"Je m'appelle Abou Tariq, émir du secteur d'Al-Layin et Al-Mashadah..." C'est un document rare et fascinant que le haut commandement américain, déterminé à contrer la propagande djihadiste sur tous les fronts, a rendu public dimanche 10 février à Bagdad.
Présenté aux journalistes par le contre-amiral Greg Smith, le journal personnel du dénommé "Abou Tariq" - un nom de guerre, probablement - a été saisi le 3 novembre dans une cache d'Al-Qaida en Irak, près de Balad, à 80 km au nord de Bagdad.
Robert Gates évoque "la déroute" des combattants islamistesEn visite à Bagdad, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, a félicité, lundi 11 février, les soldats américains pour avoir mis en difficulté les combattants islamistes d'Al-Qaida. "Al-Qaida est en déroute (...) et la violence a été réduite de façon spectaculaire", a-t-il déclaré lors d'une brève allocution dans la capitale irakienne. "La situation reste fragile, mais le peuple irakien a aujourd'hui l'occasion de se bâtir un avenir meilleur, plus sûr et plus prospère", a-t-il ajouté. D'ici juillet, l'armée américaine prévoit de retirer cinq brigades, ramenant le nombre de soldats à 130 000, soit le niveau d'avant l'hiver 2006-2007. - (AFP.)
[-] fermerTrès soigneusement manuscrites en arabe, les seize pages de ce "journal de guerre" signées par un "émir" local, un chef régional de l'organisation, qui n'a pas été capturé mais dont les Irakiens ont retrouvé le paraphe sur plus d'une vingtaine de sentences de mort émises contre des "traîtres", donnent l'impression d'une véritable déroute. Une impression que les Américains modèrent : "Al-Qaida est toujours là, et dangereux."
"Il y avait près de 600 combattants dans notre secteur avant que les tribus (de la zone) changent de camp", écrit Abou Tariq. "Beaucoup ont abandonné le combat et certains ont rejoint les déserteurs (...). Il nous reste une vingtaine de combattants, peut-être moins", poursuit-il. Rédigeant en octobre, l'auteur se lamente - "Nous avons été maltraités et trahis par certains de nos frères" - et menace : "Nous ne devons faire preuve d'aucune pitié pour ces traîtres jusqu'à ce qu'ils reviennent dans le droit chemin ou soient complètement éliminés."
Passant en revue les cinq "bataillons" dont il avait la charge, l'"émir" qui aurait fui à Mossoul, où les forces américaines et irakiennes ont lancé une offensive qui a déjà fait des dizaines de morts, fait l'inventaire des pertes subies. "Le bataillon des martyrs de Laylat Al-Qadr avait 200 hommes bien équipés. (...) La majorité nous a trahis. (...) Il en reste 10. (...) Celui d'Abou Hayder Al-Ansari avait 300 hommes, de bonnes armes et 17 véhicules. (...) Il nous a trahis et la plupart de ses hommes ont rejoint les infidèles. (...) Muhammad Ben Muslimah a été tué par les traîtres de l'Armée islamique en Irak (groupe armé sunnite "nationaliste") avec l'aide des hélicoptères des envahisseurs. (...) Beaucoup ont fui avec leurs armes, spécialement ceux de la tribu... (nom biffé par les Américains) qui ont rejoint les traîtres de Sahwa."
Les groupes du "Sahwa" - "Réveil" en arabe - portent des noms différents selon les régions et les tribus. Ce sont des sortes de comités populaires d'autodéfense créés par différentes tribus, sunnites à 82 %, qui étaient le plus souvent alliées aux djihadistes, mais qui ont fini par se révolter contre leurs méthodes sanglantes ou qui ont été "retournées" à coups de dollars et de "services" divers par les Américains.
Le contre-amiral Smith a évalué, dimanche, leur nombre à plus de 77 500 hommes - dont 15 000 à Bagdad - répartis dans plus de 300 milices à travers le pays. Parmi eux, "beaucoup" appartenaient soit à Al-Qaida, soit à l'une ou l'autre des organisations de "résistance nationaliste" - dont l'Armée islamique en Irak et les Brigades de la révolution de 1920 - qui, en principe, existent toujours, mais affirment ne pas recourir aux attentats aveugles qui ont tué des milliers de civils chiites depuis cinq ans.
RAPPORT D'ACTIVITÉ
Un second document de 39 pages dactylographiées et non signé a été partiellement dévoilé dimanche. Celui-ci a été saisi le 18 novembre près de Samarra, à 110 km au nord de la capitale, lors d'une opération au cours de laquelle Abou Maysara, l'un des hauts dirigeants djihadistes, a été tué. Parmi d'autres prises de guerre - ordinateurs, disques compacts et DVD -, le document, "probablement rédigé pendant l'été 2007" selon l'officier américain, ressemble à un rapport d'activité et fait part de "la crise profonde subie par l'Etat islamique en Irak (établi, tout virtuellement, par Al-Qaida en 2005), spécialement dans la province d'Al-Anbar".
L'auteur anonyme explique combien les "combattants étrangers" du groupe ont "du mal à circuler librement en raison de leur accent" dans cette province sunnite qui fut la place forte de l'organisation avant de devenir le lieu de naissance des "Sahwa". Il fait part des "désillusions" de ces combattants - Saoudiens, Maghrébins et Yéménites pour l'essentiel -, de leur "manque de ferveur" et recommande de "ne plus les utiliser que pour des missions-suicides". Il se plaint également de "difficultés grandissantes pour recruter" des combattants locaux, met l'accent sur "le manque d'expérience militaire des émirs" et fustige les "tribus renégates" qui se sont alliées "aux infidèles pour nous détruire". "Nous avons perdu les villes, conclut-il, puis les villages. Nous nous sommes éloignés des gens et n'avons trouvé refuge que dans un dangereux désert."
