La toponymie, dont l’objet d’étude est le nom de lieu, est une discipline aujourd’hui classée dans la linguistique ou science du langage et des langues.
Elle relève de l’onomastique ou étude des noms propre qui comporte, en plus des noms de lieux, l’étude des noms de personnes ou anthroponymie. Le champ de la toponymie étant très vaste, la discipline est subdivisée en plusieurs branches :
-Hydronyme : ou étude des cours d’eau, des ruisseaux, des sources, des oueds etc.
-Oronyme : ou étude des noms de sommets : montagnes, collines, vallons, plateaux, ainsi que des reliefs plats, comme les plaines,
-Odonyme : ou étude des noms de voie de communication, comme l’étude des noms de rues ou de monuments
-La microtoponymie, qui s’intéresse aux lieux dits, peu ou pas habités etc.
Dans de nombreux pays, la toponymie fait l’objet de recherches et dispose même de chaires à l’université. C’est que la toponymie n’est pas seulement une affaire de patrimoine, c’est aussi une question de souveraineté : elle est la marque indélébile de l’histoire d’un pays, de ses frontières et de sa personnalité. Dans les pays coloniaux, la décolonisation est souvent suivie de vastes remaniements toponymiques : C’est le cas de l’Algérie où après 1962, la plupart des villes dont le nom a été francisé ainsi que les agglomérations issues de la conquête, ont retrouvé leurs anciens noms ou acquis de nouveaux noms algériens.
Pourquoi faut-il étudier les toponymes ?
Le premier intérêt de l’étude des toponymes est de fournir des points de repère pour localiser des lieux et les mémoriser. En effet, la mémoire humaine ne peut se rappeler de tous les lieux, et si on ne les nommait pas on serait obligés à chaque fois de décrire la position, l’emplacement, donner des caractéristiques qui pourraient permettre de reconnaître le lieu en question.
Dans beaucoup de cas, les noms semblent être essentiellement des noms propres et ne s’emploient que pour désigner des endroits (on ne peut leur trouver, du moins à l’époque moderne, des significations), l’écrasante majorité des autres recourent au vocabulaire usuel pour désigner ces endroits, en nommant les caractéristiques qu’on leur attribue, caractéristiques relatives à la forme géographique, à la végétation, à la faune, à la couleur... Parfois, l’information porte sur les populations qui habitent encore aujourd’hui dans ces lieux ou y ont habité : tribu, clan, fraction de clan, parfois encore, c’est un saint, qui donne son nom au lieu.
Il s’agit là de renseignements précieux pour le géographe, le géologue, le botaniste, le zoologue, l’historien, l’ethnologue... Quand on lit dans la presse que parmi les villages kabyles connaissant une sévère pénurie il y a Tigulmimin, il suffit de se retourner vers la toponymie pour apprendre qu’il n’en a pas toujours été ainsi, puisque tigulmimin signifie ‘’bassin d’eau naturel’’, et qui dit bassin naturel, alimenté par les pluies, il y a des rivières, des sources, des puits etc. La toponymie, à elle seule, permet d’énumérer les différents types de réserves d’eau disponibles sur le territoire national: puits (lbir, anu, tirset), source (aïn, tala, aghbalou, leinsar), oued, fleuve (nahr, asif), ruisseau (ighzer), bassin naturel, lac d’eau salée (sebkha) etc. C’est toute la carte hydrologique de l’Algérie qu’on peut constituer et qui peut rendre compte des ressources de l’Algérie.
La toponymie vient apporter aussi son témoignage quand il s’agit de reconstituer la faune ou la flore antiques.
Ainsi l’éléphant, disparu à la fin de la période romaine est présent dans Aïn Talut, localité de la région de Tlemcen. On sait que l’éléphant est mentionné au Maghreb par les auteurs anciens, comme Hannon, le fameux voyageur carthaginois et Hérodote, le géographe grec. Les Carthaginois ont utilisés les éléphants comme animal de combat. Ils les ont emmenés avec eux en Sicile durant la première guerre punique, puis en Espagne. Les rois berbères ont en fait le même usage : dans la ‘’Guerre de Jugurtha’’, Salluste indique que le roi numide a perdu 44 éléphants dans une bataille contre les Romains et Juba 1er a donné aux Pompéiens 120 bêtes pour combattre Jules César.
