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    La politique en dansant
    Ahmed R. Benchemsi


    Un festival musical au Sahara, c’est beaucoup plus utile que toutes les gesticulations diplomatiques


    ça bouge encore, sur le front sahraoui. Alors que la reprise des négociations entre le Maroc et le Polisario se profile (Manhasset, le 16 mars), la “république sahraouie” autoproclamée vient de fêter, avec tambours et trompettes, son 32ème anniversaire. À Tifariti, encore une fois. Soit, de notre point de vue, en pleine “zone tampon démilitarisée” et, du point de vue du Polisario, au cœur des “territoires libérés”. Bref, à l’épicentre du litige. C’est là que le vaillant Mohamed Abdelaziz a décidé

    d’implanter le siège du “Parlement sahraoui”. À l’occasion du renouvellement de cette assemblée toute théorique, le chef du Polisario a dénoncé “la politique marocaine de surarmement” (ah ?) et a appelé les pays du G8 à “se plier à la légalité internationale en reconnaissant la République sahraouie”. Pour faire bonne mesure, Abdelaziz a aussi posé, à Tifariti, la première pierre d’un stade de foot et celle d’un mini-barrage, destiné à alimenter en eau quelques dizaines de masures, qu’il est prévu de construire pour “sédentariser les nomades de la région”. Tout cela, bien entendu, juste pour faire la nique à Rabat.

    Rabat qui, en réaction, hurle à la mort. Selon les termes d’un communiqué très énervé du ministère des Affaires étrangères, “le Maroc affirme sa nette détermination à préserver, par tous les moyens, son intégrité territoriale sur l’ensemble de son Sahara et à sauvegarder, de manière légitime, sa sécurité nationale”. Ça ne veut rien dire, mais ça soulage. Et pendant ce temps-là, le royaume fait le ménage sur son sol. Coup sur coup, un indépendantiste est condamné à un an de prison pour avoir brûlé la voiture d’un militaire en juin 2007, deux autres écopent de la même peine pour avoir lancé des cocktails Molotov sur la police à la même période, et six agitateurs pro-Polisario sont arrêtés pour leur implication dans “l’agression sauvage d’un représentant de l’ordre” à Tan Tan (en fait, le malheureux est mort de ses blessures suite à de violentes échauffourées entre la police et des indépendantistes, comme il en arrive souvent dans cette ville). Ah oui, et une centaine de “dissidents du Polisario” ont choisi fort opportunément de rejoindre la mère patrie, la semaine dernière, au cri de “nous sommes fiers d’être marocains”. Toujours en pointe sur ce genre de nouvelles, L’Opinion a triomphalement titré : “le Maroc mène aux points face au Polisario”.

    Est-ce vraiment le cas ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non… Et de toute façon, depuis le temps qu’il dure, on a fini par comprendre que ce combat-là ne se gagnera pas aux points, mais par KO, d’un côté ou de l’autre. C’est un peu comme les élections américaines : la victoire d’une partie ne sera entérinée que quand l’autre partie reconnaîtra publiquement sa défaite. Ça n’arrivera pas, tant que le Maroc et l’Algérie (car il ne faut pas se leurrer, le Polisario n’est, objectivement, qu’un pion) continueront à avoir le même poids géostratégique. Et c’est parti pour durer, en ces temps de “guerre régionale et internationale contre le terrorisme”, pour reprendre l’expression de Mohammed VI.

    Alors ? Alors rien… Nous devons continuer à “marquer des points”, même si ce n’est pas ça qui nous fera gagner – en tout cas pas à court, ni à moyen termes. Mais rien ne nous interdit de réfléchir à la qualité des “points” à marquer. La fermeté contre les émeutiers indépendantistes, c’est bien. Les ralliements groupés c’est bien aussi. Mais nous avons fait mieux encore, la semaine dernière : un festival musical à Dakhla. Des dizaines de milliers de jeunes sahraouis ont dansé dans des concerts d’H-Kayne, Haoussa et Fez City Clan, ont goûté, eux aussi, à la Nayda, cette formidable lame de fond culturelle qui balaie le royaume depuis quelques années. Sur le coup, ils ont dû se sentir “fiers d’être marocains” - sincèrement et sans propagande. Gagner les cœurs plutôt que les portefeuilles : voilà le type de “points” qu’il nous faudra marquer, de plus en plus. Tôt ou tard, la politique suivra.
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