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France déficit extérieur record, et alors ?

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  • France déficit extérieur record, et alors ?

    Faut-il s'inquiéter du creusement du déficit commercial français ? Pour Daniel Vigneron, rédacteur en chef à La Tribune, la réponse est: "pas vraiment". Explication de gravure...

    Une claque majeure pour l'économie française, le reflet de toutes ses faiblesses, un chiffre cruel..." Economistes et commentateurs ont donné la semaine dernière un pathétique concert de lamentations à l'annonce de l'aggravation du déficit commercial de l'Hexagone, passé de 30 milliards d'euros en 2006 à 39 milliards l'an dernier. Mauvais positionnement de nos produits, mauvaise orientation géographique, manque de compétitivité du made in France... tout y passe pour expliquer cette "descente aux enfers". C'est donc grave, docteur ? En fait, pas vraiment. Le déficit commercial de la France n'est qu'une donnée, mais ce n'est pas un problème.

    Tout d'abord, il faut relativiser le malheur. Pendant que la France enregistre un peu moins de 40 milliards de déficit, le Royaume-Uni est lui dans le rouge de près de 130 milliards ! Quant à l'Espagne - qui représente la moitié de l'économie française en termes de PIB - son déficit devrait avoisiner les 110 milliards.

    Ah, bien sûr, la référence, le modèle économique des Français, présente un tout autre bilan: l'Allemagne a pulvérisé l'an dernier son record absolu d'excédent commercial à 200 milliards d'euros. Rien d'étonnant à cela: ces divergences sont structurelles.

    Si l'on considère sur une durée de seize années (depuis 1992, c'est-à-dire après la réunification allemande) le solde des échanges de biens des grands pays de l'Union européenne, on constate que deux nations sont traditionnellement excédentaires. Ce sont l'Allemagne et l'Italie. La patrie de Goethe est néanmoins très loin devant: depuis des décennies, elle enregistre des excédents commerciaux très conséquents et ses excédents cumulés depuis seize ans (une mesure parfaitement théorique puisque la balance des paiements globale d'un pays est, par définition, à l'équilibre chaque année) avoisinent les 1.500 milliards d'euros. La patrie de Dante a, quant à elle, enregistré quinze ans d'excédents sur les seize dernières années et leur cumul atteint 290 milliards d'euros.

    A l'inverse, deux pays sont traditionnellement déficitaires: le Royaume-Uni et l'Espagne, constamment en déficit sur les seize dernières années et qui cumulent respectivement 868 et 603 milliards de déficit sur la période. La France, elle, est dans une position médiane: onze excédents, cinq déficits sur les seize dernières années avec un solde cumulé pratiquement à l'équilibre.

    Mais la balance commerciale ne dit pas tout. Elle ne constitue qu'une partie de la balance courante qui comprend également les échanges de services ainsi que les revenus d'investissements et de transferts (immigrés, contributions aux institutions internationales). En matière d'échanges de service, la musique change. Alors que l'Allemagne cumule 674 milliards de déficit, France (+ 232 milliards), Espagne (+ 292) et Royaume-Uni (+ 377) engrangent d'importants excédents du fait du tourisme pour les deux premiers et des services financiers pour le troisième.

    Ce qui corrige d'autant le solde de leur balance courante, juste mesure des revenus ou des engagements d'une nation vis-à-vis du reste du monde. Or, en termes de balance courante, la France est traditionnellement excédentaire: treize excédents pour trois déficits (il est vrai ces trois dernières années) en seize ans. Bref, selon qu'une économie est orientée vers l'industrie ou les services, selon qu'elle reçoit ou non beaucoup d'investissements de l'étranger ou qu'elle en fait elle-même à l'étranger, la structure de sa balance courante s'en trouvera profondément modifiée.

    Un constat achève de convaincre de la non-pertinence du solde commercial comme mesure de la santé économique d'un pays. L'Allemagne, champion commercial de l'Europe, a vu en seize ans son PIB s'accroître de 24% et sa consommation privée de 17%. Dans le même temps, PIB et consommation se sont accrus de 33% en France et de 54% au Royaume-Uni. Les chiffres espagnols sont encore plus flamboyants: 65% et 58%.

    En clair, les dépenses de consommation - une mesure du bien-être national - se sont accrues deux fois plus vite en France qu'en Allemagne et trois fois plus vite au Royaume-Uni. Et l'Hexagone ne s'est pas plus endetté que son voisin germanique... Cela a-t-il un sens, dans ces conditions, de porter le deuil de notre solde commercial ?

    Daniel Vigneron, rédacteur en chef à La Tribune, responsable du service Economie internationale
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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