Source : Le Monde
Présenté aux journalistes par le contre-amiral Greg Smith, le journal personnel du dénommé "Abou Tariq" - un nom de guerre, probablement - a été saisi le 3 novembre dans une cache d'Al-Qaida en Irak, près de Balad, à 80 km au nord de Bagdad.
Robert Gates évoque "la déroute" des combattants islamistesEn visite à Bagdad, le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, a félicité, lundi 11 février, les soldats américains pour avoir mis en difficulté les combattants islamistes d'Al-Qaida. "Al-Qaida est en déroute (...) et la violence a été réduite de façon spectaculaire", a-t-il déclaré lors d'une brève allocution dans la capitale irakienne. "La situation reste fragile, mais le peuple irakien a aujourd'hui l'occasion de se bâtir un avenir meilleur, plus sûr et plus prospère", a-t-il ajouté. D'ici juillet, l'armée américaine prévoit de retirer cinq brigades, ramenant le nombre de soldats à 130 000, soit le niveau d'avant l'hiver 2006-2007. - (AFP.)
[-] fermerTrès soigneusement manuscrites en arabe, les seize pages de ce "journal de guerre" signées par un "émir" local, un chef régional de l'organisation, qui n'a pas été capturé mais dont les Irakiens ont retrouvé le paraphe sur plus d'une vingtaine de sentences de mort émises contre des "traîtres", donnent l'impression d'une véritable déroute. Une impression que les Américains modèrent : "Al-Qaida est toujours là, et dangereux."
"Il y avait près de 600 combattants dans notre secteur avant que les tribus (de la zone) changent de camp", écrit Abou Tariq. "Beaucoup ont abandonné le combat et certains ont rejoint les déserteurs (...). Il nous reste une vingtaine de combattants, peut-être moins", poursuit-il. Rédigeant en octobre, l'auteur se lamente - "Nous avons été maltraités et trahis par certains de nos frères" - et menace : "Nous ne devons faire preuve d'aucune pitié pour ces traîtres jusqu'à ce qu'ils reviennent dans le droit chemin ou soient complètement éliminés."
Passant en revue les cinq "bataillons" dont il avait la charge, l'"émir" qui aurait fui à Mossoul, où les forces américaines et irakiennes ont lancé une offensive qui a déjà fait des dizaines de morts, fait l'inventaire des pertes subies. "Le bataillon des martyrs de Laylat Al-Qadr avait 200 hommes bien équipés. (...) La majorité nous a trahis. (...) Il en reste 10. (...) Celui d'Abou Hayder Al-Ansari avait 300 hommes, de bonnes armes et 17 véhicules. (...) Il nous a trahis et la plupart de ses hommes ont rejoint les infidèles. (...) Muhammad Ben Muslimah a été tué par les traîtres de l'Armée islamique en Irak (groupe armé sunnite "nationaliste") avec l'aide des hélicoptères des envahisseurs. (...) Beaucoup ont fui avec leurs armes, spécialement ceux de la tribu... (nom biffé par les Américains) qui ont rejoint les traîtres de Sahwa."
Les groupes du "Sahwa" - "Réveil" en arabe - portent des noms différents selon les régions et les tribus. Ce sont des sortes de comités populaires d'autodéfense créés par différentes tribus, sunnites à 82 %, qui étaient le plus souvent alliées aux djihadistes, mais qui ont fini par se révolter contre leurs méthodes sanglantes ou qui ont été "retournées" à coups de dollars et de "services" divers par les Américains.
Le contre-amiral Smith a évalué, dimanche, leur nombre à plus de 77 500 hommes - dont 15 000 à Bagdad - répartis dans plus de 300 milices à travers le pays. Parmi eux, "beaucoup" appartenaient soit à Al-Qaida, soit à l'une ou l'autre des organisations de "résistance nationaliste" - dont l'Armée islamique en Irak et les Brigades de la révolution de 1920 - qui, en principe, existent toujours, mais affirment ne pas recourir aux attentats aveugles qui ont tué des milliers de civils chiites depuis cinq ans.
RAPPORT D'ACTIVITÉ
Un second document de 39 pages dactylographiées et non signé a été partiellement dévoilé dimanche. Celui-ci a été saisi le 18 novembre près de Samarra, à 110 km au nord de la capitale, lors d'une opération au cours de laquelle Abou Maysara, l'un des hauts dirigeants djihadistes, a été tué. Parmi d'autres prises de guerre - ordinateurs, disques compacts et DVD -, le document, "probablement rédigé pendant l'été 2007" selon l'officier américain, ressemble à un rapport d'activité et fait part de "la crise profonde subie par l'Etat islamique en Irak (établi, tout virtuellement, par Al-Qaida en 2005), spécialement dans la province d'Al-Anbar".
L'auteur anonyme explique combien les "combattants étrangers" du groupe ont "du mal à circuler librement en raison de leur accent" dans cette province sunnite qui fut la place forte de l'organisation avant de devenir le lieu de naissance des "Sahwa". Il fait part des "désillusions" de ces combattants - Saoudiens, Maghrébins et Yéménites pour l'essentiel -, de leur "manque de ferveur" et recommande de "ne plus les utiliser que pour des missions-suicides". Il se plaint également de "difficultés grandissantes pour recruter" des combattants locaux, met l'accent sur "le manque d'expérience militaire des émirs" et fustige les "tribus renégates" qui se sont alliées "aux infidèles pour nous détruire". "Nous avons perdu les villes, conclut-il, puis les villages. Nous nous sommes éloignés des gens et n'avons trouvé refuge que dans un dangereux désert."
Source : Le Monde
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