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L’économie américaine : une économie de guerre ?

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  • L’économie américaine : une économie de guerre ?

    L’économie américaine est désormais une économie de guerre. Une analyse :

    Que reste-t-il de l’Empire américain ?

    Les dépenses militaires américaines ont atteint récemment des excès tels qu’elles dépassent à elles seules les dépenses militaires de tous les autres pays du monde réunis! A lui seul, le budget supplémentaire dédié aux guerres en Afghanistan et en Irak - qui ne fait pas partie intégrante du budget officiel de la défense américaine - dépasse en importance les budgets combinés de la Russie et de la Chine.

    Pour la première fois, le budget militaire global excédera le trillion de dollars en 2008, consacrant ainsi les Etats-Unis comme premier pays exportateur d’armes et de munitions au monde. En fait, les dépenses affectées à la défense et aux affaires militaires du budget 2008 dépassent pour la première fois le budget militaire américain de la Seconde Guerre mondiale et ont doublé depuis les années 90. Le budget réel militaire américain est difficile à évaluer avec certitude car les diverses administrations divulguent des chiffres incomplets, souvent contradictoires. Les chiffres présentés parfois par deux services différents du Congrès peuvent ne pas concorder, faisant dire à certains spécialistes que, pour obtenir une vision d’ensemble proche de la réalité du budget militaire global américain, il suffit de prendre le chiffre donné par le Pentagone et de le doubler... En fait, on estime que 30 ou 40 % des dépenses militaires américaines ne sont affectées à aucun poste spécifique, ce qui permet de conclure à l’utilisation de ces fonds dans le cadre de projets et d’opérations classés secret défense. Il est évident que cette opacité est en permanence entretenue par le complexe militaro-industriel et par la volonté du secret imposée par le président. Toutefois, et c’est relativement étonnant, ce manque de transparence est toléré - et même assumé - par bien des membres du Congrès dont les circonscriptions tirent un avantage direct et considérable de ces dépenses militaires. Ainsi, le Congrès passait-il en 1996 une loi contraignant toutes les administrations gouvernementales à se conformer aux règlements comptables en vigueur dans le civil.

    Pourtant, les Départements de la Défense et de la Sécurité intérieure ne s’y conformèrent pas provoquant ainsi l’agacement du Congrès qui se garda toutefois de les sanctionner... Il s’impose donc d’analyser et d’étudier avec la plus grande circonspection les chiffres articulés par le Pentagone.

    Ainsi, le Département de la Défense réclamait-il l’an dernier 481,4 milliards de dollars pour régler salaires, opérations et équipements n’incluant pas l’Afghanistan et l’Irak plus 141,7 milliards d’appoint dans le cadre de sa "guerre contre le terrorisme". Pourtant, le grand public pense naïvement que le budget de ces deux "guerres" livrées par les Etats-Unis est assuré par le budget annuel basique du Pentagone. De même, le Département de la Défense demandait-il une contribution supplémentaire de 93,4 milliards pour diverses dépenses de guerre à affecter au budget 2007 et une contribution de 50 milliards à affecter au budget 2009, portant ainsi les dépenses de ce Département à 766,5 milliards. Pourquoi ne pas mentionner les 23,4 milliards requis au développement et au maintien des armes nucléaires, étrangement assumés par le budget du Département de l’Energie ? Sans oublier les 25,3 milliards grevés sur le Département d’Etat dépensés sur les aides militaires à des pays comme Israël, l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Pakistan... Cette dispersion du budget global militaire américain au sein de plusieurs département ou ministères a pour but de masquer l’ampleur inouïe des dépenses de l’Empire américain. Dans cette même logique, 1,03 milliard est offert par le ministère du Travail au titre des embauches et du recrutement militaire et 75,7 milliards fournis par le Département des Anciens combattants pour le soin des blessés.

    Ainsi, de proche en proche et à mesure que l’on sonde les budgets d’autres départements, atteint-on un total des dépenses américaines dépassant le trillion de dollars pour 2008 !

