UN RAPPORT ÉTONNAMMENT ÉLOGIEUX
Le conseil d’administration du Fonds monétaire international a rendu public ce mardi 19 février son rapport annuel d’appréciation des performances de l’économie nationale, particulièrement en matière monétaire et financière.
Par Ammar Belhimer
En vertu de l'article IV de ses statuts, le FMI tient des discussions bilatérales avec des membres, habituellement chaque année. Une équipe de personnel visite le pays, rassemble l'information économique et financière, et discute avec des fonctionnaires les développements économiques et les politiques du pays. De retour à Washington, les experts préparent un rapport, qui sert de base de discussions pour le conseil d’administration. Après discussions, le directeur général, en sa qualité de président du conseil d'administration, récapitule les vues des directeurs exécutifs, et ce résumé est transmis aux autorités du pays.
Un bilan élogieux
Le dernier rapport du FMI est plus qu’élogieux et l’appréciation générale qu’il porte sur l’état de notre économie bénéficie d’une appréciation positive inédite. Les réformes économiques axées sur le marché ces dernières années ont commencé à porter leurs fruits, avec une croissance plus forte, une inflation faible et des positions budgétaires et extérieure fortes.
La croissance du PIB réel a atteint un sommet de 4,6% en 2007, contre 2% en 2006, reflétant «la forte croissance du secteur hors hydrocarbures (6%), une croissance tirée par les services, la construction et les travaux publics». L'inflation est restée faible en dépit de la hausse des prix des produits alimentaires, alors que le chômage a continué à diminuer en 2007, même s’il reste «particulièrement élevé chez les jeunes».
La position extérieure de l'Algérie continue à se renforcer. Stimulées par une forte flambée des cours du pétrole, les réserves internationales ont à présent dépassé les 100 milliards de dollars ; l'excédent du compte courant extérieur est resté au-dessus de 20% du PIB en 2007. La politique budgétaire demeure expansionniste.
Le déficit budgétaire a atteint environ 37,5% du PIB en 2007, contre 36% en 2006, suite au programme d'investissements publics et aux augmentations salariales. Le FMI a enfin admis que «l'importante augmentation de la masse salariale prévue dans le budget 2008 vise à améliorer l'efficacité de l'administration publique». Ailleurs, dans le secteur public hors hydrocarbures producteur de biens et de services, il attend que les augmentations de salaire public soient alignées «avec les gains de productivité », afin de préserver la compétitivité et la viabilité budgétaires à long terme.
Néanmoins, la hausse des revenus des hydrocarbures a maintenu l’excédent budgétaire global à 12% en 2007, relevant la consistance du Fonds de stabilisation des hydrocarbures (FRR). Les progrès se sont poursuivis dans les réformes structurelles pour renforcer l'intermédiation financière et améliorer l'environnement des affaires, afin de stimuler davantage les investissements privés et la croissance à moyen terme. Au regard de cette appréciation, le conseil d’administration du Fonds monétaire international se «félicite» et «encourage (…) à poursuivre les performances économiques de ces dernières années», parce qu’elles «reflètent des réformes axées sur le marché et des politiques macroéconomiques prudentes dans un environnement extérieur favorable». A l’appui de cette appréciation, il cite une première batterie d’indices d’ordre interne : «l’accélération de la croissance hors hydrocarbures, la relance de l'emploi et le contrôle des pressions inflationnistes ». Par ailleurs, «les postes extérieurs et budgétaires demeurent solides et les autorités soutiennent un ambitieux programme d'investissement qui a commencé à améliorer les infrastructures et les conditions de vie».
Les administrateurs du Fonds attendent, cependant, on s’en doutait, que le pays améliore son niveau de productivité, poursuive ses efforts hors hydrocarbures, baisse davantage le taux de chômage (qui «reste élevé»). Par ailleurs, ils se félicitent de l'engagement des autorités à poursuivre la stabilisation macroéconomique grâce, «en particulier, au rôle que doit jouer l'amélioration de l'intermédiation financière ». Ils estiment que «le resserrement de la politique monétaire a absorbé l'excédent de liquidités dans le système bancaire et contribué à maintenir l'inflation sous contrôle, malgré l'augmentation des prix des produits alimentaires ».
