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Le système de caste chez les berbères

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  • Le système de caste chez les berbères

    Cas de la Kabylie:

    En kabylie, il y a trois castes : les aklan (caste "inférieure"), les imrabḍen (caste "supérieure") et la caste "moyenne" (dont je fais partie), cette dernière englobe la majorité des kabyles, certains diront que c'est la caste des iherriyen. Les hommes kabyles ne peuvent pas se marier avec des femmes de caste supérieure.... cette règle est toujours respectée dans mon village.

    -Les imrabdhen sont venu en kabylie avec les conquêtes de la dynastie berbère des almoravides.
    -Les aklan sont des descendants d'esclaves noirs (métissés ou pas).
    -Le reste n'est pas forcément originaire de Kabylie, mon arrière arrière grand père est d'origine Chleuh.

    Quelques noms célèbres: Ait ahmed (amrabedh), Said Saadi ("normal"), Matoub (Akli).

    Cas des autres berbères :

    -Imrabḍen/Aklan/Imazighen, ou simplement aklan/imazighen, certains ethnologues ont ainsi traduit amazigh par "(caste) noble", mais en réalité les berberes ont utilisé ce terme (amazigh, vrai berbère) par opposition aux aklan (berbère descendant d'esclaves noirs). La définition de amazigh est toujours "flou".

  • #2
    Bonjour Tout le Monde.

    Bonjour Libre FFX,

    j'ai rencontré des kabyles chez moi dans le sud, dans la Wilaya 39, et eux ils font partis de quelle caste?
    Je suis curieuse de savoir, car ils ont quitté la Kabylie quand ils se sont sentis envahis dans leurs montagnes et ont choisis de venir vivre dans le sud. Il parlent encore et toujours le kabyle. Ils ne se mélangent pas beaucoup à nous.
    Leur tribu chez nous se prénomment "Zgom" et le célèbre chanteur Hakim Salhi fait partie de cette tribu.

    Merci pour ta réponse.

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    • #3
      Salut sissouh, je ne savais qu'il y avait des kabyles qui se sont réfugiés au wad souf!! était ce durant l'occupation française? et ils parlent toujours Kabyle? étonnant. Tu as 70% de chances qu'ils soient kabyles "normaux", mais on peut deviner à quel "rang" ils appartiennent, s'ils sont très religieux et que leurs femmes ne sortent pas c'est que c'est des imrabdhen, s'ils sont un peu trop bronzés (en grande proportion) ils peuvent être des aklan, sont ils bouchers par hasard (leur métier "favori" est boucher)? Mais bon, ça ne reste que des stéréotypes, Khalida messaoudi est une tamrabeṭ.

      Je ne connais pas toutes les tribus et aarch de kabylie, mais je connais bien mon village et ses environs. En fait je suis un "algérois" de parents Kabyles et nous avons tous abandonné (je veux dire les jeunes) la pratique du mariage entre cousins/kabyles et le respect de la règle des castes.

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      • #4
        J'ai pu discuter avec une femme de chez eux, une femme qui marie les jeunes gens, une sorte de sage femme (qâbla) qui connaît en quelque sorte l'âme de sa tribu. Il y a de tout, tous blonds, des bruns (Hakim Salhi est très très brun).
        Cette dame là était blonde et ils ont pratiquement tous des prénoms kabyles, mais il m'a semblé qu'ils sont là bien avant la colonisation française, peut être un peu après les arabes, j'en sais rien.
        Dans ma région, les gens sont très religieux et eux, ne sont pas plus ni moins dans la pratique religieuse des soufis.
        Je suis aussi soufia et à mon avis, ma famille, du côté de ma mère est venue bien après cette tribu, celle de mon père, je pense qu'elle doit être venue en même temps ou légèrement après eux, vers le 17è ou le 18è siècle.
        Chez nous aussi, il y a un système de caste qui aujourd'hui n'est plus du tout respecté.

