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Algérie : la mémoire restituée

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  • Algérie : la mémoire restituée

    Dans les difficiles rapports franco-algériens, la question de la mémoire et de l’écriture de l’histoire figure parmi les questions les plus difficiles. Le problème de la restitution des archives d’Algérie n’est toujours pas réglé. Après l’indépendance de 1962, une grande majorité des archives ont été emportées en France et déposées au centre de recherches d’Aix- en-Provence. Puisque l’Algérie c’était trois départements français et non pas un protectorat, ces documents - qui traitent de l’urbanisme ou de la surveillance des partis algériens, de l’organisation de la vie dans les campagnes ou des opérations militaires menées par l’armée pendant la guerre d’Algérie - sont considérés comme des archives de souveraineté par la France. Il n’y a donc jamais eu de restitutions d’archives, réclamées par les gouvernements algériens qui se succèdent depuis cinquante ans.

    On aurait pu penser que cette situation allait rester en l’état, surtout après l’élection du nouveau président de la République française en mai 2007, qui avait mené campagne sur le thème de «l’antirepentance» à propos de la colonisation. Ce n’est pas le cas. Au début du mois de décembre 2007, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et la télévision publique algérienne (EPTV) ont signé un accord sur des images conservées par l’INA retraçant l’histoire de l’Algérie depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à 1962. Cet accord «prévoit la mise à disposition d’une copie de l’ensemble des images d’actualité conservées par l’INA» entre 1940 et 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, et la «possibilité pour l’EPTV de les exploiter par voie hertzienne ou satellitaire». L’EPTV peut également en disposer pour les commercialiser sur le territoire algérien. Au total, 1 862 documents, dont certains muets, sont ainsi disponibles pour l’EPTV, soit cent trente-huit heures de programmes.

    Six thématiques regroupent l’essentiel de celles-ci. La guerre d’Algérie représente, à elle seule, cent dix-sept heures de programmes, dont les attentats à Alger ou en France, les images du déclenchement de la guerre d’indépendance en novembre 1954, le référendum de 1962, le procès de l’OAS, le départ des Européens, l’Algérie dans ses premières heures d’indépendance ; deux heures de programmes montrent le bombardement de la flotte française dans le port de Mers el Kébir en 1940. Des séquences retracent la Seconde Guerre mondiale. Le chapitre économie et industrie est présent avec 105 documents élaborés en quatre heures de programmes. Il évoque le début de l’industrialisation de l’Algérie et ses grands chantiers. On retrouve entre autres l’inauguration du Transsaharien en 1942, les puits de pétrole à Bou Saada ou encore le lancement du cargo citerne Mitidja en 1949. La vie quotidienne des Algériens figure dans quatorze heures de programmes. On y aperçoit, en couleurs, le départ de la caravane du sel et sa traversée du Sahara jusqu’au centre de l’Afrique en 1948. Un film documentaire a été consacré aux paysans des Aurès, un autre à un pèlerinage à La Mecque. Une dernière partie révèle quelques événements sportifs de cette période, comme la finale de la Coupe de football d’Afrique du Nord organisée le 8 juin 1950.

    Cet accord offre à la télévision publique algérienne une «totale liberté d’utilisation de toutes les images d’archives tournées notamment sur le sol algérien, jusqu’à la date d’indépendance». Dans ce début de l’année 2008, tous les internautes pourront accéder à l’intégralité de ces archives, ouvertes donc pour les chercheurs des deux rives de la Méditerranée. Cet accès libre aux archives a toujours été une revendication des historiens, y compris algériens, qui craignaient une mise sous le boisseau de documents, à la faveur d’une restitution d’archives à l’Algérie. Quelques jours après ce geste de restitution d’archives qui ne dit pas son nom, l’ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, déclare le 24 décembre 2007 au quotidien arabophone Ech-Chourouk que Paris cherche des moyens de dédommager les victimes des essais nucléaires français, effectués dans le sud algérien dans les années 60. Le président français en visite à Alger au début du mois de décembre 2007 a proposé au président algérien la prise en charge médicale des victimes des essais nucléaires dans le sud saharien. L’ambassadeur indique que pour la France ces questions seront traitées séparément de la question de la coopération dans le domaine du nucléaire civil.