En matière de taux de change, préoccupation majeure, ils estiment que «la politique de change est compatible avec la stabilité externe» et relèvent que «l'évaluation du taux de change réel reste proche de son niveau d'équilibre». Toutefois, les autorités sont encouragées à poursuivre la gestion du taux de change «d'une manière flexible», tout en mettant en œuvre des politiques visant à améliorer la productivité et la diversification économique.
Les administrateurs se disent également «encouragés par les progrès enregistrés dans le sens du renforcement de l'administration fiscale et de la simplification du système fiscal». Ce qui semble de bon augure pour l’amélioration du climat des affaires, un objectif axial mesuré à l’aune du renforcement du secteur privé, notamment des banques privées, et de sa capacité à entraîner la croissance. A ce titre, ils attribuent «une haute priorité à l'amélioration de la gouvernance des banques et la gestion du risque, étant donné la forte croissance de la demande actuelle de crédit émanant du secteur privé». Ils font toutefois remarquer que «les systèmes de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises ne devraient
pas détourner les banques d'une évaluation attentive du risque de crédit».
Quelle signification ?
Le remboursement anticipé de la dette extérieure de notre pays a pour effet un relâchement de la contrainte financière qui se traduit, en termes de souveraineté de la décision économique, du passage du contrôle de performance institué en période de rééchelonnement à un régime dit de «la surveillance ordinaire de l’article IV».
Dans le contexte de l’ajustement externe, induit par les déficits de balance de paiements (comme c’était le cas de l’Algérie depuis 1994, avant qu’elle ne s’acquitte récemment de ses engagements à l’endroit du FMI), les objectifs macroéconomiques ne relèvent pas de l’entière responsabilité des centres internes de décision, qu’il s’agisse de leur établissement, de leur suivi ou de leur sanction.
Les conditionnalités corrélatives au rééchelonnement associent étroitement le Fonds monétaire international à leur élaboration et à leur mise en œuvre. Cette association est même la condition préalable nécessaire pour que, parallèlement, les créanciers publics et privés étrangers accèdent à la demande algérienne de rééchelonnement, dans le cadre de la renégociation des accords initiaux d’emprunt. Sur le plan du droit contractuel, le rééchelonnement avait requis deux instruments principaux : les accords intergouvernementaux relevant du droit international qui avaient organisé le rééchelonnement de la dette publique, dans le cadre du Club de Paris, et les contrats internationaux relevant de l’ordre juridique national déterminé par les parties qui avaient organisé celui de la dette privée par le Club de Londres.
Cependant, la mise en œuvre des deux instruments avait été conditionnée par l’accès aux tirages dans les tranches supérieures de crédit du Fonds monétaire international, en vertu de l’accord de confirmation (stand by agreement) et de la facilité de financement élargie. In fine, l’assistance graduée du Fonds emprunte les voies de tirages sur les tranches de crédit. Les procédures et les mécanismes établis vont permettre au Fonds de déterminer la nature du déficit afin de cibler les tranches de crédit requises, arrêter les conditionnalités correspondantes et mettre en place le suivi. Dès lors qu’un pays s’acquitte de ses dettes, de nouveaux rapports s’instaurent entre lui et le Fonds.
La «surveillance ordinaire » de l’article IV régit leurs rapports. La décision du conseil d’administration de 1968 - 2603 (18/132) donne une définition restrictive des clauses de réalisation associées aux consultations dites «de l’article IV» : «Les clauses de réalisation ne porteront que sur les critères de réalisation nécessaires pour évaluer l’exécution du programme en vue d’assurer la seule réalisation de ses objectifs.» Les consultations de «l’article IV» concernent tous les pays membres du Fonds.
Les nouveaux indicateurs d’appréciation ne portent plus sur la mesure des nouvelles conditions de mobilisation des ressources mais sur l’impact des décisions macroéconomiques sur le climat des affaires, l’investissement étranger, le taux de change. Dès lors qu’elle n’est plus attachée à des échéances de tirages, la surveillance ordinaire, dite de l’article IV, est alors moins directement contraignante. Elle donne des indicateurs plus «ramassés» et ses «prescriptions» n’ont plus de caractère contraignant.