Déjà, dans l’antiquité, plusieurs auteurs signalent, pour l’Algérie et la Tunisie, des localités, portant le nom latin ou grec de l’animal : ainsi Elephantaria, peut-être un évêché dans les montagnes dominant la Mitidja, Castellum Elephantum, non loin de Constantine, Elephantaria, dans la vallée de la Medjerda etc. comme on sait que les auteurs anciens avaient tendance à traduire les toponymes africains dans leur langue, ces dénominations ne sont peut-être que la traduction de dénomination locale. Toujours pour ce qui est de l’éléphant, une localité antique conserve au moins son nom autochtone : Telepte, à lire telefte, (p latin transcrivant souvent f berbère, comme c’est le cas dans Tipaza<Tifeche) berbère moderne tileft, ‘’sanglier’’ mais qui a pu désigner l’éléphant. Cet animal ayant disparu, son nom a peut être été affecté au sanglier. Aujourd’hui le seul dialecte berbère à conserver le nom de l’éléphant, élou/tellout est le targui : les éléphant ont également disparu du Sahara, mais chez les touaregs, son nom est encore porté comme prénom.
On peut dire aussi la même chose de l’ours de l’Atlas, dont l’existence aux temps historiques est remise en cause par les spécialistes, et évoqué par des toponymes, notamment celui de Aim Dhob.
Combien de végétaux, d’essences aujourd’hui disparus subsistent, comme des vestiges, hélas fossilisés, dans la toponymie… à titre d’exemple, le genêt épineux, qui a donné le nom de Tizi Ouzou, est aujourd’hui devenu rare… De nombreux villages de Kabylie s’appellent Boumlal, nom de la marguerite, aujourd’hui disparue en de nombreuses contrées. Tadmaït est probablement le nom du palmier nain, auquel on attribue aujourd’hui, en pays kabyle, soit le nom du palmier dattier, tazdayt, soit le nom emprunté à l’arabe dialectal, doum
La toponymie, comme objet linguistique
Le toponyme, c’est aussi un ‘’objet’’ linguistique mais un objet figé dans un contexte linguistique soumis à l’évolution. Son étude permet donc de remonter aux formes les plus anciennes de la langue, de déterminer les transformations que celle-ci a pu subir au plan phonétique ou morphologique. Dans le cas du berbère, c’est même, en l’absence de textes, le moyen qui donne le mieux accès à la langue antique, notamment à son vocabulaire : alors que les auteurs grecs et romains et les stèles libyques déchiffrées ne livrent qu’une vingtaine de mots sûrs, la toponymie permet d’élargir le glossaire à plus d’une centaine de termes Il est vrai que la méthode qui consiste à poser les étymologies en établissant des rapports entre les formes anciennes et modernes peut manquer de rigueur mais dans l’état actuel de la recherche, c’est la seule qui permette d’éclairer quelque peu le sens des mots libyques.
Le toponyme est encore le meilleur témoin des pratiques linguistiques anciennes, le vestige de langues disparues. Les présences phénicienne et romaine en Algérie sont également attestées par des toponymes : c’est le cas de Jijel, provenant du punique, ou de Aïn Roua, où Roua est la déformation de Horréa, mot signifiant en latin ‘’entrepôts à grains’’. Le nom complet de Aïn Roua était Horrea Aninicensis, dont le second élément se retrouve dans le nom du Djebel Anini, où se trouve la ville.
Le berbère, disparu, parfois depuis longtemps de nombreuses régions, est largement demeuré dans la toponymie de ces régions, tantôt modifié au point de ne pas être reconnu, tantôt conservé tel quel. Ainsi, Tiaret où il n’y a plus de berbérophones depuis longtemps, a conservé son nom de Tiaret, déformation du berbère Tihert, en cours au Moyen âge et signifiant le ‘’lion’’. C’est encore le cas de Aïn Témouchent, composé arabo-berbère de aïn ‘’source’’ et de témouchent ‘’chacal femelle’’ etc. Et encore, les campagnes de débaptisation et rebaptisation qui ont suivi l’indépendance ont fait disparaître, intentionnellement ou non, avec les noms coloniaux, de nombreux toponymes berbères.
Quand on évoque la toponymie de la Kabylie, il convient de s’interroger avant sur l’emploi du mot ‘’Kabylie’’. Même si beaucoup de Kabyles l’emploient aujourd’hui, même dans leur langue maternelle, il n’appartient pas au fond toponymie originel.