    Après la restitution des cartes de mines posées aux frontières marocaine et tunisienne par l’armée française, puis la mise en ligne d’archives audiovisuelles par l’INA et l’évocation du suivi médical pour les victimes de radiations atomiques au Sahara, des signes existent pour commencer à assumer ensemble un passé douloureux. Ajoutons que du côté algérien les déclarations officielles se sont multipliées récemment pour laisser entrer en Algérie les enfants de harkis. Mais il n’est pas encore question des pères. Il faudra encore bien des efforts pour que la réconciliation mémorielle soit effective. Du temps aussi pour que les générations qui n’ont pas de responsabilités dans ce conflit se retrouvent et bâtissent un avenir sans arrière-pensées.

    source : Liberation

  • #2
    Pourquoi faut-il toujours que la mémoire algérienne s'arrête à la Guerre d'Algérie?
    Ne s'est-il donc rien passé avant?

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    • #3
      Il y aura aussi toutes les archives administratives à explorer (qui resteront propriété de la France, je pense). Avant il faut voir du côté d'Istambul, pour la période ottomane.

      Une personne qui se préoccupait de ça il y a qq années, je ne sais pas maintenant, était Abdelkrim Badjadja. Sur google son nom apparaît.

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      • #4
        Oui, merci Alain!!

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        • #5
          Des lieux pour la recherche en Algérie

          par Akihito Kudo, Raëd Bader, Didier Guignard


          Un terrain algérien existe pour la recherche[1]. Nous le parcourons depuis deux ans, à Alger et à Oran, en rencontrant des partenaires et en dépouillant des fonds inexploités. Justifier son existence peut paraître curieux mais il reste méconnu, soumis à des enjeux politiques et mémoriels pesants. Pourtant son apport est essentiel à nos travaux d’histoire sociale sur l’Algérie du XIXe et début XXe siècles. Nous présentons ici quelques pistes qui en faciliteront peut-être l’accès à d’autres chercheurs et un aperçu sommaire des contenus pour la période coloniale. Des indices sur le transfert d’archives en France en 1961-1962 peuvent être apportés. Le lecteur ne doit pas s’attendre à un guide infaillible ni à un catalogue des sources. Les contacts personnels restent fondamentaux pour ouvrir les portes et nous ne saurions nous substituer aux archivistes qui sont les premiers à nous venir en aide. Ce descriptif sert surtout à entrevoir les possibilités offertes aux chercheurs, lesquels manquent souvent d’information sur un terrain peu pratiqué.

          Obtenir le visa suppose d’abord une invitation par un professeur algérien[2] ou une institution. L’autorisation de travailler au centre des archives nationales est délivrée par le directeur général ; un courrier doit lui parvenir, ainsi qu’au ministère algérien des Affaires étrangères, via l’ambassade d’Algérie[3]. Son accord écrit est également nécessaire pour consulter les archives des wilayat, même si le rapport de subordination entre lui et les responsables des centres régionaux paraît plus moral qu’institutionnel. Nous l’avons obtenu sans difficulté pour Alger et Oran. L’entrée dans les bibliothèques se négocie plus simplement avec une carte d’étudiant. Reste à explorer l’accès à la documentation des ministères, des municipalités, des confréries, des familles, etc.