A. B. (Le Soir d'Algérie)
Le conseil d’administration du Fonds monétaire international a rendu public ce mardi 19 février son rapport annuel d’appréciation des performances de l’économie nationale, particulièrement en matière monétaire et financière.
Par Ammar Belhimer
En vertu de l'article IV de ses statuts, le FMI tient des discussions bilatérales avec des membres, habituellement chaque année. Une équipe de personnel visite le pays, rassemble l'information économique et financière, et discute avec des fonctionnaires les développements économiques et les politiques du pays. De retour à Washington, les experts préparent un rapport, qui sert de base de discussions pour le conseil d’administration. Après discussions, le directeur général, en sa qualité de président du conseil d'administration, récapitule les vues des directeurs exécutifs, et ce résumé est transmis aux autorités du pays.
Un bilan élogieux
Le dernier rapport du FMI est plus qu’élogieux et l’appréciation générale qu’il porte sur l’état de notre économie bénéficie d’une appréciation positive inédite. Les réformes économiques axées sur le marché ces dernières années ont commencé à porter leurs fruits, avec une croissance plus forte, une inflation faible et des positions budgétaires et extérieure fortes.
La croissance du PIB réel a atteint un sommet de 4,6% en 2007, contre 2% en 2006, reflétant «la forte croissance du secteur hors hydrocarbures (6%), une croissance tirée par les services, la construction et les travaux publics». L'inflation est restée faible en dépit de la hausse des prix des produits alimentaires, alors que le chômage a continué à diminuer en 2007, même s’il reste «particulièrement élevé chez les jeunes».
La position extérieure de l'Algérie continue à se renforcer. Stimulées par une forte flambée des cours du pétrole, les réserves internationales ont à présent dépassé les 100 milliards de dollars ; l'excédent du compte courant extérieur est resté au-dessus de 20% du PIB en 2007. La politique budgétaire demeure expansionniste.
Le déficit budgétaire a atteint environ 37,5% du PIB en 2007, contre 36% en 2006, suite au programme d'investissements publics et aux augmentations salariales. Le FMI a enfin admis que «l'importante augmentation de la masse salariale prévue dans le budget 2008 vise à améliorer l'efficacité de l'administration publique». Ailleurs, dans le secteur public hors hydrocarbures producteur de biens et de services, il attend que les augmentations de salaire public soient alignées «avec les gains de productivité », afin de préserver la compétitivité et la viabilité budgétaires à long terme.
Néanmoins, la hausse des revenus des hydrocarbures a maintenu l’excédent budgétaire global à 12% en 2007, relevant la consistance du Fonds de stabilisation des hydrocarbures (FRR). Les progrès se sont poursuivis dans les réformes structurelles pour renforcer l'intermédiation financière et améliorer l'environnement des affaires, afin de stimuler davantage les investissements privés et la croissance à moyen terme. Au regard de cette appréciation, le conseil d’administration du Fonds monétaire international se «félicite» et «encourage (…) à poursuivre les performances économiques de ces dernières années», parce qu’elles «reflètent des réformes axées sur le marché et des politiques macroéconomiques prudentes dans un environnement extérieur favorable». A l’appui de cette appréciation, il cite une première batterie d’indices d’ordre interne : «l’accélération de la croissance hors hydrocarbures, la relance de l'emploi et le contrôle des pressions inflationnistes ». Par ailleurs, «les postes extérieurs et budgétaires demeurent solides et les autorités soutiennent un ambitieux programme d'investissement qui a commencé à améliorer les infrastructures et les conditions de vie».
Les administrateurs du Fonds attendent, cependant, on s’en doutait, que le pays améliore son niveau de productivité, poursuive ses efforts hors hydrocarbures, baisse davantage le taux de chômage (qui «reste élevé»). Par ailleurs, ils se félicitent de l'engagement des autorités à poursuivre la stabilisation macroéconomique grâce, «en particulier, au rôle que doit jouer l'amélioration de l'intermédiation financière ». Ils estiment que «le resserrement de la politique monétaire a absorbé l'excédent de liquidités dans le système bancaire et contribué à maintenir l'inflation sous contrôle, malgré l'augmentation des prix des produits alimentaires ».
