Le Sahara occidental est coupé en deux du nord au sud. A l'ouest, quelque 250 000 Sahraouis sous occupation marocaine, largement dépassés en nombre par les Marocains venus s'installer au fil des ans dans cette "province du Sud", appâtés par les exonérations fiscales. A l'est, 125 000 réfugiés installés sur le sol algérien et dans une petite bande "libérée" par les combattants du mouvement indépendantiste, le Front Polisario, soutenu par Alger.
Vivant dans des masures en pisé, en dur et dans des tentes, soumis à des conditions de vie extrêmement difficiles - chaleur torride l'été, froid glacial l'hiver, vents de sable -, les Sahraouis exilés en Algérie dépendent entièrement de l'aide internationale (ONU, Union européenne et ONG). Ils ont donné à leurs campements les noms des principales localités de leur patrie sous occupation marocaine et se sentent les oubliés de la terre.
Sous son apparence de désert inhospitalier, ce territoire abrite d'importantes richesses : phosphates (donc uranium potentiel), fer et peut-être pétrole, au large des côtes ou sous terre. Quant à la côte, elle compte parmi les plus poissonneuses du globe. Voilà pourquoi le Sahara occidental suscite tant de convoitises.
Mais les considérations politiques, faites de rivalités entre le Maroc et l'Algérie, sont au moins aussi importantes. Les deux pays se disputent depuis des décennies la suprématie régionale et ont tant investi - le Maroc surtout - au Sahara occidental qu'ils n'entendent pas faire marche arrière. Question de crédibilité pour le royaume marocain, tant sur la scène intérieure qu'internationale. Question d'amour-propre pour Alger, naguère siège de quantité de mouvements de libération africains, qui en fait une question de principe.
L'Algérie nourrit-elle des ambitions territoriales sur le Sahara occidental, notamment un couloir qui lui permettrait de déboucher sur l'océan Atlantique ? Elle s'en défend, sans réussir à convaincre ses détracteurs.
Deux thèses s'affrontent pour trouver une issue au conflit. Le Maroc estime qu'historiquement le Sahara occidental lui appartient. Pour cette raison, il ne veut entendre parler que d'un régime d'autonomie pour les Sahraouis. Le Polisario, lui, revendique le droit à l'autodétermination, autrement dit à une éventuelle indépendance du peuple sahraoui. Le blocage est total.
"Il y a un très grand déficit de compréhension et d'analyse de part et d'autre. Les uns martèlent "autodétermination". C'est compris comme indépendance et rien d'autre, ce qui est faux. Les autres matraquent "autonomie", ce qui est interprété comme excluant à jamais l'indépendance. Là aussi, c'est inexact", souligne Khadija Mohsen-Finan, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Une chose est sûre : la population est lasse. Combien de Sahraouis seraient prêts à accepter l'autonomie proposée par le Maroc ? Difficile de le savoir. Le langage tenu en public et en privé n'est pas le même, ni à Rabouni, siège du Polisario, ni à El-Ayoun, principale ville du Sahara occidental. Et, surtout, la propagande pour discréditer "l'autre côté" est incessante, en particulier sur le terrain des droits de l'homme.
VOLS HUMANITAIRES
Les réfugiés sahraouis en territoire algérien imaginent la vie de leurs proches restés sous occupation marocaine comme un enfer, ce qui est inexact, même si les violations des libertés y sont nombreuses. Quant aux Sahraouis promarocains vivant à El-Ayoun et Smara, ils se disent persuadés - tout comme les Marocains - que le Polisario et l'Algérie retiennent contre leur gré les exilés de Tindouf.
Pour tenter d'instaurer la confiance et de rétablir le contact entre les familles, les Nations unies organisent, depuis quatre ans, des vols humanitaires entre El-Ayoun et Tindouf (et vice versa). Un peu plus de 4 000 personnes ont déjà bénéficié de ces visites de cinq jours, mais 15 000 personnes sont inscrites sur les listes d'attente et l'ONU manque cruellement de fonds.