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        • #5
          Les hommes kabyles ne peuvent pas se marier avec des femmes de caste supérieure....
          ça se vérifie de moins en moins, non?
          Ma belle-soeur est tamrabet et a épousé un Kabyle, elle a des cousines qui ont fait de même, et d'autres qui ont épousé des Arabes. Ce système de castes tombe en désuétude...

          s'ils sont très religieux et que leurs femmes ne sortent pas c'est que c'est des imrabdhen
          ça aussi c'est de moins en moins vrai! Va faire un tour du côté d'Aïn el Hammam (Michelet) et tu verras, la plupart des femmes timrabdhin travaillent et sortent.
          Dernière modification par absente, 04 mars 2008, 10h58.

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          • #6
            Parisette

            Exact j'en connais deux qui sont professeurs à la ville et d'autres infirmières ou ingénieurs. Il fut une époque où les femmes Imravden restaient à la maison comme toutes les autres mais aujourd'hui vu la pénurie de maris, il faut bien qu'elles travaillent pour s'assumer. Celles qui ne travaillent pas sont les femmes d'Imams si on peut dire cela car s'occuper de la maison et des enfants c'est aussi du travail.
            Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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            • #7
              j'ai appris quelque chose, je ne savais pas du tout que ça existait...
              Toujours ouverts, toujours veillants les yeux de mon âme.

              Dionysios Solomos

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              • #8
                La caste des Imravden a ete decapite'e lors de la revolution de 1871. Une bonne partie de leur progeniture, comme krim belkacem et Ait Ahmed, inspiree par la kabylite', doublement instruite par les valeurs kabyles et l ecole des lumieres, ont servi de tete pensante a l elaboration de la lutte pour notre independance.
                Les iklan n existent plus car affranchis par la kabylite qu ils ont fait sienne en evoluant parmis les kabyles. C est des citoyens kabyles a part entiere et gare a ceux qui les traiteront ainsi car ils encoureront la rage de tous leurs kabyles freres et soeurs.

                Il ne reste que des kabyles soucieux de vivre en democrates, libre penseurs et libre de croire en un DIeu de leur choix, Un Dieu en symbiose avec l amour qu ils portent a la nature.

                ur lligh d amraved, ur lligh d akli. D aqvayli kan.
                Dernière modification par mmis_ttaq-vaylit, 04 mars 2008, 22h51.
                Lu-legh-d d'aq-vayli, d-ragh d'aq-vayli, a-d'em-tegh d'aq-vayli.

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                • #9
                  sont ils bouchers par hasard (leur métier "favori" est boucher)?
                  Je ne sais pas si cela a vraiment avoir avec la caste. Mon père se rappelle de l'époque où, chez lui, être boucher était considéré comme quelque chose d'infâme. C'était la sanction des assassins, au même titre que le bannissement, et aucun honnête homme n'aurait donné sa fille à marier à un boucher par exemple.

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                  • #10
                    Salut LibreFFX,

                    ce système de caste n'existe plus trop maintenant. Des kabyles "moyens" se marient avec des "inférieurs" ou des "supérieurs".

                    J'ai pas encore vu de mariage entre un "inférieur" et un "supérieur". Leurs enfants seront-ils alors "moyens" ?

                    Bref... humour mis à part, je me demande quelle est l'origine de ces castes.
                    Longtemps, j'ai cru que les kabyles étaient tous solidaires pour défendre leur culture, leur langue, leurs traditions. Jusqu'à ce que je découvre ces "castes"... Même les minorités ont besoin de distinguer et de faire des clans. Heureusement que ce n'est pas allé jusqu'à nous diviser !

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                    • #11
                      Bonsoir

                      C'est d'un simplisme tout ça c'est effarant.

                      L'avis d'un Monsieur averti serait mieux pour aborder un sujet bien plus complexe que cette simplicité effarante.

                      Je ne rapporterai ici que la partie qui traite de la question des "Imravdhen", Arkoun répond à Tassadit Yacine et tente de mettre la lumière sur la venue de cette confrérie en Kabylie et comment elle s'est mélanger à la population, il explique aussi d'où émanait sa notoriété.

