Maroc - Rapport annuel 2008
Superficie : 446 550 km2 (sans le Sahara occidental).
Population : 31 478 000.
Langue : arabe.
Chef de l’Etat : Roi Mohammed VI.
L’année 2007 a été, pour les journalistes marocains, celle de tous les dangers et de toutes les mauvaises surprises. L’Etat a donné l’impression de vouloir réformer le code de la presse, tout en n’hésitant pas à emprisonner des journalistes et faire saisir leurs publications. Le pouvoir de Mohammed VI continue de jongler maladroitement avec l’envie de préserver son image à l’étranger et la tentation de contrôler la presse indépendante marocaine.
La monarchie marocaine a montré en 2007 les limites de sa capacité d’ouverture démocratique, pourtant mille fois promise. Quelques chiffres suffisent à illustrer les difficultés qui se sont dressées sur le chemin des journalistes du royaume tout au long de l’année 2007. Le journaliste Mostapha Hurmatallah a passé 56 jours à la prison d’Okacha (Casablanca) pour avoir publié un article sur l’armée. Environ 92 000 numéros des hebdomadaires Nichane et Tel Quel ont été saisis par le ministère de l’Intérieur, puis détruits dans les locaux de l’imprimerie, à cause d’un éditorial jugé peu respectueux envers la personne du roi. Au total, depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, pas moins de 34 organes de presse ont été censurés et 20 journalistes ont été condamnés à des peines de prison.
En janvier 2007, le directeur du Journal hebdomadaire, l’une des premières publications indépendantes du pays, s’est vu contraint de démissionner pour éviter la fermeture de son média. Condamné pour "diffamation" en avril 2006, Aboubakr Jamaï ne disposait pas de la somme exigée - trois millions de dirhams (270 000 euros) - qui aurait pu alors être prélevée par l’Etat sur les fonds du journal, le conduisant à une mort certaine.
Les journalistes face à un Etat lunatique
L’Etat a gagné tous les procès qu’il a intentés à des journalistes en vertu du code de la presse ou du code pénal. En 2007, pas plus que lors des années précédentes, la justice n’a su démontrer son indépendance. Elle reste aux ordres d’un pouvoir qui l’instrumentalise pour faire pression sur ceux qui osent franchir les lignes rouges. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à le faire sans pour autant se retrouver tous sur les bancs des tribunaux. Les réactions de l’Etat sont imprévisibles et les journalistes ne savent plus sur quel pied danser. Dans le doute, l’autocensure reste le meilleur moyen d’éviter tout problème.
Au cours de l’année 2007, les ministères de la Communication et de la Justice ont travaillé à faire évoluer le code de la presse en concertation avec le Syndicat national de la presse marocaine et la Fédération marocaine des éditeurs. Finalement, aucun projet de loi n’a été présenté au Parlement, les parties prenantes n’ayant pas réussi à s’entendre sur une version définitive. Les autorités marocaines se sont montrées peu disposées à dépénaliser les délits de presse. Certes, de nombreux articles du code actuellement en vigueur et prévoyant des peines de prison ont été supprimés d’une version provisoire du projet de loi, mais celle-ci contenait toujours les principaux articles utilisés ces dernières années pour faire condamner les journalistes. L’adoption de ce texte en l’état n’aurait apporté aucun répit aux professionnels des médias.
Les sujets délicats à traiter pour la presse sont nombreux au Maroc. C’est souvent pour avoir abordé des thèmes tels que la monarchie, l’armée, l’islam ou encore le Sahara occidental que des journalistes indépendants ont connu des démêlés avec la justice ou que des sites Internet tels que YouTube ou des sites proches du mouvement indépendantiste sahraoui Front Polisario ont été censurés.