          En matière d’archives, le chercheur ne peut pas ignorer le contentieux franco-algérien vieux de quarante ans. À la version française d’un « rapatriement » limité s’oppose la version algérienne de « transferts massifs ». 150 tonnes de documents - soit le vingtième ou le trentième du total - selon les uns, 600 tonnes pour les autres[4]. L’opération fut programmée dès 1960, avec l’expérience des premières décolonisations. Le saccage des bureaux du gouvernement général de l’Algérie (GGA), le 13 mai 1958, et la dégradation rapide du climat politique hâtèrent la décision. André Chamson, directeur des Archives de France, obtint l’aval, semble-t-il, du général de Gaulle. Directeur des archives régionales d’Alger, Pierre Boyer fut chargé d’exécuter le transfert vers la France. Il le légitime après coup pour les archives « de souveraineté » qu’il définit ainsi : « les papiers des personnes ou des services investis par la loi de l’exercice de la souveraineté française. En clair [...] les affaires traitées par les gouverneurs [...], par leurs cabinets et, dans une moindre mesure, par leurs subordonnés directs, préfets ou administrateurs ; d’autre part, celles de certains services spécialisés comme les services de police. » Il les oppose aux archives « de gestion » laissées en Algérie qui « représentaient la quasi totalité des dossiers [...] dans les différents services dont elles permettaient le fonctionnement ». En résumé, « la vie matérielle du pays[5] ». Certes, il reconnaît que la quasi clandestinité du transfert, sa précipitation et les obstacles en tous genres, à la veille de l’indépendance, n’ont pas permis une application stricte de cette distinction. Il la valide tout de même[6]. La direction des archives nationales d’Algérie conteste radicalement cet exposé. Selon elle, l’opération de 1961-1962 a permis « d’expédier en France tous les documents, manuscrits ou imprimés, présentant quelque intérêt documentaire ou historique ». Ainsi, « la distinction entre « archives de souveraineté » et « archives administratives », au demeurant très discutable [...], n’a joué aucun rôle[7]. »

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          • #6
            suite

            Pour les besoins de la recherche, nous essaierons d’interroger la réalité du transfert, selon les lieux. Rappelons le « point de départ » : le service d’information du GGA publiait en 1948 le classement des archives algériennes[8]. Sa documentation propre était rangée à Alger dans des séries originales. Brièvement, A, B, C et D : la diplomatie et le commerce entre les puissances étrangères et l’Algérie avant 1830 ; E, F et G : l’administration générale du pays après 1830 ; H, I, J et K : l’administration des Algériens après la conquête ; L et M : la colonisation européenne ; N et O : les activités économiques ; P, Q, R, S, T, U et V : les administrations particulières (instruction publique, justice, etc.) ; W : les cartes et les plans ; X : des dons et des acquisitions diverses ; enfin Z : les archives arabes et turques remontant au XVIe siècle et datées pour l’essentiel d’avant 1830. Ensuite, les archives départementales étaient organisées à Alger, Oran et Constantine sur le modèle métropolitain avec, quand même, quelques singularités. A : la législation ; B, C et D : l’administration générale et le personnel ; E : les élections ; F : la police et l’hygiène ; G : la population et l’état civil ; H : les activités économiques ; I : les affaires musulmanes ; K et L : l’administration et la comptabilité du département et des communes ; M et N : la colonisation et la propriété « indigène » ; O : les finances ; P : le Domaine ; Q : les affaires militaires ; R : les travaux publics ; S, T et U : l’instruction publique, la justice, les sciences et les arts ; V et X : les établissements de bienfaisance et de répression ; enfin Y : les affaires diverses. L’auteur du bulletin rappelait aussi que « la bibliothèque nationale d’Alger [conservait] de nombreux manuscrits arabes et turcs d’un grand intérêt », tout comme la Grande Mosquée, la medersa de Tlemcen ou la bibliothèque de Constantine[9].

            Chronologiquement, ces archives se répartissaient de façon très inégale. Leur organisation rationnelle ne fut mise en place qu’au début du XXe siècle avec la tendance de l’administration coloniale à produire toujours plus de documents. Déjà, la première moitié de ce siècle pesait plus lourd en papiers que les trois précédents. Surtout, la masse produite après 1920 n’était souvent ni classée, ni même versée dans les dépôts pour archivage, mais disséminée dans les bureaux d’Alger, d’Oran, de Constantine et sur l’ensemble du territoire[10].