    Ces dépenses, pour gigantesques qu’elles soient, sont généralement tolérées par le grand public américain convaincu que leur pays, étant le plus riche au monde, peut les assumer. Pourtant, et sans tenir compte du point de vue fiscal qui rend de telles dépenses insoutenables même sur le court terme, les Etats-Unis ne sont plus le pays le plus riche au monde car, selon un rapport de la CIA (CIA’s World Factbook), ils ont été dépassés dès 2006 par l’Union européenne. En termes de Produit intérieur brut, la Chine est classée juste après les Etats-Unis, le Japon occupant la place de quatrième nation la plus riche au monde. Cependant, la comparaison est encore plus intéressante dès lors que l’on analyse la balance des paiements américaine. La balance des paiements d’un pays est définie comme la combinaison du surplus ou déficit des échanges commerciaux et des flux monétaires transfrontaliers tels que paiements d’intérêts, de dividendes, de gains en capitaux, etc. A titre d’illustration, le Japon, totalement dépendant de ses importations de matières premières, parvient quand même à dégager un excédent commercial de l’ordre de 88 milliards de dollars l’an vis-à-vis des Etats-Unis et se positionne au deuxième rang (derrière la Chine) pour l’excédent de sa balance des paiements. Les Etats-Unis, dont la balance des paiements était déficitaire de 811 milliards de dollars en 2006, sont au 163e rang. En fait, cette situation catastrophique ne provient pas tant de l’appétit de consommation effréné de toutes sortes de marchandises (dont le pétrole) du consommateur américain que du financement du train de vie américain par l’étranger ! Pour la première fois en 2007, la dette totale américaine a dépassé les 9 trillions de dollars alors même qu’elle atteignait à peine 1 trillion en 1981 ! Cette même dette s’est accrue de 45 % sous l’ère Bush car elle se chiffrait à 5,7 trillions en janvier 2001...

    L’aggravation phénoménale de cette dette, due exclusivement à l’envolée des dépenses militaires, n’est pourtant pas de la seule responsabilité du président George W. Bush. En réalité, c’est pratiquement l’ensemble du système politique et économique américain qui adopte depuis de longues années une approche prétendument "keynésienne" considérant tout simplement la conduite d’une guerre et ses dépenses militaires comme un outil de production stimulant la croissance économique ! Cette idéologie, défendue par ce grand pays démocratique que sont les Etats-Unis, remonte aux années 1930 car c’est la préparation des Etats-Unis en vue de la Seconde Guerre mondiale qui lui avait permis de se sortir de la Grande Dépression. La bombe atomique russe, le rideau de fer en Europe de l’Est, la victoire des communistes en Chine ont par la suite constitué autant de facteurs ayant encouragé le président Truman à persévérer dans une direction établissant les dépenses militaires au rang de politique publique de soutien à l’économie américaine. Ainsi, l’industrie militaire américaine se mit-elle à tourner à plein régime non seulement dans le but de donner toutes ses chances au pays dans la conduite de la guerre froide, mais également afin d’assurer le plein emploi. Truman, craignant que son pays ne sombre dans la récession après la Seconde Guerre, était en effet persuadé qu’il fallait tirer au moins un enseignement de ce conflit, à savoir que l’industrie de l’armement avait été capable d’assurer à ses concitoyens un niveau de vie au-dessus de la moyenne. Dès lors, le Pentagone eut-il toute latitude pour se lancer dans des projets militaires pharaoniques tels que construction de bombardiers lourds, de sous-marins nucléaires, de missiles balistiques intercontinentaux, de satellites de surveillance à tel point que le président Eisenhower crut bon d’adresser un avertissement dans son discours d’adieu le 6 février 1961 : "La connivence entre un immense pouvoir militaire et une industrie de l’armement puissante sont un phénomène récent dans notre pays". Cette mise en garde n’eut pourtant pas les effets escomptés puisqu’en 1990 la richesse de l’industrie militaire incluant armements, équipements et usines constituait à elle seule 83 % de toute l’industrie et de tous les équipements américains. Quant aux budgets militaires, ils totalisèrent 8,7 trillions de dollars de 1947 à 1990. Pourtant, en dépit de l’effondrement de l’Union soviétique, le complexe militaro-industriel ne relâcha jamais la pression tant la dépendance aux dépenses "keynésiennes" militaires était imbriquée dans les mentalités et dans les intérêts des dirigeants du pays.

