46e anniversaire des accords d’Évian
Hommage aux négociateurs algériens
La présidence de la délégation algérienne aux premières négociations gouvernementales algéro-françaises sera assurée, du début jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’au 18 mars 1962, par Krim Belkacem.
A cette époque-là, il était le seul dirigeant en mesure d’imposer une autorité indiscutable tant aux militaires membres du GPRA (Boussouf et Bentobbal), qu’aux dirigeants du FLN et aux ministres politiques qu’ils fussent d’origine CRUA, centralistes ou anciens de l’UDMA. Krim Belkacem a été brillamment secondé, durant ces négociations, par des hommes remarquables tant du fait de leur engagement en faveur de la paix et du triomphe de la liberté du peuple algérien, que du fait de leurs éminentes qualités de négociateurs et de « debatters » face à des négociateurs français compétents et coriaces. Parmi ces négociateurs algériens, une mention toute particulière devrait être réservée à Ahmed Boumendjel, Tayeb Boulahrouf, Ahmed Francis, Saad Dahlab, Mohamed Seddik Ben Yahia et Redha Malek. Tous, d’une manière ou d’une autre, se sont distingués par leurs compétences, leur habilité et leur fermeté. C’est Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, qui a présidée la délégation française. En fait, c’est de Gaulle qui, de Paris, l’a dirigée, jour après jour, jusqu’a la fin. La délégation française lui doit non seulement ses orientations générales et ses directives ponctuelles, mais aussi ses suggestions pour les sorties de crise, sa fermeté et la fertilité de son imagination. En fait, de Gaulle était consulté quotidiennement sur tout et il lui en était rendu compte surtout, à tout instant. A titre d’exemple de son intérêt et de sa vigilance pour tout ce qui touchait la rencontre, c’est lui qui a rédigé de sa main le protocole de la cérémonie d’arrivée de la délégation algérienne en terre française à Evian, le 20 mai 1961, en provenance de Suisse. Voici le texte de la note manuscrite de de Gaulle qu’un émissaire français a confiée à Olivier Long, l’incomparable Monsieur « bons offices » suisse, le 18 mai 1961, pour qu’il la remettre à son tour à la partie algérienne, avant son départ du territoire helvétique pour Evian. « Il convient, dit de Gaulle, de se souvenir que les délégations représentent des combattants. Aussi, ne serait-ce que par respect pour les combattants eux-mêmes, les rapports des deux délégations devront être marqués de la plus grande simplicité et même de la plus grande austérité. Cette règle sera limitée au temps des combats, elle ne préjuge en rien l’avenir. Dans ces conditions, la délégation du FLN comprendra que ce ne sera en aucune façon par dérogation aux règles de la courtoisie protocolaire que le sous-préfet de Thonon-les-Bains ne pourra leur serrer la main. Pour les mêmes raisons, cette disposition sera également valable à l’intérieur de la salle des séances. »
L’ouverture sans témoin des négociations à Evian I (20 mai 1961)
L’ouverture d’Evian I a eu lieu le 20 mai 1961 à 11h, à l’hôtel du Parc. Le moment est solennel et symbolique. Il scelle la fin d’une époque pour la France en Algérie et le début d’une ère nouvelle pour le peuple algérien. C’est la première fois, en effet, depuis juillet 1830, c’est-à-dire depuis 131 ans, qu’une délégation ministérielle algérienne rencontre officiellement une délégation française présidée par un membre du gouvernement français non pas pour discuter de reddition, de soumission et d’aman, mais pour s’entendre avec elle sur les modalités de la décolonisation et de la libération de l’Algérie, en vue de restaurer son indépendance nationale et sa souveraineté. « Le gouvernement français était tellement conscient de l’importance symbolique de l’événement et de l’effet désastreux que sa diffusion par l’image pouvait provoquer dans l’opinion publique française, dans I’Hexagone, ainsi qu’en Algérie sur l’Armée française et les pieds-noirs qu’il a décidé de la censurer et d’en effacer toute trace audiovisuelle pour la postérité. A cet effet, des instructions avaient été données et des dispositions avaient été prises pour qu’il n’y ait pas de témoin de cette séance d’ouverture. Et surtout pas de journalistes ni de photographes ou de cameramen. » La rencontre se déroulant en territoire français, les membres de la délégation algérienne ne pouvaient que subir sans broncher la chape de plomb imposée par la partie française sur cette cérémonie d’ouverture. Ils savaient que rien n’était laissé au hasard par de Gaulle en ce qui concernait cette rencontre et que c’était à dessein qu’aucun témoin n’avait été invité à y assister. Pourtant, à entendre, à l’ouverture de la cérémonie, les exposés liminaires des deux chefs de délégation, il n’était pas du tout évident qu’une « solution, négociée, pacifique et mutuellement acceptable » serait aisément accessible à Evian. En effet, pour Louis Joxe : « Il s’agit de discuter des conditions et des garanties d’application de l’autodétermination. Mais cela, ajoute-t-il, n’empêche pas d’envisager l’hypothèse d’une Algérie ‘’souveraine en dedans et en dehors’’. La question qui sera posée au référendum est donc celle-ci : ‘’Souveraineté oui ou non ?’’ Dans l’affirmative, deux voies se présentent : la sécession ou l’association en toute souveraineté avec la France. Si les populations se prononcent en faveur de la première voie, la France est prête à l’admettre. Mais alors, elle prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder ses intérêts en tant que nation et assurer la défense de ses nationaux. Et le chef de la délégation française d’indiquer clairement ses préférences. ‘’La France est prête à envisager une association sur les plans économique, financier et technique, culturel et celui de la défense. Elle le fait avec le désir que cette association soit claire et que le statut des communautés soit établi. Enfin, la France pense à sa sécurité et aux bases(1) militaires qu’elle voulait garder en Algérie’’. » La réponse de Krim fut aussi claire. En voici quelques extraits « Le problème pour lequel on se trouve réunis ici, dit-il, est celui de la ‘’décolonisation totale’’ de l’Algérie, de la ‘’disparition d’un système périmé et de l’accession de notre peuple à l’indépendance’’. Ce n’est pas par xénophobie que nous voulons notre indépendance, mais c’est parce que c’est notre ‘’droit imprescriptible’’. Si le gouvernement provisoire de la République algérienne a marqué son accord, le 28 septembre 1959, pour l’autodétermination, c’est parce qu’il était persuadé qu’il pouvait grâce à cette procédure réaliser son indépendance. Encore faut-t-il que cette autodétermination puisse se ‘’dérouler librement’’, sans être assortie de ‘’clauses irréalistes’’ qui videraient la décolonisation de son contenu. C’est dire que I’intégrité du territoire national et l’unité du peuple algérien doivent être respectées en tout état de cause. ‘’Faisant allusion aux Européens, il précise que l’indépendance, qui n’est pas synonyme pour nous de ressentiment, se conçoit dans ‘’un contexte où les intérêts légitimes des uns pourront s’épanouir dans le respect des intérêts des autres. Tous les hommes de bonne volonté, sans distinction de race ou de confession, auront leur place’’. » Comme on peut le constater à travers ces deux extraits des deux déclarations liminaires lors de la première séance, les positions des deux délégations étaient restées absolument inchangées depuis Lucerne et Neuchâtel singulièrement sur la question de l’intégrité territoire de l’Algérie et de l’unité du peuple algérien. La seule nouveauté était la décision française d’observer, d’une manière unilatérale, une trêve d’un mois. La partie algérienne en a pris bonne note, mais sans la commenter ni proposer quoi que ce fut en retour.
Hommage aux négociateurs algériens
La présidence de la délégation algérienne aux premières négociations gouvernementales algéro-françaises sera assurée, du début jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’au 18 mars 1962, par Krim Belkacem.
A cette époque-là, il était le seul dirigeant en mesure d’imposer une autorité indiscutable tant aux militaires membres du GPRA (Boussouf et Bentobbal), qu’aux dirigeants du FLN et aux ministres politiques qu’ils fussent d’origine CRUA, centralistes ou anciens de l’UDMA. Krim Belkacem a été brillamment secondé, durant ces négociations, par des hommes remarquables tant du fait de leur engagement en faveur de la paix et du triomphe de la liberté du peuple algérien, que du fait de leurs éminentes qualités de négociateurs et de « debatters » face à des négociateurs français compétents et coriaces. Parmi ces négociateurs algériens, une mention toute particulière devrait être réservée à Ahmed Boumendjel, Tayeb Boulahrouf, Ahmed Francis, Saad Dahlab, Mohamed Seddik Ben Yahia et Redha Malek. Tous, d’une manière ou d’une autre, se sont distingués par leurs compétences, leur habilité et leur fermeté. C’est Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes, qui a présidée la délégation française. En fait, c’est de Gaulle qui, de Paris, l’a dirigée, jour après jour, jusqu’a la fin. La délégation française lui doit non seulement ses orientations générales et ses directives ponctuelles, mais aussi ses suggestions pour les sorties de crise, sa fermeté et la fertilité de son imagination. En fait, de Gaulle était consulté quotidiennement sur tout et il lui en était rendu compte surtout, à tout instant. A titre d’exemple de son intérêt et de sa vigilance pour tout ce qui touchait la rencontre, c’est lui qui a rédigé de sa main le protocole de la cérémonie d’arrivée de la délégation algérienne en terre française à Evian, le 20 mai 1961, en provenance de Suisse. Voici le texte de la note manuscrite de de Gaulle qu’un émissaire français a confiée à Olivier Long, l’incomparable Monsieur « bons offices » suisse, le 18 mai 1961, pour qu’il la remettre à son tour à la partie algérienne, avant son départ du territoire helvétique pour Evian. « Il convient, dit de Gaulle, de se souvenir que les délégations représentent des combattants. Aussi, ne serait-ce que par respect pour les combattants eux-mêmes, les rapports des deux délégations devront être marqués de la plus grande simplicité et même de la plus grande austérité. Cette règle sera limitée au temps des combats, elle ne préjuge en rien l’avenir. Dans ces conditions, la délégation du FLN comprendra que ce ne sera en aucune façon par dérogation aux règles de la courtoisie protocolaire que le sous-préfet de Thonon-les-Bains ne pourra leur serrer la main. Pour les mêmes raisons, cette disposition sera également valable à l’intérieur de la salle des séances. »
