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Une nationalisation à l’américaine, par Paul Jorion

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  • Une nationalisation à l’américaine, par Paul Jorion

    Privatiser les bénéfices socialiser les pertes, serait-ce là le schéma du sauvetage de la Bear Stearns organisé par la Fed ? Les explications de Paul Jorion.


    Par Paul Jorion, 18 mars 2008

    La chose qui m’a semblé la plus intéressante dans le Wall Street Journal d’aujourd’hui - et croyez-moi, ce ne sont pas les candidats qui manquent - c’est une annonce en pleine page : « To : Mr. Ben Bernanke. Please don’t put garbage in the Federal Reserve » : « Mr. Bernanke - le président de la banque centrale américaine - S’il-vous-plaît, n’engrangez pas d’ordures dans la Federal Reserve Bank ». Le texte est une petite merveille d’explication technique sur la manière dont fonctionnent les Residential Mortgage-Backed Securities (titres adossés à des prêts hypothécaires résidentiels) et rédiger un texte de cette nature n’est donc pas à la portée du vulgum pecus.

    Cette annonce constitue une attaque en règle, très intelligente d’ailleurs, contre la nationalisation déguisée de Bear Stearns, autrefois la cinquième banque d’affaires de Wall Street, spécialisée dans les Residential Mortgage-Backed Securities, officiellement vendue dimanche à la banque commerciale JP Morgan Chase mais avec en arrière-plan, un rachat - lui aussi déguisé - de son portefeuille de RMBS par la Federal Reserve, à concurrence de 30 milliards de dollars. Dans sa partie rédactionnelle, le Wall Street Journal d’aujourd’hui explique que sans ce coup de pouce de la Fed, JP Morgan n’aurait pas été partant... et il fallait faire vite dimanche après-midi avant l’ouverture dans la soirée de la bourse de Tokyo entamant sa session de lundi.

    Mr. Gordon Brown, le Premier Ministre britannique, a nationalisé Northern Rock et il a répété hier que son gouvernement n’hésiterait pas à ré-intervenir de manière similaire si la chose s’avérait nécessaire. Aux États-Unis, on ne nationalise pas d’un cœur aussi léger et la formule adoptée pour Bear Stearns : 236 millions de la poche de JP Morgan et 30 milliards de la poche du contribuable, permet de sauver la face puisqu’au niveau des apparences du moins, la solution reste confinée au sein du secteur privé.

    L’astuce consistait à dire que Bear Stearns mettait en gage un portefeuille de Residential Mortgage-Backed Securities qui « manquait simplement de liquidité » et qu’il ne s’agissait donc pas d’un rachat mais seulement d’un prêt dont le collatéral serait saisi et revendu en cas de pépin, sans qu’aucun risque n’existe par conséquent pour le contribuable de voir disparaître en fumée les 30 milliards de dollars avancés. L’annonce dans le Wall Street Journal met elle les pieds dans le plat : le collatéral en question ne vaut pas tripette affirme-t-elle et le message, dont chaque lettre mesure un bon demi-centimètre, ne risque pas de passer inaperçu.

    J’ai cherché à savoir qui a placé l’annonce et n’ai encore rien trouvé. Plusieurs suspects possibles : l’extrême-droite libertarienne américaine, proche du Cato Institute, et voulant dénoncer une nationalisation déguisée ? C’est possible : cette tendance ne représente rien dans l’opinion, comme le confirme la campagne confidentielle de son candidat présidentiel, Ron Paul, mais elle est puissante dans le milieu financier : les pages éditoriales du même Wall Street Journal sont entre ses mains. Cela dit, on est en Amérique et je soupçonne plutôt derrière l’annonce l’un de ces fonds d’investissement spéculatifs ayant parié à la baisse sur le marché des RMBS et qui voient d’un mauvais œil le gouvernement les accepter comme collatéral d’un prêt. L’annonce le dit : même à 60 cents du dollar, les RMBS de notation « AAA » ne trouvent plus preneur. Alors à quoi pense le gouvernement en agissant comme si elles valaient encore quelque chose ?

    Ah ! j’oubliais : la Fed a réduit son taux directeur de ¾ de point. La bourse de New York ne se sentit plus de joie et grimpa de 3,51 %. Tout va bien !

    PS : l’auteur de l’annonce est Andy Beal (merci Philippe Barbrel), un banquier excentrique, grand joueur de poker, qui tenta autrefois de mettre sur pied une compagnie privée de placement sur orbite de charges lourdes. Quant à la « conjecture de Beal » dotée d’un prix de 100.000 dollars, c’est une généralisation du théorème de Fermat. Mais c’est bon sang bien sûr : un polymathe ! J’aurais dû y penser !

    Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).

    Article comuniqué par Paul Jorion
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Merci SOLAS, interessant, ça explique beaucoup de chose, mais j'ai une question:

    l’extrême-droite libertarienne américaine, contre la nationalisation, ok, mais c'est un moment de crise sauve-qui-peut, tout va s'effondre sous nos pieds, même les pays asiatiques, pourquoi ils nous proposent pas une solution?

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    • #3
      Je pense qu il faut laisser le cycle economique aller a son terme(une recession salvatrice?)
      en gros laisser le marche faire le tri entre l argent sale(idiot) et l argent propre(intelligent)
      en gros revenir aux fondamentaux
      voir l article de michel rocard
      http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=73788
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