            Liée à la production et à l’archivage des documents, cette surreprésentation des papiers récents en Algérie fut aussi accentuée par les transferts de 1961-1962 vers la France. En effet, les déménageurs mirent en caisse plus facilement les archives anciennes, déjà regroupées et classées. L’improvisation régna davantage pour collecter la documentation récente.

            D’où nos questions : où chercher aujourd’hui en Algérie ? pour trouver quel genre de documents et avec quelles facilités d’accès ?

            Le centre des archives nationales (CAN) est situé à la périphérie sud de la capitale, dans un bel immeuble de huit étages inauguré en 1989[11]. Notre présence a suscité l’étonnement au début, une certaine méfiance quant à nos intentions et à nos thèmes de recherche. Qu’il soit plus facile de travailler sur le XIXe siècle que sur la guerre de 1954-1962 est une évidence, mais le facteur humain permet souvent de lever les obstacles. De plus, après une décennie de crise, le retour des chercheurs étrangers est généralement souhaité. Il reste que les facilités offertes n’ont pas valeur de règle ; le directeur général des Archives nationales insiste notamment sur la réciprocité et sur un travail de mémoire progressif.

            La salle destinée au public comprend des lecteurs de microfilms ou de microfiches et des instruments de recherche : répertoires, fichiers, journaux officiels, etc. Depuis une dizaine d’années, des archivistes et des étudiant(e)s en bibliothéconomie accélèrent le processus de classement, inachevé, en rédigeant des répertoires au fur et à mesure. À terme, une refonte complète de l’archivage est prévue selon des normes internationales.

            Ainsi en est-il du fonds de la direction « Intérieur et Beaux-Arts » de l’ancien GGA qui réunit plusieurs milliers de liasses. Leur identification est en cours mais des répertoires provisoires existent[12] et les cartons sont accessibles. Ce premier ensemble couvre des domaines très divers pour la période 1870-1962. L’essentiel a trait à l’administration communale, départementale et générale, surtout à partir des années 1920, avec les dossiers des personnels notamment. Mais les thèmes couverts sont aussi bien les transports que l’assistance publique, les calamités naturelles, les grands prix littéraires, l’administration des cultes ou le produit des jeux... Les archivistes se livrent à un travail lourd de réorganisation en séries pour ce fonds considérable et hétérogène. De telles archives étaient inattendues ici, par leur quantité et leur nature « souveraine ». Pierre Boyer rappelle, il est vrai, les difficultés rencontrées en 1961-1962 avec les documents récents des directions du GGA, dispersés dans Alger et souvent non classés[13].

            Des anciennes directions sont issus également les fonds « Agriculture », « Eaux et Forêts », « Territoires du Sud », « Santé » et « Fonction[s] publique[s] » avec la même dispersion chronologique. Là encore, le classement est inachevé et les auteurs des répertoires[14] ne cachent pas leur embarras : « Après l’ouverture et [la] vérification », écrivent deux d’entre d’eux, « nous avons constaté [...] des liasses dont le contenu appartient à d’autres fonds ; [...] [mais aussi] un éclatement des liasses : mélange de dossiers, pièces désorganisées, transférées d’un dossier à l’autre[15]. » La mise en boîte ne résout pas toujours cette question du mélange des documents. Les archives accessibles sont pourtant considérables avec plusieurs milliers de boîtes. Les sujets couverts touchent aussi bien la vie et le commerce agricoles que le fonctionnement des hôpitaux, les personnels et les édifices de l’administration.

