Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Boycotter ou pas, les écrivains arabes divergent

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Boycotter ou pas, les écrivains arabes divergent

    Plusieurs Etats arabes seront absents du Salon du livre de Paris, qui s'ouvre le 14 mars, parce qu'Israël est l'invité d'honneur. Mais, entre intellectuels arabes, le débat sur le boycott est loin d'être tranché, constate le quotidien libanais As-Safir.

    Il n'y aura personne cette année pour accueillir les visiteurs dans l'allée 74 du Salon du livre de Paris. Voilà le "succès" remporté par certains pays arabes dont les auteurs francophones ne se rendront pas à la porte de Versailles. C'est qu'Israël est l'invité d'honneur de ce salon. Tous les écrivains israéliens qui participeront au salon écrivent en hébreu, aucun d'entre eux ne représente la littérature israélienne arabophone, comme si l'hébreu était la seule langue de culture en Israël. La décision d'inviter Israël a été prise il y a un an. Un seul éditeur français s'y est opposé d'emblée, et un second a décidé de ne pas y participer après l'échec de l'idée d'inviter également les Palestiniens.

    La controverse sur le boycott se déroule surtout entre Arabes et Juifs, sionistes et antisionistes. [De manière générale], les intellectuels ne se sentent pas très concernés par le sujet et les médias français, loin de boycotter l'événement, ont publié des entretiens avec des écrivains israéliens. Libération a par exemple présenté les trente-neuf participants israéliens. Le quarantième invité, le poète Aharon Shabtai, a quant à lui préféré le boycott parce que "l'Etat hébreu, qui prolonge l'occupation militaire et commet des crimes contre les civils, ne mérite pas d'être invité à un événement culturel, quelle que soit sa nature. Nous n'accepterons pas d'être assimilé à cet Israël non démocratique et raciste."

    L'avenue des Champs-Elysées a été décorée de drapeaux israéliens, dans le cadre de la visite du président Shimon Peres, qui inaugurera le salon [le 13 mars au soir, veille de l'ouverture au public] avec son homologue français Nicolas Sarkozy. Les partisans du boycott pointent le fait que la date du salon coïncide avec le soixantième anniversaire de la création de l'Etat d'Israël et accusent les organisateurs de vouloir couvrir par les festivités parisiennes les bruits des massacres commis ces dernières semaines à Gaza.

    Les éditeurs et syndicats d'écrivains d'Algérie, d'Egypte, de Tunisie, du Yémen, de Jordanie, d'Arabie Saoudite et du Liban ont choisi le boycott. Quant au Maroc, son ministre de la Culture a décidé qu'il n'y serait pas officiellement présent. De même, l'Organisation de la conférence islamique (OCI) a décidé de s'associer au boycott et a appelé ses membres de ne pas se rendre au salon. D'autres ont choisi le boycott "constructif", qui consiste à participer pour mieux faire entendre sa voix. La maison d'édition La Fabrique, d'Eric Hazan, qui publie des livres d'auteurs israéliens et juifs antisionistes, prévoit d'organiser des conférences au cœur de l'événement avec la participation de la journaliste Amira Hass, correspondante en Cisjordanie pour le quotidien Ha'Aretz et connue pour ses positions propalestiniennes, de l'intellectuel progressiste Michel Warschawski et du journaliste Dominique Vidal, du Monde diplomatique.

    On s'attendait à une conférence sur la Nakba [la "catastrophe", la défaite arabe de 1948, lors de la création de l'Etat d'Israël] de l'éminent représentant des "nouveaux historiens" israéliens, Ilan Pappé, dont le dernier livre s'intitule Le Nettoyage ethnique de la Palestine [éd. Fayard]. Mais Pappé a finalement déclaré qu'il avait "le droit de dire que l'agression exterminatrice d'Israël à Gaza devrait inciter les intellectuels, artistes, écrivains et progressistes à refuser de participer à la célébration d'Israël et à l'occultation de la catastrophe subie par les Palestiniens."

    Sayed Kashua [un Arabe israélien], qui écrit en hébreu et dont le dernier livre s'intitule Les Arabes dansent aussi [éd. Belfond], est le seul Arabe israélien qui fera partie de la délégation israélienne. Mais, dans un entretien accordé au quotidien Ha'Aretz, il a déclaré qu'il espérait que "le boycott de l'entité sioniste se développe" et qu'il faudrait "enfermer les écrivains israéliens dans l'hôtel parisien le plus miteux, leur imposer un couvre-feu et leur couper l'électricité, afin qu'ils aient une petite idée de la situation à Gaza". Quant à l'écrivain égyptien Alaa Al-Aswani, auteur de L'Immeuble Yacoubian [éditions Actes Sud], il boycottera tout en étant présent (!), malgré sa "douleur que la France ne soit plus celle que les Egyptiens ont connue il y a deux siècles". Son compatriote Gamal Ghitany trouve que les protestations contre l'invitation d'Israël sont "politiquement puériles".

    Le plus explicite, dans son opposition au boycott, a été le Marocain Tahar Ben Jelloun. Selon lui, il ne faut pas "confondre la politique d'un pays avec la production littéraire de ses écrivains". Sans surprise, Marek Halter a estimé que le boycott était antisémite. Dans les pages du Monde, il a expliqué qu'"avant d'assassiner des Juifs, on brûlait toujours leurs livres". Au ministère des Affaires étrangères, qui a lancé l'invitation, on ne souhaite pas alimenter la polémique. Le ministre Bernard Kouchner se contente d'exprimer ses "vifs regrets" et sa porte-parole, Pascale Andreani, souhaite simplement que "le salon se déroule dans les meilleures conditions".

Chargement...
X