Tourmente estivale sur les médias
Alors que les négociations pour la réforme du code de la presse étaient en cours, deux journalistes ont été interpellés, en juillet, à leur domicile et placés en garde à vue pendant huit jours à la stupéfaction générale. Il faut dire que l’affaire n’était pas banale. Abderrahim Ariri, directeur de publication de l’hebdomadaire arabophone Al Watan Al An, et le journaliste Mostapha Hurmatallah ont été poursuivis pour “recel de documents obtenus à l’aide d’un crime”, en vertu du code pénal, après avoir publié un dossier intitulé "Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc". L’un des articles s’appuyait sur une note des services secrets marocains, publiée dans le journal, qui avisait tous les services de sécurité de faire preuve de vigilance après la diffusion sur Internet d’un enregistrement vidéo d’un groupe terroriste lançant "un appel solennel au djihad contre le Maroc". Mostapha Hurmatallah a été incarcéré pendant toute la durée de son procès, en première instance, au terme duquel il a été condamné à huit mois de prison tandis que son directeur a écopé d’une peine avec sursis. La cour d’appel, qui a accordé une mise en liberté provisoire à Mostapha Hurmatallah après 56 jours de détention, a confirmé le jugement, allégeant la peine d’un mois seulement pour les deux journalistes. Cette affaire poursuit son cours devant la Cour de cassation et continue de peser sur la rédaction comme une épée de Damoclès.
Ahmed Reda Benchemsi, directeur de publication des hebdomadaires Nichane et Tel Quel, a été convoqué par la brigade nationale de la police judiciaire, au début du mois d’août, et longuement interrogé suite à la publication d’un éditorial critique envers Mohammed VI. Sur ordre du ministre de l’Intérieur, la police a saisi puis détruit tous les numéros de Nichane et Tel Quel dans les locaux de l’imprimeur, lui-même interrogé dans le cadre de cette affaire. Ahmed Reda Benchemsi a été inculpé en vertu de l’article 41 du code de la presse pour "manquement au respect dû au roi". Déjà reporté à plusieurs reprises, le procès, pour lequel le directeur des deux publications risque jusqu’à cinq ans de prison, devrait s’ouvrir en 2008.
Au-delà des conséquences immédiates de ces deux affaires pour les rédactions incriminées, elles ont laissé un goût amer aux professionnels des médias marocains qui se réjouissaient, jusque-là, de leur situation privilégiée dans le monde arabe.
Superficie : 446 550 km2 (sans le Sahara occidental).
Population : 31 478 000.
Langue : arabe.
Chef de l’Etat : Roi Mohammed VI.
L’année 2007 a été, pour les journalistes marocains, celle de tous les dangers et de toutes les mauvaises surprises. L’Etat a donné l’impression de vouloir réformer le code de la presse, tout en n’hésitant pas à emprisonner des journalistes et faire saisir leurs publications. Le pouvoir de Mohammed VI continue de jongler maladroitement avec l’envie de préserver son image à l’étranger et la tentation de contrôler la presse indépendante marocaine.
La monarchie marocaine a montré en 2007 les limites de sa capacité d’ouverture démocratique, pourtant mille fois promise. Quelques chiffres suffisent à illustrer les difficultés qui se sont dressées sur le chemin des journalistes du royaume tout au long de l’année 2007. Le journaliste Mostapha Hurmatallah a passé 56 jours à la prison d’Okacha (Casablanca) pour avoir publié un article sur l’armée. Environ 92 000 numéros des hebdomadaires Nichane et Tel Quel ont été saisis par le ministère de l’Intérieur, puis détruits dans les locaux de l’imprimerie, à cause d’un éditorial jugé peu respectueux envers la personne du roi. Au total, depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, pas moins de 34 organes de presse ont été censurés et 20 journalistes ont été condamnés à des peines de prison.
En janvier 2007, le directeur du Journal hebdomadaire, l’une des premières publications indépendantes du pays, s’est vu contraint de démissionner pour éviter la fermeture de son média. Condamné pour "diffamation" en avril 2006, Aboubakr Jamaï ne disposait pas de la somme exigée - trois millions de dirhams (270 000 euros) - qui aurait pu alors être prélevée par l’Etat sur les fonds du journal, le conduisant à une mort certaine.
