Leurs courbes de popularité se sont croisées en janvier. Jusqu'alors, le premier ministre, François Fillon, et le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, avaient fait route ensemble, déclinant doucement de concert comme de nombreux couples exécutifs avant eux. Mais l'ordre protocolaire était respecté : le locataire de l'Elysée restait plus populaire que celui de Matignon.
Les seniors décrochent. Ce sont d'abord les personnes âgées qui ont abandonné M. Sarkozy. Choquées par le divorce du président d'avec Cécilia, elles n'ont pas été davantage rassurées par l'apparition soudaine de Carla Bruni, sa nouvelle épouse. La médiatisation de la vie privée du président, l'exposition de son bonheur personnel ont heurté la partie la plus traditionnelle de l'électorat de droite.
L'électorat populaire se sent trahi. "Qu'est-ce que vous me demandez de faire : vider des caisses déjà vides ?" Le 8 janvier, d'une phrase, le chef de l'Etat ruine ses promesses sur le pouvoir d'achat. Confrontés à la hausse de l'essence et des matières premières agricoles, les Français, et surtout les milieux populaires qui l'ont porté majoritairement au pouvoir, comprennent que le président renonce au "choc de confiance" espéré par la mise en place du "paquet fiscal" à l'été 2007. Moins spectaculaire que le renoncement de Jacques Chirac à réduire la "fracture sociale" en octobre 1995, cet "ajustement" permet à la gauche de nourrir le soupçon sur l'imminence d'un plan de rigueur et de dénoncer les promesses non tenues.
L'aile gauche du sarkozysme s'impatiente. Séduits par "l'ouverture" et le vent de libéralisme qui parfois soufflait dans les discours du candidat, les sarkozystes venus de la gauche libérale voient d'un mauvais oeil les discrets reculs du chef de l'Etat : réformes des universités incomplètes, service minimum moins coercitif qu'espéré, une remise à plat des institutions a minima. Reprenant espoir avec le rapport sur la croissance commandé à Jacques Attali, ancien sherpa de François Mitterrand, ils déchantent lorsque M. Sarkozy s'éloigne de quelques-unes de ses préconisations concernant notamment la libéralisation des professions protégées.
Le style en question. Ces différents décrochages ne sauraient, selon les sondeurs, expliquer à eux seuls le dévissage du chef de l'Etat. Plus d'un pointe du doigt la question du "style présidentiel". Dans cette donnée, plus volatile et plus rétive aux simplifications sondagières, se mêlent les reproches sur le volontarisme parfois vain du chef de l'Etat, l'hyperprésidence et son corollaire, l'hypermédiatisation, la publicité de la vie privée. "Ce que les Français ont aimé chez le candidat, ils le reprochent désormais au président", explique un sondeur.
Les conseillers désavoués. L'organisation du pouvoir semble elle aussi subir un discrédit. Les prises de position des conseillers du président au détriment des ministres et du premier d'entre eux apparaissent désormais comme une source de cacophonie ou, à tout le moins, comme une complexité supplémentaire.
Leur exposition prive les députés d'une tribune et d'une partie de leur rôle de législateurs. Boudeurs, ils rechignent à répercuter les "bonnes nouvelles" quand il y en a. L'épisode tragi-comique des municipales de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) a également donné l'impression que le chef de l'Etat avait perdu la main.
François Fillon, le point fixe du sarkozysme. Dans ce paysage politique en travaux permanents, les Français se raccrochent à la personne du premier ministre, le seul dont le style n'ait pas changé en neuf mois d'exercice du pouvoir. Il est devenu le point fixe du sarkozysme. En restant lui-même, sobre et discret, il est devenu tendance, au point d'agacer l'Elysée.
Alors que le "Sarkozy bashing" fait des ravages, il échappe à la vindicte de ses adversaires. Pourtant, il ne fait que mettre en oeuvre, selon son expression, "les impulsions" présidentielles. Lui aussi a déclaré qu'il était "à la tête d'un Etat en faillite". Mais aujourd'hui, paradoxalement, c'est Nicolas Sarkozy qui lui sert de paratonnerre.