Elle relève de l’onomastique ou étude des noms propre qui comporte, en plus des noms de lieux, l’étude des noms de personnes ou anthroponymie. Le champ de la toponymie étant très vaste, la discipline est subdivisée en plusieurs branches :
-Hydronyme : ou étude des cours d’eau, des ruisseaux, des sources, des oueds etc.
-Oronyme : ou étude des noms de sommets : montagnes, collines, vallons, plateaux, ainsi que des reliefs plats, comme les plaines,
-Odonyme : ou étude des noms de voie de communication, comme l’étude des noms de rues ou de monuments
-La microtoponymie, qui s’intéresse aux lieux dits, peu ou pas habités etc.
Dans de nombreux pays, la toponymie fait l’objet de recherches et dispose même de chaires à l’université. C’est que la toponymie n’est pas seulement une affaire de patrimoine, c’est aussi une question de souveraineté : elle est la marque indélébile de l’histoire d’un pays, de ses frontières et de sa personnalité. Dans les pays coloniaux, la décolonisation est souvent suivie de vastes remaniements toponymiques : C’est le cas de l’Algérie où après 1962, la plupart des villes dont le nom a été francisé ainsi que les agglomérations issues de la conquête, ont retrouvé leurs anciens noms ou acquis de nouveaux noms algériens.
Pourquoi faut-il étudier les toponymes ?
Le premier intérêt de l’étude des toponymes est de fournir des points de repère pour localiser des lieux et les mémoriser. En effet, la mémoire humaine ne peut se rappeler de tous les lieux, et si on ne les nommait pas on serait obligés à chaque fois de décrire la position, l’emplacement, donner des caractéristiques qui pourraient permettre de reconnaître le lieu en question.
Dans beaucoup de cas, les noms semblent être essentiellement des noms propres et ne s’emploient que pour désigner des endroits (on ne peut leur trouver, du moins à l’époque moderne, des significations), l’écrasante majorité des autres recourent au vocabulaire usuel pour désigner ces endroits, en nommant les caractéristiques qu’on leur attribue, caractéristiques relatives à la forme géographique, à la végétation, à la faune, à la couleur... Parfois, l’information porte sur les populations qui habitent encore aujourd’hui dans ces lieux ou y ont habité : tribu, clan, fraction de clan, parfois encore, c’est un saint, qui donne son nom au lieu.
Il s’agit là de renseignements précieux pour le géographe, le géologue, le botaniste, le zoologue, l’historien, l’ethnologue... Quand on lit dans la presse que parmi les villages kabyles connaissant une sévère pénurie il y a Tigulmimin, il suffit de se retourner vers la toponymie pour apprendre qu’il n’en a pas toujours été ainsi, puisque tigulmimin signifie ‘’bassin d’eau naturel’’, et qui dit bassin naturel, alimenté par les pluies, il y a des rivières, des sources, des puits etc. La toponymie, à elle seule, permet d’énumérer les différents types de réserves d’eau disponibles sur le territoire national: puits (lbir, anu, tirset), source (aïn, tala, aghbalou, leinsar), oued, fleuve (nahr, asif), ruisseau (ighzer), bassin naturel, lac d’eau salée (sebkha) etc. C’est toute la carte hydrologique de l’Algérie qu’on peut constituer et qui peut rendre compte des ressources de l’Algérie.
La toponymie vient apporter aussi son témoignage quand il s’agit de reconstituer la faune ou la flore antiques.
Ainsi l’éléphant, disparu à la fin de la période romaine est présent dans Aïn Talut, localité de la région de Tlemcen. On sait que l’éléphant est mentionné au Maghreb par les auteurs anciens, comme Hannon, le fameux voyageur carthaginois et Hérodote, le géographe grec. Les Carthaginois ont utilisés les éléphants comme animal de combat. Ils les ont emmenés avec eux en Sicile durant la première guerre punique, puis en Espagne. Les rois berbères ont en fait le même usage : dans la ‘’Guerre de Jugurtha’’, Salluste indique que le roi numide a perdu 44 éléphants dans une bataille contre les Romains et Juba 1er a donné aux Pompéiens 120 bêtes pour combattre Jules César.