                      Source: Awal, cahier d'études berbères. (Fondateur : Mouloud Mammeri) N° 21, 2000.


                      Entretien réalisé par Tassadit Yacine avec Mohamed Arkoun.

                      De la condition féminine au maraboutisme.
                      Regard sur la société kabyle.


                      Mohamed Arkoun est connu pour ses travaux sui, l'islam et la philosophie arabe. Ce spécialiste de l'exégèse de la science religieuse est également un connaisseur des cultures orales et populaires. Son village, Taourirt Minioun, el? Kabylie, a été ce réservoir de traditions vivantes au sein duquel il a été imprégné d'une culture apprise sur le mode de la pratique. Cette volonté de concilier les exigences de la raison et de la science contemporaines avec ce qui constitue la tradition vivante d'une grande religion fait de lui un témoin privilégié de sa génération. Nous avons voulu l'interroger sur un épisode de sa vie où il a pris conscience du poids de la culture villageoise face à une loi extérieure, non incorporée par les traditions paysannes. En 1951, alors qu'il était encore jeune étudiant à l'université d'Alger, il a donné une conférence, dans son village natal, sur la condition de la femme kabyle. Cette intervention eut un grand retentissement dans ce qui était alors le douar des Ath Yenni ; l'auteur- en a du reste déjà dégagé les significations anthropologiques dans « Avec Mouloud Mammeri à Taourirt-Mimoun » (Awal, 1991).

                      [....]

                      T. Y

                      – Cette notion de légitimité invoquée pour justifier la domination, ne la retrouve-t-on pas dans une autre sphère de la société kabyle, celle de la distinction entre la caste maraboutique et le reste du groupe ?


                      M. A.


                      Les marabouts n'appartiennent pas aux solidarités premières qui lient les natifs et les «clients» – ceux qui, comme ma famille à Taourirt Mimoun, ont demandé et obtenu la protection, Vanaya, du village ; ils viennent de loin, souvent du Maroc, où ils ont reçu une formation élémentaire de théologie populaire en arabe, soit dans le cadre des confréries, soit dans les médersas fondées au temps des Mérinides. Parce qu'ils sont lettrés, ils savent déchiffrer, réciter et écrire le Coran, ils acquièrent un charisme auprès des populations de tradition orale; ils augmentent ce charisme lorsqu'ils réussissent à éteindre des conflits entre familles, clans et tribus. Ils peuvent d'autant mieux jouer ce rôle de médiateurs conciliateurs qu'ils ne sont pas engagés dans les solidarités généalogiques locales ; ils invoquent, au contraire, l'autorité du jugement de Dieu et du Prophète. Ces mécanismeset ces fonctions se sont répandus dans tout l'espace maghrébin grâce à l'expansion des confréries liées de diverses façons à des maîtres fondateurs réputés « mystiques ».

                      Je ne puis m'étendre ici sur ce sujet capital qui exige une approche à la fois historique, sociologique, anthropologique et théologique critique. Les marabouts qui conquièrent un statut de chef charismatique en s'installant dans des groupes étrangers à leur propre généalogie agnatique font penser à l'itinéraire du Prophète. Muhammad qui, rejeté et poursuivi par un clan concurrent à La Mecque, a,pu s'imposer aux gens de Médine étrangers à ses solidarités premières. Les structures anthropologiques de la parenté ont longtemps commandé les stratégies de prise de pouvoir dans les sociétés segmentaires; ces mécanismes n'ont pas encore entièrement disparu.