L'une des principales conséquences du conflit est de bloquer la construction du Maghreb. A moins que ce ne soit l'état des relations algéro-marocaines qui empêche de résoudre ce différend vieux de trente ans.
Florence Beaugé
Le Monde
Article paru dans l'édition du 15.03.08.
Vivant dans des masures en pisé, en dur et dans des tentes, soumis à des conditions de vie extrêmement difficiles - chaleur torride l'été, froid glacial l'hiver, vents de sable -, les Sahraouis exilés en Algérie dépendent entièrement de l'aide internationale (ONU, Union européenne et ONG). Ils ont donné à leurs campements les noms des principales localités de leur patrie sous occupation marocaine et se sentent les oubliés de la terre.
Sous son apparence de désert inhospitalier, ce territoire abrite d'importantes richesses : phosphates (donc uranium potentiel), fer et peut-être pétrole, au large des côtes ou sous terre. Quant à la côte, elle compte parmi les plus poissonneuses du globe. Voilà pourquoi le Sahara occidental suscite tant de convoitises.
Mais les considérations politiques, faites de rivalités entre le Maroc et l'Algérie, sont au moins aussi importantes. Les deux pays se disputent depuis des décennies la suprématie régionale et ont tant investi - le Maroc surtout - au Sahara occidental qu'ils n'entendent pas faire marche arrière. Question de crédibilité pour le royaume marocain, tant sur la scène intérieure qu'internationale. Question d'amour-propre pour Alger, naguère siège de quantité de mouvements de libération africains, qui en fait une question de principe.
L'Algérie nourrit-elle des ambitions territoriales sur le Sahara occidental, notamment un couloir qui lui permettrait de déboucher sur l'océan Atlantique ? Elle s'en défend, sans réussir à convaincre ses détracteurs.
Deux thèses s'affrontent pour trouver une issue au conflit. Le Maroc estime qu'historiquement le Sahara occidental lui appartient. Pour cette raison, il ne veut entendre parler que d'un régime d'autonomie pour les Sahraouis. Le Polisario, lui, revendique le droit à l'autodétermination, autrement dit à une éventuelle indépendance du peuple sahraoui. Le blocage est total.
"Il y a un très grand déficit de compréhension et d'analyse de part et d'autre. Les uns martèlent "autodétermination". C'est compris comme indépendance et rien d'autre, ce qui est faux. Les autres matraquent "autonomie", ce qui est interprété comme excluant à jamais l'indépendance. Là aussi, c'est inexact", souligne Khadija Mohsen-Finan, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Une chose est sûre : la population est lasse. Combien de Sahraouis seraient prêts à accepter l'autonomie proposée par le Maroc ? Difficile de le savoir. Le langage tenu en public et en privé n'est pas le même, ni à Rabouni, siège du Polisario, ni à El-Ayoun, principale ville du Sahara occidental. Et, surtout, la propagande pour discréditer "l'autre côté" est incessante, en particulier sur le terrain des droits de l'homme.
VOLS HUMANITAIRES
Les réfugiés sahraouis en territoire algérien imaginent la vie de leurs proches restés sous occupation marocaine comme un enfer, ce qui est inexact, même si les violations des libertés y sont nombreuses. Quant aux Sahraouis promarocains vivant à El-Ayoun et Smara, ils se disent persuadés - tout comme les Marocains - que le Polisario et l'Algérie retiennent contre leur gré les exilés de Tindouf.
Pour tenter d'instaurer la confiance et de rétablir le contact entre les familles, les Nations unies organisent, depuis quatre ans, des vols humanitaires entre El-Ayoun et Tindouf (et vice versa). Un peu plus de 4 000 personnes ont déjà bénéficié de ces visites de cinq jours, mais 15 000 personnes sont inscrites sur les listes d'attente et l'ONU manque cruellement de fonds.
L'une des principales conséquences du conflit est de bloquer la construction du Maghreb. A moins que ce ne soit l'état des relations algéro-marocaines qui empêche de résoudre ce différend vieux de trente ans.
Florence Beaugé
Le Monde
Article paru dans l'édition du 15.03.08.
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