Déjà, dans l’antiquité, plusieurs auteurs signalent, pour l’Algérie et la Tunisie, des localités, portant le nom latin ou grec de l’animal : ainsi Elephantaria, peut-être un évêché dans les montagnes dominant la Mitidja, Castellum Elephantum, non loin de Constantine, Elephantaria, dans la vallée de la Medjerda etc. comme on sait que les auteurs anciens avaient tendance à traduire les toponymes africains dans leur langue, ces dénominations ne sont peut-être que la traduction de dénomination locale. Toujours pour ce qui est de l’éléphant, une localité antique conserve au moins son nom autochtone : Telepte, à lire telefte, (p latin transcrivant souvent f berbère, comme c’est le cas dans Tipaza<Tifeche) berbère moderne tileft, ‘’sanglier’’ mais qui a pu désigner l’éléphant. Cet animal ayant disparu, son nom a peut être été affecté au sanglier. Aujourd’hui le seul dialecte berbère à conserver le nom de l’éléphant, élou/tellout est le targui : les éléphant ont également disparu du Sahara, mais chez les touaregs, son nom est encore porté comme prénom.
On peut dire aussi la même chose de l’ours de l’Atlas, dont l’existence aux temps historiques est remise en cause par les spécialistes, et évoqué par des toponymes, notamment celui de Aim Dhob.
Combien de végétaux, d’essences aujourd’hui disparus subsistent, comme des vestiges, hélas fossilisés, dans la toponymie… à titre d’exemple, le genêt épineux, qui a donné le nom de Tizi Ouzou, est aujourd’hui devenu rare… De nombreux villages de Kabylie s’appellent Boumlal, nom de la marguerite, aujourd’hui disparue en de nombreuses contrées. Tadmaït est probablement le nom du palmier nain, auquel on attribue aujourd’hui, en pays kabyle, soit le nom du palmier dattier, tazdayt, soit le nom emprunté à l’arabe dialectal, doum
La toponymie, comme objet linguistique
Le toponyme, c’est aussi un ‘’objet’’ linguistique mais un objet figé dans un contexte linguistique soumis à l’évolution. Son étude permet donc de remonter aux formes les plus anciennes de la langue, de déterminer les transformations que celle-ci a pu subir au plan phonétique ou morphologique. Dans le cas du berbère, c’est même, en l’absence de textes, le moyen qui donne le mieux accès à la langue antique, notamment à son vocabulaire : alors que les auteurs grecs et romains et les stèles libyques déchiffrées ne livrent qu’une vingtaine de mots sûrs, la toponymie permet d’élargir le glossaire à plus d’une centaine de termes Il est vrai que la méthode qui consiste à poser les étymologies en établissant des rapports entre les formes anciennes et modernes peut manquer de rigueur mais dans l’état actuel de la recherche, c’est la seule qui permette d’éclairer quelque peu le sens des mots libyques.
Le toponyme est encore le meilleur témoin des pratiques linguistiques anciennes, le vestige de langues disparues. Les présences phénicienne et romaine en Algérie sont également attestées par des toponymes : c’est le cas de Jijel, provenant du punique, ou de Aïn Roua, où Roua est la déformation de Horréa, mot signifiant en latin ‘’entrepôts à grains’’. Le nom complet de Aïn Roua était Horrea Aninicensis, dont le second élément se retrouve dans le nom du Djebel Anini, où se trouve la ville.
Le berbère, disparu, parfois depuis longtemps de nombreuses régions, est largement demeuré dans la toponymie de ces régions, tantôt modifié au point de ne pas être reconnu, tantôt conservé tel quel. Ainsi, Tiaret où il n’y a plus de berbérophones depuis longtemps, a conservé son nom de Tiaret, déformation du berbère Tihert, en cours au Moyen âge et signifiant le ‘’lion’’. C’est encore le cas de Aïn Témouchent, composé arabo-berbère de aïn ‘’source’’ et de témouchent ‘’chacal femelle’’ etc. Et encore, les campagnes de débaptisation et rebaptisation qui ont suivi l’indépendance ont fait disparaître, intentionnellement ou non, avec les noms coloniaux, de nombreux toponymes berbères.
Quand on évoque la toponymie de la Kabylie, il convient de s’interroger avant sur l’emploi du mot ‘’Kabylie’’. Même si beaucoup de Kabyles l’emploient aujourd’hui, même dans leur langue maternelle, il n’appartient pas au fond toponymie originel.
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