L’ouverture sans témoin des négociations à Evian I (20 mai 1961)
L’ouverture d’Evian I a eu lieu le 20 mai 1961 à 11h, à l’hôtel du Parc. Le moment est solennel et symbolique. Il scelle la fin d’une époque pour la France en Algérie et le début d’une ère nouvelle pour le peuple algérien. C’est la première fois, en effet, depuis juillet 1830, c’est-à-dire depuis 131 ans, qu’une délégation ministérielle algérienne rencontre officiellement une délégation française présidée par un membre du gouvernement français non pas pour discuter de reddition, de soumission et d’aman, mais pour s’entendre avec elle sur les modalités de la décolonisation et de la libération de l’Algérie, en vue de restaurer son indépendance nationale et sa souveraineté. « Le gouvernement français était tellement conscient de l’importance symbolique de l’événement et de l’effet désastreux que sa diffusion par l’image pouvait provoquer dans l’opinion publique française, dans I’Hexagone, ainsi qu’en Algérie sur l’Armée française et les pieds-noirs qu’il a décidé de la censurer et d’en effacer toute trace audiovisuelle pour la postérité. A cet effet, des instructions avaient été données et des dispositions avaient été prises pour qu’il n’y ait pas de témoin de cette séance d’ouverture. Et surtout pas de journalistes ni de photographes ou de cameramen. » La rencontre se déroulant en territoire français, les membres de la délégation algérienne ne pouvaient que subir sans broncher la chape de plomb imposée par la partie française sur cette cérémonie d’ouverture. Ils savaient que rien n’était laissé au hasard par de Gaulle en ce qui concernait cette rencontre et que c’était à dessein qu’aucun témoin n’avait été invité à y assister. Pourtant, à entendre, à l’ouverture de la cérémonie, les exposés liminaires des deux chefs de délégation, il n’était pas du tout évident qu’une « solution, négociée, pacifique et mutuellement acceptable » serait aisément accessible à Evian. En effet, pour Louis Joxe : « Il s’agit de discuter des conditions et des garanties d’application de l’autodétermination. Mais cela, ajoute-t-il, n’empêche pas d’envisager l’hypothèse d’une Algérie ‘’souveraine en dedans et en dehors’’. La question qui sera posée au référendum est donc celle-ci : ‘’Souveraineté oui ou non ?’’ Dans l’affirmative, deux voies se présentent : la sécession ou l’association en toute souveraineté avec la France. Si les populations se prononcent en faveur de la première voie, la France est prête à l’admettre. Mais alors, elle prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder ses intérêts en tant que nation et assurer la défense de ses nationaux. Et le chef de la délégation française d’indiquer clairement ses préférences. ‘’La France est prête à envisager une association sur les plans économique, financier et technique, culturel et celui de la défense. Elle le fait avec le désir que cette association soit claire et que le statut des communautés soit établi. Enfin, la France pense à sa sécurité et aux bases(1) militaires qu’elle voulait garder en Algérie’’. » La réponse de Krim fut aussi claire. En voici quelques extraits « Le problème pour lequel on se trouve réunis ici, dit-il, est celui de la ‘’décolonisation totale’’ de l’Algérie, de la ‘’disparition d’un système périmé et de l’accession de notre peuple à l’indépendance’’. Ce n’est pas par xénophobie que nous voulons notre indépendance, mais c’est parce que c’est notre ‘’droit imprescriptible’’. Si le gouvernement provisoire de la République algérienne a marqué son accord, le 28 septembre 1959, pour l’autodétermination, c’est parce qu’il était persuadé qu’il pouvait grâce à cette procédure réaliser son indépendance. Encore faut-t-il que cette autodétermination puisse se ‘’dérouler librement’’, sans être assortie de ‘’clauses irréalistes’’ qui videraient la décolonisation de son contenu. C’est dire que I’intégrité du territoire national et l’unité du peuple algérien doivent être respectées en tout état de cause. ‘’Faisant allusion aux Européens, il précise que l’indépendance, qui n’est pas synonyme pour nous de ressentiment, se conçoit dans ‘’un contexte où les intérêts légitimes des uns pourront s’épanouir dans le respect des intérêts des autres. Tous les hommes de bonne volonté, sans distinction de race ou de confession, auront leur place’’. » Comme on peut le constater à travers ces deux extraits des deux déclarations liminaires lors de la première séance, les positions des deux délégations étaient restées absolument inchangées depuis Lucerne et Neuchâtel singulièrement sur la question de l’intégrité territoire de l’Algérie et de l’unité du peuple algérien. La seule nouveauté était la décision française d’observer, d’une manière unilatérale, une trêve d’un mois. La partie algérienne en a pris bonne note, mais sans la commenter ni proposer quoi que ce fut en retour.
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