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            • #7
              suite

              Mais, à ce stade, préciser davantage l’histoire de ces papiers est difficile : étaient-ils, avant l’indépendance, dans les bureaux des directions, versés pour archivage ou rangés en séries ? Sont-ils là aujourd’hui seulement parce qu’ils ont échappé au transfert ? Quelle place accorder aux pertes ou aux destructions de documents, à ceux qui ne sont pas inventoriés ? En ne prenant que les archives du GGA déjà classées avant 1960, le sort de six séries seulement sur les vingt-quatre recensées plus haut semble admis par tous. Il s’agit des séries L et M (colonisation et propriété « indigène ») intégralement transférées à Aix-en-Provence car, selon Pierre Boyer, elles « intéressaient directement l’élément pied-noir[16] » ; et des séries O, P, U et V qui n’entrent pas dans les revendications algériennes (agriculture, commerce, industrie, ravitaillement, forêt, assistance, hygiène et services financiers)[17].

              Toujours au CAN sont conservées les archives de la Chambre de commerce et d’industrie d’Alger (CCIA). C’est un fonds considérable totalisant plus de 5 000 boîtes pour la période 1830-1976 dont un cinquième seulement a été répertorié[18]. L’archiviste Fadila Takour précise qu’il « échappa au grand transfert [...] auquel les autorités coloniales ont procédé à l’aube de l’indépendance de l’Algérie[19] ». On le conserva jusqu’à 1991 dans les sous-sols du palais du gouvernement, avant de le déménager au dépôt des archives nationales pour traitement. Il couvre de nombreux thèmes : législation commerciale, assemblées, gestion du personnel, infrastructures de transports (maritimes, terrestres et aériens), états des importations et des exportations, etc. Si toute la période coloniale est documentée, les années 1920-1962 dominent encore.

              Enfin, le CAN conserve jalousement un fonds « ottoman ». Cette documentation en langue arabe ou en osmanli (langue turque ottomane) remonte au XVIe siècle mais elle va également au-delà de 1830. En effet, certaines institutions de la Régence d’Alger continuèrent à fonctionner après les débuts de la conquête française. Ces archives n’entraient pas dans la catégorie « de souveraineté » définie par Pierre Boyer mais elles furent quand même transférées en France en 1961 pour une copie de sécurité, selon lui[20]. Le nouvel État algérien réclama rapidement la restitution des originaux qui se fit par étapes en 1967, 1975 et 1981. Mais en 1995, la direction algérienne des archives nationales estimait que l’opération « n’[était] pas, semble-t-il, terminée[21] ». D’autre part, la concordance entre le fonds algérois et la copie conservée à Aix-en-Provence reste à établir. Trois sous-ensembles structurent le corpus inventorié à Alger dans les années 1980[22] et accessible au public sous forme de microfilms. Les archives du Bayt al-mâl (le Trésor) sont datées jusqu’à l’année 1867. Elles renferment des actes de succession, la correspondance commerciale, le contrôle des échanges et les inventaires des entrepôts. Celles du Beylik (la Régence d’Alger) s’arrêtent en 1862. Elles regroupent des actes de fondations pieuses, des documents sur les soutiens aux pauvres mais également sur les aides apportées aux étudiants des medersas. Enfin, la documentation des Mahakim shar’iyya (tribunaux musulmans) rassemble jusqu’à 1856 des documents concernant des transactions de biens immobiliers, des mariages ou des divorces, des donations et des affranchissements d’esclaves. S’y ajoutent les Watha’iq el-turkiyya (« archives turques » selon l’intitulé donné par le centre), inventoriés dans un fichier distinct. Ce sont des copies en osmanli provenant d’Istambul, traduites en arabe récemment. Elles réunissent la correspondance du sultan avec les autorités d’Alger qui ne s’arrête qu’au début des années 1840.

              Il faut enfin signaler au CAN une collection de 3 000 cartes et plans[23], souvent introuvables en France pour la période coloniale. Le fonds iconographique, la photothèque et la vidéothèque mériteraient également plus d’attention de la part des chercheurs.

              Les bibliothèques d’Alger renferment de riches collections de manuscrits et d’imprimés à caractère de sources.