Philippe Ridet (Le Monde)
Les seniors décrochent. Ce sont d'abord les personnes âgées qui ont abandonné M. Sarkozy. Choquées par le divorce du président d'avec Cécilia, elles n'ont pas été davantage rassurées par l'apparition soudaine de Carla Bruni, sa nouvelle épouse. La médiatisation de la vie privée du président, l'exposition de son bonheur personnel ont heurté la partie la plus traditionnelle de l'électorat de droite.
L'électorat populaire se sent trahi. "Qu'est-ce que vous me demandez de faire : vider des caisses déjà vides ?" Le 8 janvier, d'une phrase, le chef de l'Etat ruine ses promesses sur le pouvoir d'achat. Confrontés à la hausse de l'essence et des matières premières agricoles, les Français, et surtout les milieux populaires qui l'ont porté majoritairement au pouvoir, comprennent que le président renonce au "choc de confiance" espéré par la mise en place du "paquet fiscal" à l'été 2007. Moins spectaculaire que le renoncement de Jacques Chirac à réduire la "fracture sociale" en octobre 1995, cet "ajustement" permet à la gauche de nourrir le soupçon sur l'imminence d'un plan de rigueur et de dénoncer les promesses non tenues.
L'aile gauche du sarkozysme s'impatiente. Séduits par "l'ouverture" et le vent de libéralisme qui parfois soufflait dans les discours du candidat, les sarkozystes venus de la gauche libérale voient d'un mauvais oeil les discrets reculs du chef de l'Etat : réformes des universités incomplètes, service minimum moins coercitif qu'espéré, une remise à plat des institutions a minima. Reprenant espoir avec le rapport sur la croissance commandé à Jacques Attali, ancien sherpa de François Mitterrand, ils déchantent lorsque M. Sarkozy s'éloigne de quelques-unes de ses préconisations concernant notamment la libéralisation des professions protégées.
Le style en question. Ces différents décrochages ne sauraient, selon les sondeurs, expliquer à eux seuls le dévissage du chef de l'Etat. Plus d'un pointe du doigt la question du "style présidentiel". Dans cette donnée, plus volatile et plus rétive aux simplifications sondagières, se mêlent les reproches sur le volontarisme parfois vain du chef de l'Etat, l'hyperprésidence et son corollaire, l'hypermédiatisation, la publicité de la vie privée. "Ce que les Français ont aimé chez le candidat, ils le reprochent désormais au président", explique un sondeur.
Les conseillers désavoués. L'organisation du pouvoir semble elle aussi subir un discrédit. Les prises de position des conseillers du président au détriment des ministres et du premier d'entre eux apparaissent désormais comme une source de cacophonie ou, à tout le moins, comme une complexité supplémentaire.
Leur exposition prive les députés d'une tribune et d'une partie de leur rôle de législateurs. Boudeurs, ils rechignent à répercuter les "bonnes nouvelles" quand il y en a. L'épisode tragi-comique des municipales de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) a également donné l'impression que le chef de l'Etat avait perdu la main.
François Fillon, le point fixe du sarkozysme. Dans ce paysage politique en travaux permanents, les Français se raccrochent à la personne du premier ministre, le seul dont le style n'ait pas changé en neuf mois d'exercice du pouvoir. Il est devenu le point fixe du sarkozysme. En restant lui-même, sobre et discret, il est devenu tendance, au point d'agacer l'Elysée.
Alors que le "Sarkozy bashing" fait des ravages, il échappe à la vindicte de ses adversaires. Pourtant, il ne fait que mettre en oeuvre, selon son expression, "les impulsions" présidentielles. Lui aussi a déclaré qu'il était "à la tête d'un Etat en faillite". Mais aujourd'hui, paradoxalement, c'est Nicolas Sarkozy qui lui sert de paratonnerre.
Philippe Ridet (Le Monde)
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