Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Une ’économie innovante ne se juge pas à l’aune de ses exportations»

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Une ’économie innovante ne se juge pas à l’aune de ses exportations»

    Débat. Pourquoi le niveau record du déficit commercial de la France n’est-il pas un problème ?
    Recueilli par CHRISTOPHE ALIX et GUILLAUME DUVAL (Alternatives économiques) : lundi 18 février 2008

    Fustigeant «l’hystérie du déficit commercial français» dans une intervention très commentée par les internautes sur le blog des éco-comparateurs de Libération.fr, Alexandre Delaigue soutient, à rebours du discours ambiant sur la perte de compétitivité de l’économie française, que le solde négatif de 39,2 milliards d’euros enregistré en 2007 n’a «aucune importance». Explications avec cet «éconoclaste» aux raisonnements «contre-intuitifs» et très macroéconomiques.

    Pourquoi dites-vous que notre solde du commerce extérieur fortement dégradé «n’a aucune signification» ?

    Le rapport entre le niveau des exportations et celui des importations de marchandises n’est pas un bon indicateur de la santé économique d’un pays. D’autres ont une signification claire - le Produit intérieur brut (PIB) qui mesure la croissance, le taux de chômage, etc. -, mais dans le cas du commerce extérieur, il ne s’agit que d’une composante d’un ensemble bien plus vaste que l’on appelle la balance des paiements. Elle inclut la totalité des activités et transactions (services, investissements, revenus…) réalisées par la France avec l’étranger. Rapporté à cet ensemble, le déficit du commerce extérieur représente finalement une toute petite somme.

    En quoi cela minimise-t-il la contre-performance du commerce extérieur français ?

    Selon qu’une économie est plus orientée vers l’industrie ou les services, selon qu’elle reçoit peu ou beaucoup d’investissements de l’étranger, qu’elle attire ou non des touristes, la structure de sa balance des paiements va être différente. Alors que l’Allemagne affiche un excédent commercial record de 200 milliards d’euros, elle reçoit deux fois moins d’investissements étrangers que la France, qui reste la troisième terre d’accueil mondiale dans ce domaine.

    Où voulez-vous en venir ?

    Ce sont justement ces arrivées de revenus qui créent une balance commerciale déficitaire et font qu’il est moins «rentable» pour une entreprise de satisfaire les marchés étrangers plutôt que son marché local. A la différence de l’Allemagne qui ne consomme plus et gèle, voire baisse, les salaires afin de doper sa compétitivité à l’export, la France a une économie plus tournée vers les biens de consommation et la satisfaction de sa demande intérieure. Sur les seize dernières années, la consommation, qui compte finalement plus que les exportations dans le bien-être national, s’est accru deux fois plus vite en France qu’en Allemagne ! A court terme, le meilleur moyen de rétablir le commerce extérieur serait de baisser les salaires, favoriser cette soi-disant «politique de l’offre» réclamée par le Medef. Mais ce qui est bon pour une firme ne vaut pas forcément pour un pays.

    Vous avez des exemples ?

    Ils sont légion. Ce sont les Européens qui ont connu les plus forts déficits ces dernières années, comme l’Espagne ou la Grande-Bretagne qui ont le plus bénéficié de la croissance. En France, le solde commercial s’est accru dans les périodes de récession (début des années 90) et détérioré dans des périodes de croissance plus forte (1998-2003). Le Japon qui accumule depuis quinze ans des excédents records sort à peine de son marasme économique. Quant à l’abyssal trou américain, il n’a pas empêché ce pays, au contraire, de bénéficier d’une croissance record ni de créer une richesse colossale en poussant à fond sa spécialisation dans la nouvelle économie du savoir, considérée comme la clé de la croissance au XXIe siècle. En faisant fabriquer ses iPod en Asie, Apple creuse le déficit commercial américain. Mais au final, les revenus d’Apple n’enrichissent-ils pas l’Amérique ?

    Le problème de la France n’est-il pas que son déficit ne s’accompagne pas d’une croissance forte et n’est pas «compensé» par l’émergence de Google tricolores ?

    Les problèmes de l’industrie française ne sont pas uniquement structurels, comme on l’entend, mais aussi conjoncturels. Sans revenir sur le niveau de l’euro ou la facture énergétique, les difficultés d’Airbus viennent par exemple d’une gamme en fin de cycle alors que Boeing a renouvelé la sienne. A trop se focaliser sur l’impact symbolique du commerce extérieur, on risque à la fois d’exercer, comme en Allemagne, une pression à la baisse excessive sur les salaires qui serait dommageable à l’économie dans son ensemble, mais également d’aider des secteurs peu intéressants.

    Que voulez-vous dire par là ?

    L’idée de cibler un type d’entreprises, les PME exportatrices, et de prendre exemple sur le dynamisme allemand dans les biens intermédiaires, alors même que les besoins d’équipement des pays émergents ont un caractère moins pérenne à long terme que les biens de consommation - c’est le directeur de la Coface [Caisse française d’assurance pour le commerce extérieur, ndlr] qui le dit - risque d’égarer la France sur la voie d’une mauvaise spécialisation. Une économie innovante ne se juge plus à l’aune de ses exportations. Quitte à ce qu’elle vienne d’ailleurs. Il est au fond plus rentable de diffuser l’innovation sur son territoire - pensez à ce qu’a apporté le PC à la productivité française - que de s’escrimer à la soutenir en subventionnant un Bull comme on l’a fait pendant des années. Les symboles c’est bien, mais ce qui compte pour l’économie, c’est ce dont on dispose pour la consommation.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
Chargement...
X