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L'Algérie retrouve sa mémoire télévisuelle

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    L'Algérie a retrouvé sa mémoire audiovisuelle. Une mémoire qui tient dans une cantine en fer remplie d'une centaine de cassettes de films et de reportages, propriété de l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Mardi 5 février, à Alger, son PDG, Emmanuel Hoog, accompagné de Bernard Bajolet, ambassadeur de France en Algérie, en a fait don à la télévision algérienne en remettant solennellement la copie de ces cassettes à Chawki Hamraoui, directeur général de l'Entreprise nationale de télévision (ENTV), avec laquelle une convention de partenariat avait été signée en septembre 2007. La visite officielle du président Nicolas Sarkozy en Algérie, début décembre 2007, a permis d'accélérer la finalisation de cet accord jugé "historique" par les deux parties.

    "Le contenu de ces reportages est exceptionnel et ce travail de mémoire audiovisuelle fait partie d'un patrimoine commun", a déclaré M. Hoog à l'issue de la cérémonie. De son côté, M. Hamraoui, qui fut en 1997 porte-parole du gouvernement et ministre de la culture et de la communication, a estimé que ce don "est une passerelle vers la vérité, l'authenticité et l'humanisme car les Algériens avaient jusqu'à maintenant une mémoire un peu blessée."

    Issues de reportages filmés par les équipes des "Actualités françaises" et de l'ex-ORTF, ces archives retracent l'histoire de l'Algérie de 1940 à juillet 1962, année de l'indépendance du pays. En tout 1 862 documents, dont certains muets, qui représentent 138 heures de programmes toutes thématiques confondues. La télévision algérienne en aura une totale liberté d'utilisation sur son territoire et ne payera aucun droit.

    Les images les plus anciennes montrent le bombardement par les Britanniques de la flotte française dans le port de Mers el-Kébir en juillet 1940. On peut aussi y trouver des images du départ de la Caravane du sel en 1948, le tremblement de terre de 1954, ainsi qu'un rare petit film en couleurs datant de 1961 montrant la fête de l'Aïd el-Kébir dans les Aurès. Mais, au-delà de la vie quotidienne, du sport et des grands chantiers algériens, l'essentiel de ces archives est composé d'images de la guerre d'Algérie qui, à elle seule, représente 117 heures de programmes. Des images connues, pour certaines, comme l'arrivée du général de Gaulle à Alger le 4 juin 1958 après son accession au pouvoir, mais aussi des documents rarement rediffusés comme les attentats dans la capitale algérienne, les différents procès de l'OAS, le référendum de 1962 et les scènes de "pacification" de l'armée française filmées, entre autres, par les reporters du magazine "Cinq colonnes à la Une".

    "Nous avons donné l'intégralité de notre fonds à la télévision algérienne sans nous poser de questions, car ces images symbolisent la naissance d'une nation", dit M. Hoog. "Ce regard que la France a porté pendant vingt ans sur une Algérie entre espoirs, douleurs, progrès et révoltes, il était temps que le peuple, qui en a été l'acteur, puisse aussi en devenir le spectateur", poursuit le PDG de l'INA. Lors de sa visite à Alger, il a d'ailleurs engagé des négociations avec les responsables de la radio algérienne pour leur céder les milliers d'heures sur l'Algérie conservées par l'Institut.

    Toutes les cassettes livrées par l'INA ont rejoint les archives de la télévision algérienne qui contiennent près de 200 000 documents tournés par les Algériens depuis 1962. "C'est notre petite clinique", ironise Leila Haoues, directrice des archives et de la documentation, en introduisant ses visiteurs dans des locaux exigus où une douzaine d'archivistes s'activent à identifier, classer et réhabiliter des centaines de films sur du matériel plutôt ancien.

    "C'est une course de vitesse car, plus nous attendons, plus les films risquent de se détériorer", explique Mme Haoues. "Notre principal handicap est le manque de matériel et surtout les pièces de rechange des machines que nous n'arrivons plus à trouver", ajoute-t-elle, ravie de récupérer la mémoire audiovisuelle de son pays avant l'indépendance. Dans son accord avec l'ENTV, l'INA s'est engagé à former les archivistes à la numérisation et à aider la télévision algérienne à la construction d'un centre d'archives plus adapté.

    Cette cession d'images par l'INA corrige l'impression de malaise laissée par Nicolas Sarkozy lorsque, avant d'être élu en mai 2007, il avait indiqué que la France et l'Algérie devaient "construire ensemble leur avenir, sans repentance et sans réécrire l'histoire". Pour Benjamin Stora, historien et spécialiste du Maghreb, cette réhabilitation de la mémoire audiovisuelle algérienne "est un pas politique très important". "La question des archives est récurrente depuis l'indépendance de l'Algérie et ce geste de l'INA est plus que symbolique", souligne-t-il. "C'est le début d'un long processus qui a démarré, fin 2007, avec la remise des cartes des mines posées par les Français pendant la guerre et la proposition de nettoyage des sites atomiques utilisés par l'armée française", poursuit l'historien, qui souhaite que la démarche de l'INA "serve de levier" à d'autres reconnaissances. "L'important est que les archives soient ouvertes au public et aux chercheurs algériens qui pourront eux-mêmes reconstruire leur histoire", indique-t-il.

    L'accord passé avec l'Algérie - qui fait suite à celui de même nature passé avec le Maroc en 2006 - ouvre un espace nouveau pour la mémoire collective des peuples méditerranéens. Selon M. Hoog, l'INA travaille déjà sur un projet d'un grand portail d'archives audiovisuelles sur Internet qui donnerait accès à l'ensemble des fonds audiovisuels numérisés des pays bordant les rives de la Méditerranée.

    En attendant, l'ensemble des fonds algérien et marocain sont déjà en ligne et consultables sur le site www.ina.fr.

    source : Le Monde
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