Les journalistes face à un Etat lunatique
L’Etat a gagné tous les procès qu’il a intentés à des journalistes en vertu du code de la presse ou du code pénal. En 2007, pas plus que lors des années précédentes, la justice n’a su démontrer son indépendance. Elle reste aux ordres d’un pouvoir qui l’instrumentalise pour faire pression sur ceux qui osent franchir les lignes rouges. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à le faire sans pour autant se retrouver tous sur les bancs des tribunaux. Les réactions de l’Etat sont imprévisibles et les journalistes ne savent plus sur quel pied danser. Dans le doute, l’autocensure reste le meilleur moyen d’éviter tout problème.
Au cours de l’année 2007, les ministères de la Communication et de la Justice ont travaillé à faire évoluer le code de la presse en concertation avec le Syndicat national de la presse marocaine et la Fédération marocaine des éditeurs. Finalement, aucun projet de loi n’a été présenté au Parlement, les parties prenantes n’ayant pas réussi à s’entendre sur une version définitive. Les autorités marocaines se sont montrées peu disposées à dépénaliser les délits de presse. Certes, de nombreux articles du code actuellement en vigueur et prévoyant des peines de prison ont été supprimés d’une version provisoire du projet de loi, mais celle-ci contenait toujours les principaux articles utilisés ces dernières années pour faire condamner les journalistes. L’adoption de ce texte en l’état n’aurait apporté aucun répit aux professionnels des médias.
Les sujets délicats à traiter pour la presse sont nombreux au Maroc. C’est souvent pour avoir abordé des thèmes tels que la monarchie, l’armée, l’islam ou encore le Sahara occidental que des journalistes indépendants ont connu des démêlés avec la justice ou que des sites Internet tels que YouTube ou des sites proches du mouvement indépendantiste sahraoui Front Polisario ont été censurés.
Tourmente estivale sur les médias
Alors que les négociations pour la réforme du code de la presse étaient en cours, deux journalistes ont été interpellés, en juillet, à leur domicile et placés en garde à vue pendant huit jours à la stupéfaction générale. Il faut dire que l’affaire n’était pas banale. Abderrahim Ariri, directeur de publication de l’hebdomadaire arabophone Al Watan Al An, et le journaliste Mostapha Hurmatallah ont été poursuivis pour “recel de documents obtenus à l’aide d’un crime”, en vertu du code pénal, après avoir publié un dossier intitulé "Les rapports secrets derrière l’état d’alerte au Maroc". L’un des articles s’appuyait sur une note des services secrets marocains, publiée dans le journal, qui avisait tous les services de sécurité de faire preuve de vigilance après la diffusion sur Internet d’un enregistrement vidéo d’un groupe terroriste lançant "un appel solennel au djihad contre le Maroc". Mostapha Hurmatallah a été incarcéré pendant toute la durée de son procès, en première instance, au terme duquel il a été condamné à huit mois de prison tandis que son directeur a écopé d’une peine avec sursis. La cour d’appel, qui a accordé une mise en liberté provisoire à Mostapha Hurmatallah après 56 jours de détention, a confirmé le jugement, allégeant la peine d’un mois seulement pour les deux journalistes. Cette affaire poursuit son cours devant la Cour de cassation et continue de peser sur la rédaction comme une épée de Damoclès.
Ahmed Reda Benchemsi, directeur de publication des hebdomadaires Nichane et Tel Quel, a été convoqué par la brigade nationale de la police judiciaire, au début du mois d’août, et longuement interrogé suite à la publication d’un éditorial critique envers Mohammed VI. Sur ordre du ministre de l’Intérieur, la police a saisi puis détruit tous les numéros de Nichane et Tel Quel dans les locaux de l’imprimeur, lui-même interrogé dans le cadre de cette affaire. Ahmed Reda Benchemsi a été inculpé en vertu de l’article 41 du code de la presse pour "manquement au respect dû au roi". Déjà reporté à plusieurs reprises, le procès, pour lequel le directeur des deux publications risque jusqu’à cinq ans de prison, devrait s’ouvrir en 2008.
Au-delà des conséquences immédiates de ces deux affaires pour les rédactions incriminées, elles ont laissé un goût amer aux professionnels des médias marocains qui se réjouissaient, jusque-là, de leur situation privilégiée dans le monde arabe.
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