                      Il faut ajouter que les marabouts ont contribué à substituer — jamais
                      totalement — des définitions du sacré et des procédures de sacralisation d'origine islamique à celles qui ont continué à prévaloir dans les milieux berbères. C'est à la lumière de ces échanges interactifs qu'il faut redéfinir l'islam maghrébin, ou, plus concrètement la religion des Maghrébins, le terme Maghrébin lui-même, devant référer à la population résultant des brassages ethnoculturels depuis l'intervention des Arabo-Musulmans. Je garde le souve-
                      nir de pèlerinages locaux à des sources, des chênes, des oliviers censés habités par des forces sacrées que les femmes invoquaient régulièrement pour exaucer des voeux divers. J'ajoute que la tension entre les 'ulamas dits réformateurs et les saints locaux dits marabouts doit être réinterprétée dans le cadre de ce que j'ai appelé la dialectique anthropologique des puissances et des résidus (culture savante écrite ou écriture vs culture orale ou orature ; État-nation ou communauté vs segments rebelles de. la société ; orthodoxie politicoreligieuse vs hérésies-rébellion).

                      Les hiérarchies du sacré se complexifient et entraînent des clivages entre les expressions orales et les expressions écrites du religieux, du social, du politique et plus généralement de l'univers extérieur. Privés de tout contact intellectuel et culturel avec les centres maghrébins et davantage encore proche-orientaux de la vie intellectuelle et culturelle, les marabouts de Kabylie ont fini par partager les niveaux de langue et de culture des villages où ils se sont installés et créé des sortes de dynasties spirituelles locales. A Taourirt Mimoun, Sidi Wannas a imposé son rayonnement parmi les .Ath Thini par des qualités exceptionnelles d'orateur capable de soulever chez ses divers publics kabyles d'inoubliables émotions esthético-éthiques.


                      T. Y
                      — On dit que les familles maraboutiques bénéficient d'une sorte d'inviolabilité aristocratique qui les éloigne de la population du village.
                      Par exemple leurs femmes, contrairement aux autres villageoises, ne sortent jamais de leurs maisons.

                      M. A. — C'est là un trait commun à toutes les sociétés qui échappent au contrôle d'un centre politique de quelque importance. Les unités villageoises ont besoin d'une instance, de l'autorité capable de jouer le rôle de médiateur dans les conflits fréquents qui opposent les familles, les clans ou des groupes plus larges. On ne peut parler d'aristocratie, car les marabouts ont une vie aussi modeste que celle des villageois ordinaires ; il s'agit plutôt d'un ascendant moral et spirituel acquis grâce à la fonction de « gestionnaires du sacré », de porteurs de cette effluve sacrée appelée baraka que chaque homme et femme recherche comme un horizon de sens de son existence et aussi une source efficace de protection contre les calamités, les maladies, les malheurs, les échecs.

                      C'est avec les problématiques et les outils d'analyse de la psychologie historique qu'il faut aborder l'étude des saints et de la sainteté/sacralité dans les sociétés prémodernes, et non avec un vocabulaire idéologique plus ou moins contaminé par la théorie de la lutte des classes. Au Maghreb notamment, il est urgent de libérer l'écriture de l'histoire sociale, de la sociologie et de la psychologie historiques des ravages idéologiques exercés par le discours nationaliste et réformiste salafi qui a disqualifié la classe des marabouts pour avoir collaboré avec le colonialisme.

                      Seule l'anthropologie historique peut expliquer les rôles, les fonctions, les contributions positives et négatives des saints en général dans la gestion des symboliques, des légitimités, des valeurs, des systèmes de signification dans les sociétés segmentaires de tradition orale (les peuples sans écriture disait Claude Lévi-Strauss). Ce que j'appelle l'instance de l'autorité ne peut émerger dans ces sociétés fondées sur des solidarités agnatiques que si les « gestionnaires du sacré» sont généalogiquement séparés du reste de la population qui a besoin de disposer d'une instance de recours indépendante.

                      Il s'agit d'un mécanisme fonctionnel qui engendre bien sûr des rapports économiques et moraux susceptible de dévier vers des conduites de «domination» et « exploitation» C'est pourquoi les marabouts pratiquent l'endogamie , prendre une femme à l'extérieur du groupe charismatique, c'est diminuer l'exigence d'impartialité de l'instance de l'autorité.