              La bibliothèque universitaire[24] réunit surtout des ouvrages des XIXe-XXe siècles mais l’incendie perpétré par l’OAS en juin 1962 a causé des pertes importantes. Une étude sérieuse les estime à 250 000 monographies, thèses ou périodiques, soit environ 40 % du total de 1960[25]. Un comité fut constitué à la fin 1962 pour recueillir les dons de livres et l’argent nécessaire aux achats. Cependant, pour les monographies, la reconstitution totale était impossible et ne correspondait plus aux nouvelles orientations de l’Algérie indépendante. Pour les thèses, des universités françaises envoyèrent des doubles rétablissant ainsi « la presque totalité du fonds détruit », à l’exception notable des travaux soutenus à Alger[26]. Enfin les périodiques, moins touchés par l’incendie, ne furent pas tous remplacés[27]. Ce qui complique la tâche du chercheur, c’est de devoir utiliser le fichier antérieur à 1952 partiellement mis à jour... Nos demandes ont porté sur des dizaines d’ouvrages des XIXe-XXe siècles, cotés à la BU d’Alger et introuvables en France. Elles ont été satisfaites dans la proportion des deux tiers.

              La bibliothèque nationale se partage entre deux sites[28]. La réunion des collections a été retardée par le récent tremblement de terre. Les périodiques sont toujours conservés sur les hauteurs de la ville (Frantz Fanon). Quelques 300 titres sont fichés pour l’époque coloniale, certains complets pour les XIX-XXe siècles, à en juger par un fichier en mauvais état et une visite rapide des magasins. La correspondance et la complémentarité avec les collections présentes en France restent à établir. Un simple sondage pour les périodiques relatifs à l’Oranie indiquerait une collection comparable en importance à celle du CAOM d’Aix-en-Provence. La nouvelle bibliothèque, au pied du monument des Martyrs, permet de consulter les ouvrages anciens. Les manuscrits, en langue arabe, offrent une richesse, un état de conservation et une classification exceptionnels pour la période comprise entre les XIIe et XIXe siècles[29]. Le fonds « maghrébin » réunit les imprimés du XVIe siècle à 1994, à partir duquel un fonds « amazigh » (berbère) est en voie de constitution. Le fichier « auteurs » est maintenant à jour mais pas le fichier « matières ». Nos vérifications ont donc porté sur plusieurs dizaines d’auteurs entre 1830 et 1930 et, pour l’histoire de l’Algérie, l’importance de la collection nous semble comparable à celle de la bibliothèque nationale de France.

              Le centre d’études diocésain complète cette tournée des bibliothèques[30]. La bibliothèque de recherche réunit des ouvrages des XIXe-XXe siècles, la plupart présents en France. Mais la collection de la bibliothèque religieuse nous semble plus importante avec plusieurs centaines d’ouvrages à caractère de sources pour l’histoire de l’Église en Algérie : annuaires, récits hagiographiques, conférences, principes d’action pastorale et missionnaire, archéologie chrétienne, etc.

              Le centre des archives de la wilaya d’Alger, en plein centre ville est un autre lieu important pour la recherche[31]. Il conserve les archives préfectorales de la période coloniale demeurées en Algérie. Le classement selon les anciennes séries départementales a débuté au début des années 1980 sans être achevé aujourd’hui. En plus d’un travail de dépouillement, nous avons regardé attentivement 15 répertoires[32] sur les 35 disponibles. Ils englobent des dizaines, parfois des centaines de boîtes, couvrant une ou plusieurs sous-séries. Cela correspond en général à la capacité de travail d’un(e) étudiant(e) réalisant en une année son mémoire de licence en bibliothéconomie.

              Il est donc difficile là aussi de faire un bilan rigoureux du transfert ou des pertes d’archives. Elles sont réelles à en juger d’après la datation des sous-séries répertoriées, même s’il faut aussi tenir compte de l’histoire institutionnelle[33]. En effet, de nombreuses administrations coloniales productrices d’archives n’existaient que depuis le début du XXe siècle, voire seulement depuis les années 1940-1950. Il n’empêche, des fonds plus anciens comme ceux traitant des élections, de la comptabilité départementale ou de l’assistance publique sont très lacunaires avant la fin des années 1940. Quand l’archive est plus technique, sa conservation est meilleure : ainsi pour les postes, la voirie, les chemins de fer, l’irrigation agricole ou l’exploitation du Domaine public maritime, que l’on peut suivre régulièrement sur l’ensemble du territoire dès le milieu du XIXe siècle.

