trop importants, pour ces pays, pour ne pas baisser la garde.
Qu’en est-il chez les arabes ?
La priorité première - (pardon du pléonasme) - est accordée à la politique politicienne qui prime en ce qu’elle assure le pouvoir à ses détenteurs. La recherche scientifique est-elle un luxe qui relève du superflu pour que nos dirigeants s’en passent « trop volontairement » ? C’est cela qui fait toute la différence entre les pays avancés et nous qui fermons la marche des nations à la traîne. Dans ces pays avancés, la priorité est accordée à l’intérêt social, c’est-à-dire général, c’est-à-dire national. Dans les pays arabes, en général, l’intérêt primordial est celui de la classe au pouvoir. Quel déni des peuples et de la nation tout entière ! C’est pourquoi la recherche scientifique n’a, pour l’heure, aucun avenir. Sinon, il est loin de poindre à notre horizon brumeux et incertain. Chaque chef se prend pour l’unique guide clairvoyant pour son peuple, où les débats politiques démocratiques sont exclus, où l’opposition - ou ce qui en reste- n’a droit de regard ni sur la politique, ni sur le budget de l’Etat.
Pourtant la recherche scientifique, dans les pays arabes, est plus que nécessaire. Elle est vitale. Il s’agit de la recherche-développement pour sortir justement de notre sous-développement endémique dans lequel nous pataugeons. Cette même recherche-développement est, en même temps, créatrice de richesses, donc de consommation, donc d’emplois. Or, cette recherche scientifique ne doit pas être gérée par des politiques mais par les scientifiques eux-mêmes en leur qualité d’experts en leur matière.
De la reconnaissance chez les scientifiques
Le développement de la recherche scientifique passe d’abord par le respect que lui accordent les décideurs, en particulier, et la société, en général, comme en Occident. Ce qui n’est pas souvent le cas chez nous. Les enseignants-chercheurs se voient contraints de débrayer pour faire valoir leurs droits face à un pouvoir autiste pour réclamer un salaire décent en adéquation avec leurs compétences avérées.
Deuxième partie
Ils sont parfois traités, par certains médias, de terroristes en prenant les étudiants en otage. Le professeur d’université, à l’instar des autres fonctionnaires de la fonction publique, se voit ravalé au rang de « cas social » en raison de l’érosion de son pouvoir d’achat et du désintéressement caractérisé d’un pouvoir sclérosé ou dépassé.
Ce n’est pas la méthode du LMD anglo-saxon importée qui va résoudre les problèmes de l’Université algérienne. La solution, mais la vraie, consiste à repenser autrement notre Université, c’est-à-dire en fonction de l’environnement social, des besoins nationaux et, en même temps, et essayer, par là même, non seulement à rattraper, mais aussi de s’intégrer dans le concert des universités performantes dans le monde pour qu’elle soit plus compétitive.
Pour ce faire, il faut d’abord commencer par améliorer le cadre de vie de l’étudiant en matière d’hébergement, de restauration, de transport, de documentation régulièrement actualisée et enrichie -toute filière confondue-, une revalorisation de la bourse d’études qui n’a pas bougé depuis des lustres. Aussi et surtout, faut-il revoir celui de l’enseignant en tant que cheville ouvrière de l’université au moyen d’une meilleure considération sociale et d’une rémunération matérielle conforme à la hauteur de la pénibilité de la mission qui lui incombe en sa qualité d’expert. Sans une revalorisation sérieuse et conséquente du statut de l’enseignant-chercheur, la recherche scientifique moderne restera un vœu pieux qui arrivera, certes, aux oreilles de Dieu mais pas à celles des décideurs.
Ce dernier (chercheur) finira par s’avouer vaincu et de faire le fonctionnaire de la fonction publique en appliquant l’adage : « l’Etat fait semblant de le payer ; lui, il fait semblant de travailler. » Et la boucle est bouclée au grand dam de la nation.
Qui doit débattre le statut particulier de l’enseignant-chercheur ?
Le statut de l’enseignant-chercheur doit être débattu entre les intéressés eux-mêmes avec la tutelle compétente (UGTA exclue) pour identifier les missions qui lui sont dévolues et les moyens matériels requis à même de réaliser les projets entrepris.
Le monde arabe se doit de sortir de son ornière de simple marché de consommation de la technologie occidentale. Il doit contribuer, lui aussi, à la production (et non seulement à « la reproduction ») du savoir et du savoir-faire. Telle est la logique de la rentabilité économique et culturelle. A titre d’exemple, la seule facture des médicaments coûte à l’Etat la bagatelle de 1,4 milliard de dollars. Malgré cela, on s’entête à refuser d’encourager la recherche pharmaceutique en Algérie alors que la production nationale ne couvre que 27% des besoins nationaux en médicaments. Cependant, peut-on faire de la recherche en Algérie lorsque l’université ferme ses portes à 17 heures où plus âme qui vive ? Sous d’autres cieux, chercheurs et étudiants travaillent jour et nuit pour un projet. La recherche scientifique est d’abord une culture sociale et aussi politique. Elle est aussi une question d’éthique politique et scientifique. La recherche ne se fait jamais en vase clos. Les chercheurs ont besoin d’être constamment - sinon régulièrement - en contact avec leurs homologues étrangers pour plus de performance. De ce fait :
- Pourquoi ne pas créer, en Algérie, « un passeport scientifique » à l’instar du passeport diplomatique en vue de faciliter l’obtention de visas auprès des autorités consulaires des pays d’accueil ?
- Pourquoi les Arabes ne mettent-ils pas, en commun, leur « capital savoir » pour le bien et au service de la nation tout entière ?
- Pourquoi les régimes arabes n’abandonnent-ils pas leur embargo culturel et scientifique sur leurs savants ?
- Pourquoi ces régimes refusent-ils de considérer leurs élites comme des ascenseurs sociaux ?
Bien d’autres interrogations, tout aussi angoissantes les unes que les autres, suscitent les esprits éclairés de notre élite intellectuelle mais pas ceux de nos dirigeants autistes, sourds et aveugles. La recherche a besoin de mesures concrètes et non de discours creux et mensongers. Après cette longue traversée du désert, le monde arabe espère-t-il, un jour, trouver une oasis scientifique et culturelle tant espérée qu’il a perdue depuis plus de 7 siècles. Oui, depuis plus de 7 siècles, le monde arabe n’a pas participé aux inventions technologiques. Serait-ce un rêve réalisable ou simplement un mirage hallucinatoire ?
Nous sommes, personnellement, convaincus que sans la participation énergique de son élite intellectuelle, notre pays ne cessera de faire du surplace pendant que les autres nations savantes ne cessent d’évoluer. Un pays sans recherche scientifique est un cadavre en décomposition. Le pouvoir continue, hélas, d’adopter une attitude méprisante à l’égard des intellectuels. Pourtant, le savoir insuffle l’espoir à toute la nation.
Le verset coranique « Iqra’ bismi Rabique » est-il tombé en désuétude, pourtant émanant de l’Omniscient Lui-même (Gloire à Lui) Qui a toujours glorifié le Savoir et béni le Savant ? Aux dirigeants qui glorifient le Savoir et bénissent le Savant, Dieu et la nation leur seront reconnaissants.
Mohammed Guétarni, Docteur ès lettres Université de Chlef ,
Quotidien d’Oran
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