                      Les marabouts incarnent et perpétuent par leurs interventions dans les moments cruciaux de l'existence (naissance, mariage, célébrations collectives, réconciliations, rituels de pardon, invocations propitiatoires...) cette dimension eschatologique qu'enseignent les trois religions monothéistes ;c'est par l'éveil d'une conscience eschatologique qu'on accède aux moyens et aux itinéraires de la quête individuelle et collective du salut; de ce point de vue, les saints et la sainteté ont partout contribué à l'expansion d'un des ressorts spirituels les plus puissants, communs à toutes les religions et singulièrement aux religions monothéistes : non seulement l'espérance en la résurrection des âmes et des corps, la promesse d'immortalité, mais aussi l'espérance millénariste dans le retour du Messie, de l'Imam absent ou du Mandi Maître de l'Heure qui instaurera la justice définitive sur terre.

                      Cette thématique a puissamment pénétré, on le sait, la religiosité des kabyles comme des groupes sans écriture pris par la pédagogie des saints locaux.
                      “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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                      • #12
                        Suite et la fin .


                        T Y — Pourtant, l' inviolabilité des familles maraboutiques ne leur est pas exclusive, elles la partagent avec certains ns groupes privilégiés de la société kabyle.


                        M. A. — Oui, mais ces derniers la tiennent d'un statut économique ou politique, d'un effort ordinaire d'enrichissement, d'ascension sociale sans aucune chance de participer à l'exercice du charisme dans l'instance de l'autorité. La formulation de vos deux dernières questions est précieuse, car elle signale la persistance d'une approche fort répandue de ce qu'on a appelé le maraboutisme. Plusieurs courants militants se sont accordés à vilipender ce phénomène pourtant complexe qu'on a disqualifié avec l'appellation de maraboutisme utilisée dans le contexte colonial pour stigmatiser les superstitions, les croyances archaïques véhiculées par l'islam dit populaire et reprise par les 'ulamas gestionnaires d'une orthodoxie savante, écrite, plus liée à la civilisation urbaine qu'à celle des campagnes paysannes ou nomades.

                        On sait comment les défenseurs actuels d'un islam originel et authentique (açala) radicalisent encore plus toutes les expressions de l'islam qui ne s'inscrivent pas dans une ligne, politique" militante. On aura compris, j'espère, que je défends une approche historique et anthropologique de la question des saints, de la sainteté, de la sacralisé, des instances de l'autorité et du pouvoir, non une caste, un groupe, un courant de pensée.


                        T. Y — J'ai l'exemple d'un village kabyle fondé par un saint venu du Maroc et où tous les habitants sont des descendants de ce saint. Seulement à l'intérieur de cette communauté composée uniquement de marabouts, on trouve une stratification comparable à celle des autres villages. Autrement dit, une famille possède le savoir, l'écriture, la science religieuse et occupe une position dominante caractérisée par le retrait dont vous parliez et le reste du village est composé de « roturiers » dont les femmes sortent, s'adonnent aux travaux manuels et ne sont pas soustraits à la sphère du besoin comme l'est la famille dominante.



                        M. A. — Vous pensez peut-être à Thânsawth, un des sept villages des Ath Yenni. Aucun historien, à ma connaissance, n'a essayé d'expliquer la formation de e ce -village où se sont concentrées uniquement des familles de marabouts. Si mon ancien projet d'une sociologie religieuse des Ath Yenni avait abouti, je me serais attaché à éclairer le processus de formation de ce village et à expliquer ses traits singuliers. Malheureusement les recherches de ce type demeurent rares dans l'ensemble de l'espace maghrébin. Il faudrait montrer aussi si cette singularité s'est aussi répétée ailleurs.

                        La stratification sociale dans un village habité uniquement par des marabouts obéit aux mécanismes sociologiques communs à tout groupement humain, il faudrait vérifier si une famille a pu imposer son charisme par rapport aux autres ; selon quels critères cela peut s'effectuer. Il reste que la différenciation que j'ai décrite plus haut vaut pour des espaces sociaux où les «clercs» et les nis.