              En même temps, l’historien aurait tort d’intégrer trop strictement la distinction entre les archives « de souveraineté » et « de gestion ». Du seul point de vue de la recherche, cette documentation est passionnante et pourrait donner corps à des sujets neufs. Encore une fois, quel que soit le fonds conservé, les vingt dernières années de la présence française sont généralement bien documentées. De plus le « technique », en soi intéressant, déborde rapidement sur le « social » et le « politique ». Par exemple, avec la construction des lignes de chemins de fer dans le département d’Alger dès 1846, la documentation permet de suivre les expropriations et les différentes plaintes ou pétitions. De même, le fonds « Hydraulique » réunit des documents sur les travaux d’irrigation ou d’assainissement mais aussi sur les activités de la police des eaux et des associations syndicales, dans un pays aride sur près d’un siècle. Les archives de l’administration des forêts permettent de suivre les défrichements, l’exploitation ou le relevé des incendies dès le milieu du XIXe siècle ; une mine là aussi quand on sait l’importance de cet espace dans l’économie et la société coloniales.

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              • #8
                suite et fin

                Un survol rapide nous laisse entrevoir d’autres fonds couvrant aussi bien les questions du personnel administratif, des activités du conseil de préfecture ou des tribunaux, du fonctionnement des hôpitaux, de la vie associative et syndicale, etc.

                Notons enfin la présence à la wilaya d’Alger d’une collection importante de périodiques. Le centre des archives départementales abritait en effet, avant l’indépendance, une bibliothèque avec les publications régionales. 150 journaux sont ainsi conservés. Les titres datent le plus souvent d’après 1945 mais certains remontent à la fin du XIXe siècle et semblent moins lacunaires que dans les collections parisienne ou aixoise[34]. Il faut y ajouter plus de 400 revues littéraires, économiques, médicales, sportives, etc. datant toujours pour l’essentiel des années 1940-1960[35]. Un répertoire fait même allusion à plus de 8 000 brochures sur tous les thèmes d’actualité, même s’il n’en inventorie que 300 en économie[36].

                Le centre d’archives de la wilaya d’Oran[37] a été sévèrement touché par le transfert des documents en France[38]. Même les fonds qualifiés « de gestion » par Pierre Boyer ne sont conservés qu’à l’état d’épaves. Par exemple, la série R consacrée aux travaux publics était l’une des plus importantes par son volume avant l’indépendance, constituée de huit sous-séries qui avaient nécessité une dizaine d’années de travail pour être classées. La moitié a disparu. De même, il ne reste que des bribes de la série H (agriculture, commerce et industrie) pour la période antérieure à 1950 : trois liasses sur la Chambre d’agriculture (1895-1929), un registre sur le comité agricole d’Oran (1876-1884), un dernier sur l’enquête agricole de 1868. La sous-série commerciale a été mieux conservée sur place mais il manque les documents portant sur l’industrie oranaise avant 1920. Quant aux séries se rapportant plus nettement à la « souveraineté », leur transfert en France a été presque total : ainsi pour les séries B (administration générale), E (élections), F (police) ou T (justice) avant 1940. Il est plus difficile d’établir l’importance des fonds pour les années 1940-1962 car les répertoires ne sont pas toujours accessibles.

                Pourtant, le chercheur aurait tort de conclure trop rapidement à l’inutilité du séjour à Oran. En effet, une documentation peut s’avérer décisive même à l’état d’épave. La vérification de détail reste à accomplir. Parfois aussi, des séries semblent mieux conservées sur place comme ces 1 500 liasses consacrées à l’administration et à la comptabilité communales. Elles remontent à la deuxième moitié du XIXe siècle.