En matière de taux de change, préoccupation majeure, ils estiment que «la politique de change est compatible avec la stabilité externe» et relèvent que «l'évaluation du taux de change réel reste proche de son niveau d'équilibre». Toutefois, les autorités sont encouragées à poursuivre la gestion du taux de change «d'une manière flexible», tout en mettant en œuvre des politiques visant à améliorer la productivité et la diversification économique.
Les administrateurs se disent également «encouragés par les progrès enregistrés dans le sens du renforcement de l'administration fiscale et de la simplification du système fiscal». Ce qui semble de bon augure pour l’amélioration du climat des affaires, un objectif axial mesuré à l’aune du renforcement du secteur privé, notamment des banques privées, et de sa capacité à entraîner la croissance. A ce titre, ils attribuent «une haute priorité à l'amélioration de la gouvernance des banques et la gestion du risque, étant donné la forte croissance de la demande actuelle de crédit émanant du secteur privé». Ils font toutefois remarquer que «les systèmes de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises ne devraient
pas détourner les banques d'une évaluation attentive du risque de crédit».
Quelle signification ?
Le remboursement anticipé de la dette extérieure de notre pays a pour effet un relâchement de la contrainte financière qui se traduit, en termes de souveraineté de la décision économique, du passage du contrôle de performance institué en période de rééchelonnement à un régime dit de «la surveillance ordinaire de l’article IV».
Dans le contexte de l’ajustement externe, induit par les déficits de balance de paiements (comme c’était le cas de l’Algérie depuis 1994, avant qu’elle ne s’acquitte récemment de ses engagements à l’endroit du FMI), les objectifs macroéconomiques ne relèvent pas de l’entière responsabilité des centres internes de décision, qu’il s’agisse de leur établissement, de leur suivi ou de leur sanction.
Les conditionnalités corrélatives au rééchelonnement associent étroitement le Fonds monétaire international à leur élaboration et à leur mise en œuvre. Cette association est même la condition préalable nécessaire pour que, parallèlement, les créanciers publics et privés étrangers accèdent à la demande algérienne de rééchelonnement, dans le cadre de la renégociation des accords initiaux d’emprunt. Sur le plan du droit contractuel, le rééchelonnement avait requis deux instruments principaux : les accords intergouvernementaux relevant du droit international qui avaient organisé le rééchelonnement de la dette publique, dans le cadre du Club de Paris, et les contrats internationaux relevant de l’ordre juridique national déterminé par les parties qui avaient organisé celui de la dette privée par le Club de Londres.
Cependant, la mise en œuvre des deux instruments avait été conditionnée par l’accès aux tirages dans les tranches supérieures de crédit du Fonds monétaire international, en vertu de l’accord de confirmation (stand by agreement) et de la facilité de financement élargie. In fine, l’assistance graduée du Fonds emprunte les voies de tirages sur les tranches de crédit. Les procédures et les mécanismes établis vont permettre au Fonds de déterminer la nature du déficit afin de cibler les tranches de crédit requises, arrêter les conditionnalités correspondantes et mettre en place le suivi. Dès lors qu’un pays s’acquitte de ses dettes, de nouveaux rapports s’instaurent entre lui et le Fonds.
La «surveillance ordinaire » de l’article IV régit leurs rapports. La décision du conseil d’administration de 1968 - 2603 (18/132) donne une définition restrictive des clauses de réalisation associées aux consultations dites «de l’article IV» : «Les clauses de réalisation ne porteront que sur les critères de réalisation nécessaires pour évaluer l’exécution du programme en vue d’assurer la seule réalisation de ses objectifs.» Les consultations de «l’article IV» concernent tous les pays membres du Fonds.
Les nouveaux indicateurs d’appréciation ne portent plus sur la mesure des nouvelles conditions de mobilisation des ressources mais sur l’impact des décisions macroéconomiques sur le climat des affaires, l’investissement étranger, le taux de change. Dès lors qu’elle n’est plus attachée à des échéances de tirages, la surveillance ordinaire, dite de l’article IV, est alors moins directement contraignante. Elle donne des indicateurs plus «ramassés» et ses «prescriptions» n’ont plus de caractère contraignant.
A. B. (Le Soir d'Algérie)
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