                        Cette différentiation correspond aux besoins de légitimation des rapports « laïcs », au sens médiéval de cette distinction, ont des statuts clairement défientre autorité et pouvoirs. La descendance maraboutique n'implique pas forcément une position dominante, bien qu'elle procure à son bénéficiaire un sentiment d'élection qu'il va garder sa vie durant.

                        Il semble néanmoins qu'à partir du Xve siècle, les Mérinides du Maroc aient eu une politique suivie d'envoi de missionnaires-médiateurs dans le reste du Maghreb afin de former des fclih, c'est-à-dire des clercs capables d'initier aux rudiments théologiques de l'islam et de nourrir en particulier le sentiment d'appartenance à « la Communauté promise au Salut » (Ahl al-sunna wal-jama'a). Sans venir nécessairement de la mythique Saguia el-Hamra dans l'actuel Sahara occidental, les saints se sont répandus au Maghreb avec la multiplication des confréries (turuq) à partir des xve—Xvie siècles. On a beaucoup écrit sur ces aspects ; mais il reste encore beaucoup de régions et de moments historiques à explorer avec des interrogations neuves et le souci constant d'élargir le territoire des historiens-anthropologues.


                        T Y
                        — Cela démontre parfaitement cette constante de l'histoire du Maghreb et qui consiste à faire remonter à un passé illustre ce qu'on veut valoriser et qui n'est souvent qu'un trait de la société autochtone.


                        M. A. — Oui, ce rapport à un passé mythique fondateur est également commun à toutes les sociétés, y compris les plus modernes et les plus laïcisées comme la France républicaine. L'important pour la Kabylie et toutes les régions demeurées berbérophones, c'est de mieux définir le type de mythologisation qui leur permet de regarder vers un passé fondateur. Peut-on dire que le rapport mythique entretenu dans la mémoire collective kabyle est le même que celui des Mozabites, des Touaregs, des Rifains, des Chleuhs, des Chawiya? La question n'a guère été posée ainsi.

                        Pour revenir à ma conférence sur la femme kabyle, ce que je voulais expliquer et qui a dérangé le public d'alors, c'est que certaines coutumes spécifiquement kabyles étaient revendiquées comme des expressions authentiques de la foi musulmane, renvoyant donc au moment inaugurateur de la Vérité selon l'islam.

                        Pourtant, dans les années cinquante, les Kabyles dans leur écrasante majorité étaient coupés et des grands- corpus de la croyance — Coran et Hadith — accessibles uniquement à ceux qui maîtrisent l'arabe écrit, et des grands textes classiques de l'exégèse coranique, de la théologie et du droit. Cela explique la facilité avec laquelle les Kabyles comme le reste des Algériens arabophones adhèrent aujourd'hui aux thèses de l'islam fondamentaliste militant. Les revendications culturellement légitimes des mouvements berbères n'intègrent pas dans leurs programmes d'explication les contradictions, les confusions, les amalgames liés à l'histoire de l'arabisation et de l'islamisation de tout l'espace berbère.

                        T. Y.Précisément n'êtes-vous pas frappé par le fait que certaines coutumes kabyles sont encore plus inégalitaires en matière de condition féminine que le droit musulman ? Par exemple les femmes kabyles sont exclues de l'héritage, alors que le: di-oit musulman accorde, à la femme la moitié de la part qui revient à l'homme.


                        M. A. – Ici nous touchons à un autre grand problème,: il mériterait plus qu'une courte réponse. J'ai publié un livre en arabe sous le titre très audacieux de AI-fikr al-usuli wa-stihalat al-Ta'sil: «La pensée fondationnaliste et l'impossibilité de fonder». Une version française sera publiée bientôt sous le titre Penser l'islam aujourd'hui. Il y est question notamment de la critique de la raison juridique en contextes islamiques, donc, par exemple, en contexte kabyle qui est travaillé par le fait islamique sans être totalement commandé par le droit dit musulman. Avant de parler de systèmes plus inégalitaires, il faut d'abord bien définir les systèmes confrontés dans l'histoire, puis comparés par l'analyste. Ainsi, l'exhérédation remonterait au xvii, siècle, donc à l'époque de l'administration ottomane.