                Un autre fonds a attiré notre attention sans appartenir strictement aux anciennes séries départementales. C’est celui de la Chambre de commerce et d’industrie d’Oran. On y retrouve la correspondance, des renseignements sur le personnel, les projets d’infrastructures, des statistiques économiques ou des rapports sur certains métiers. À la différence d’Alger cependant, la documentation ne devient régulière qu’à partir des années 1930.

                Enfin, pour l’histoire locale, la bibliothèque intégrée à la wilaya d’Oran est essentielle. Elle comprend 14 000 ouvrages et 4 000 brochures avec de nombreux titres pour la période coloniale. Cependant, il n’a pas été possible d’évaluer l’état de conservation des périodiques.

                L’Église catholique a également produit une riche documentation. Mais l’ordre missionnaire des Pères Blancs a transféré ses papiers à Rome dès les années 1930-1940. Il aurait inclus le fonds de l’archevêque d’Alger Lavigerie (1866-1892), son fondateur. Les archives diocésaines les mieux conservées en Algérie sont pourtant celles de l’archevêché[39]. Rangées dans 500 casiers, elles couvrent assez régulièrement la période coloniale. Des répertoires existent sur place mais l’archiviste Jean-Pierre Henry insiste sur les remaniements multiples de ses prédécesseurs, souvent peu sensibles à la conservation. On y trouve des fonds classés selon le titulaire du siège archiépiscopal avec la correspondance, les discours, les instructions, des brochures et des coupures de presse. D’autres fonds sont plus thématiques : relations avec les Algériens musulmans, monographies et tournées paroissiales, conseils épiscopaux, associations et syndicalisme chrétiens, comptabilité, etc. Près de 2 000 registres de catholicité (baptêmes, mariages, décès) sont conservés sur place mais le double peut aussi être consulté chez les sœurs Clarisses à Nîmes.

                Les archives diocésaines n’ont pas été consultées à l’évêché d’Oran[40]. Mais, d’après nos investigations, l’institution possède des registres de catholicité quasi complets qui remontent aux années 1830. On nous a signalé enfin les archives du diocèse de Ghardaïa dans le sud de l’Algérie[41].

                Les limites de cette expérience sont évidentes. Seuls des dépôts officiels d’archives et les principales bibliothèques ont retenu notre attention à Alger et à Oran, au cours de trois séjours d’une dizaine de jours chacun. De plus, l’inventaire incomplet des fonds et le bilan difficile des pertes et des destructions nous empêchent de préciser davantage le transfert des documents vers la France en 1961-1962. D’après les indices réunis cependant, il nous apparaît ni limité, ni intégral. Ce premier pas vise surtout à décloisonner les lieux pour la recherche. Les contacts sur place et le travail d’équipe nous ont permis d’ouvrir les portes et d’éviter bien des obstacles mais le partenariat individuel est insuffisant. Un relais institutionnel serait souhaitable pour faciliter dans la durée une coopération de fait. Les difficultés sont réelles et la mémoire est plus qu’un objet d’étude ; elle mérite autant l’attention que le respect. Mais, si les passerelles existent, « l’évitement de la diversité » des sujets et des interrogations sera plus difficile à soutenir[42].

                Chercheurs associés à l’IREMAM / MMSH (Aix-en-Provence), Didier Guignard, Akihito Kudo et Raëd Bader préparent leur thèse sous la direction de Robert Ilbert ; respectivement : sur les scandales administratifs en Algérie de 1880 à 1914 ; sur le système de commune mixte en Oranie au XIXe siècle ; sur l’esclavage dans l’Algérie coloniale de 1830 à 1906.

                http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php?article335#_ftnref24

                Désolée, je ne me rendais pas compte que le texte était si long
                Dernière modification par absente, 08 mars 2008, 20h55.

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                • #9
                  Merci Beaucoup Besbes

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