  • #2
    En réalité, cette domination de l’industrie militaire aboutit à des faiblesses structurelles majeures dans l’économie américaine et peut même s’apparenter à une sorte de mort économique lente ! Ainsi, une étude menée par un économiste américain, Dean Baker, révélait que le stimulus induit par les dépenses militaires ne perdure pas au-delà de la sixième année et que le chômage augmente considérablement après dix ans de fortes dépenses militaires. En fait, les idées reçues selon lesquelles guerres et dépenses militaires seraient bénéfiques pour une économie sont totalement fallacieuses car l’ensemble des modèles économiques atteste que de telles dépenses dénaturent - d’un point de vue qualitatif - la production, la consommation et l’investissement avant de ralentir la croissance et d’augmenter le chômage. Vers la fin des années 60, il devenait évident que la quasi-monopolisation des industries américaines les plus lourdes à des fins militaires ralentissait le développement de l’économie civile tout en ne produisant aucune valeur ajoutée favorisant la consommation ou l’investissement. De plus, le niveau de vie des Américains et la courbe du chômage n’en tiraient bénéfice sur le long terme. Plus grave encore : une proportion non négligeable des "cerveaux" du pays se consacrait aux projets militaires au lieu de faire progresser la recherche civile autorisant ainsi certains analystes à y voir la raison pour laquelle, dès les années 60, le Japon réussissait à devancer les Etats-Unis tant qualitativement que quantitativement dans des domaines de production aussi variés que construction automobile, biens ménagers, électroniques et autres biens de consommation...

    l’industrie du nucléaire démontre clairement la capacité et volonté du gouvernement américain de procurer des emplois de manière "keynésienne" à travers les dépenses militaires : des années 1940 à 1996, les Etats-Unis ont dépensé 5,8 trillions de dollars sur la construction d’armes de ce type, leur entretien et aux essais nucléaires atteignant un pic en 1967 de 32 500 bombes. Ce chiffre s’est effondré en 2006 à moins de 10 000 bombes du fait de la stratégie de réduction nucléaire alors que les trillions de dollars partis en fumée auraient pu être injectés dans des domaines nettement plus constructifs et porteurs comme la sécurité sociale, la santé, l’éducation et la recherche.

    C’est précisément sur ce niveau, le sous-investissement dans le potentiel humain et productif du pays, que l’on mesure le coût réel - et les dégâts - de ces dépenses militaires. Ainsi, selon le Département américain de la Défense, 7,62 trillions de dollars auraient été dépensés sur l’industrie de l’armement entre 1947 et 1987, chiffre que l’on ne peut manquer de comparer aux estimations du Département du Commerce de 1985 selon lesquelles la valorisation de toutes les infrastructures américaines, telles qu’usines et équipements, valaient 7,3 trillions de dollars ! En d’autres termes, le montant affecté aux armements aurait permis le doublement - en tout cas le renouvellement - de la capacité de production américaine et aurait ainsi évité à la superpuissance militaire américaine de voir son industrie civile atteindre les niveaux d’indigence d’aujourd’hui ! En effet, certaines des importations américaines telles que voitures, camions ou matériel médical principalement en provenance d’Europe et du Japon pointent cruellement du doigt la carence des industries civiles d’un pays qui ne peut plus être qualifié de superpuissance que du point de vue militaire... Comme l’écrit en substance Benjamin Friedman, professeur à Harvard, le premier pays créditeur a toujours été historiquement une puissance politique, diplomatique et culturelle dominante et ce n’est pas un hasard si les Etats-Unis ont pris la relève de la Grande-Bretagne comme puissante dominante en même temps qu’ils étaient devenus le premier pays créditeur au monde. Or, de nos jours, les Etats-Unis sont devenus le premier pays débiteur au monde et ne parviennent plus à imposer leur domination qu’à travers leur puissance militaire et leurs 800 bases disséminées sur le globe. Il semble que le paradigme de la puissance américaine en soit à ses derniers balbutiements et personne ne doit s’en réjouir car, en dépit de cette course aux armements effrénée et irraisonnée de tous les gouvernements américains depuis plus de soixante ans, nous sommes tous redevables à cette grande démocratie inspiratrice que sont les Etats-Unis.

    - Article d'Agoravox

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