                        Il fallait empêcher le démantèlement des terres déjà pauvres et réduites des Kabyles, par le biais des mariages de femmes avec des étrangers au clan, au village, à la tribu. Le verset 12 de la sourate 4 a soulevé les mêmes difficultés pour les juristes classiques (voir mes lectures du Coran). Le code kabyle a prévu des compensations à l'exhérédation.

                        Si la soeur, l'épouse, la mère n'a pas le droit d'hériter, il est en revanche prescrit aufrère, au fils, à l'oncle, au plus proche parent survivant de porter aide et secours à la femme seule jusqu'à sa mort. Depuis l'indépendance le problème qui demeure est celui de l'iné- galité énoncée par le Coran et perpétuée par les États-nations qui ne peuvent toucher au code musulman du statut personnel (al-ahwal al-shakhçiyya).

                        Plutôt que de se perdre dans la question des avantages et des inconvénients des codes anciens, il est plus constructif de retenir l'idée que toutes les sociétés prémodernes ont produit leur système de régulation par un travail de soi sur soi; l'intervention de la modernité liée à l'histoire des sociétés européennes a progressivement réduit la part du travail de soi sur soi des groupes qui ont été obligés de vivre avec des coutumes et des normes juridiques de plus en plus contestées, désuètes, désintégrées et cependant maintenues pour des raisons de résistance politique à des dominations extérieures.

                        Cette Situation n'a fait que s'exaspérer, s'aggraver avec le rejet sans examen des apports incontournables de la modernité au nom de «valeurs» d'identités, de croyances, de représentations mythiques qui ont .perdu leur portée fonctionnelle avec la destruction de leurs bases sociales, culturelles et symboliques.


                        Awal. année: 2000
                        “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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                        • #13
                          Tu peux pas résumer pour nous L'Imprévisible ?

                          Parce que entre le simpliste et le trop dense, il y a un juste milieu...

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                          • #14
                            Bonsoir.

                            @Lenasia.

                            L'interview réalisée par Tassadit Yacine est très instructive, prendre le temps de la lire, c'est prendre le temps de comprendre la complexité d'un héritage d'une organisation sociale qui s'applique à un espace-temps précis et qui se conjugue avec des conjonctures historiques, qui reprisent séparément deviennent nulles et non-avenues, les propos de Arkoune ne sont qu'une esquisse.


                            • Pour ce qui est d'Aklan.

                            Contrairement à ce qui est dit, ce ne sont pas des esclaves comme on l'entends au sens commun connu en Occident.

                            Par contre dans l'ancienne forme d'organisation de la société Kabyle, Aklane étaient considéré comme inférieurs au reste du village, lorsqu'un crime survenait on ne se vengé jamais sur un membre de cette faction, raison pour laquelle un nombre de Kabyle qui après s'être rendu coupable d'un meurtre "prenait la hache" (Adhyarfedh thachakourth) en signe de son adhésion à la caste d'Aklane et son renoncement à son statut de membre du village (ayant un droit à la parole et de participation à l'assemblée du village) par ce geste il se rend indigne d'être tué dans le cadre d'une vengeance, a ne pas confondre avec le principe de "se mettre sous la protection de" (laânaya).

                            Il ne faut jamais sortir une rivière de son lit, ni les concepts de leur contexte spatiotemporel, c'est de l'anachronisme.

                            Aujourd'hui les réalités sont autres.
                            Dernière modification par l'imprevisible, 05 mars 2008, 00h16.
                            “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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                            • #15
                              Merci d'avoir rajouté ces précisions Impré.

                              Je lirai l'article que tu as posté plus haut dès que j'aurai plus de temps

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