Avnery : Je suis venu, j’ai vu, j’ai détruit !
17 mars 2008Alors qu’un cessez-le-feu était à portée de main, Israël a de nouveau mis le feu aux poudres en envoyant des commandos assassiner des militants palestiniens en représaille à une action menée en 2001. Avnery, furieux devant tant d’irresponsabilité, en conclut que le gouvernement israélien, à commencer par Ehud Barak, responsable de cette décision, ne veut à aucun prix conclure une trêve avec le Hamas. Il est conforté en cela par l’appui indéfectible des USA, entrainant l’Europe dans leur sillage, juge-t-il. S’il a raison, autant dire qu’Annapolis et les promesses de réglement en 2008 ne sont que des simulacres. Sans une pression forte exercée sur Israël pour un retour aux frontières de 1967, ce conflit va continuer à provoquer des drames et à répandre ses métastases. Faudra-t-il attendre que l’Europe vive son 11 septembre pour que nous en prenions conscience ?
Par Uri Avnery, Gush Shalom, 15 mars 2008
Le ministre de la Défense et ses hommes compromettent le cessez-le-feu d’aujourd’hui afin de se venger de quelque chose qui s’est passé il y a sept ans. Il était évident à tous que le meurtre de militants du Djihad islamique à Bethléem causerait la reprise des tirs de Qassam sur Sderot. Et c’est ce qui s’est passé. CE QUI EST arrivé cette semaine est si rageant, si exaspérant, que cela sort même du cadre de notre paysage familier d’irresponsabilité gouvernementale.
A court terme, une suspension de facto des hostilités prenait forme. Les Egyptiens avaient fait de gros efforts pour la transformer en un cessez-le-feu officiel. L’intensité de la flamme avait déjà visiblement baissé. Le lancement sur Israël de roquettes Qassam et Grad à partir de la bande de Gaza était passé de plusieurs dizaines à deux ou trois par jour.
Et alors quelque chose est arrivé qui a de nouveau attisé la flamme : des soldats camouflés de l’armée israélienne tuèrent quatre militants palestiniens à Bethléem. Un cinquième fut tué dans un village près de Tulkarem.
LE MODUS OPERANDI ne laissait aucun doute sur l’intention.
Comme d’habitude, la version officielle fut mensongère. (Quand le porte-parole de l’armée dit la vérité, il a honte et se précipite immédiatement dans un nouveau mensonge.) Les quatre, a-t-on dit, ont sorti leurs armes et mis en danger la vie des soldats, qui voulaient simplement les arrêter, et qui ont donc été contraints d’ouvrir le feu.
Un demi-cerveau suffit pour comprendre que c’est un mensonge. Les quatre hommes étaient dans une petite voiture dans la rue principale de Bethléem, la route qui relie Jérusalem à Hébron depuis l’époque britannique (ou turque). Ils étaient en effet armés, mais ils n’avaient aucune possibilité de sortir leurs armes. La voiture fut tout simplement criblée de balles.
Ce n’était pas une tentative de les arrêter. C’était une exécution, pure et simple, une de ces exécutions sommaires dans lesquelles le Shin Bet remplit les rôles de procureur, juge et bourreau.
Cette fois-ci, aucun effort n’a même été fait pour prétendre que les quatre hommes étaient sur le point de commettre un attentat. On n’a pas dit, par exemple, qu’ils avaient quelque chose à voir avec l’attaque de la semaine dernière sur l’école de Mercaz Harav, vaisseau-amiral de la flotte des colons. En fait, une telle assertion ne pourrait pas être avancée car le plus important des quatre avait récemment donné des interviews aux médias israéliens et annoncé qu’il souscrivait au "projet d’amnistie" israélien - un programme du Shin Bet selon lequel des militants "recherchés" rendent leurs armes et entreprennent de cesser la résistance à l’occupation. Il était aussi candidat aux dernières élections palestiniennes.
Donc, pourquoi ont-ils été tués ? Le Shin Bet n’a pas caché la raison : deux des quatre avaient participé à des attaques en 2001 au cours desquelles des Israéliens avaient été tués.
"Nous arriverons à les attraper, même des années plus tard", avait affirmé Ehoud Barak à la télévision, "nous finirons par prendre toute personne qui a du sang juif sur les mains."
EN TERMES SIMPLES : Le ministre de la Défense et ses hommes compromettent le cessez-le-feu d’aujourd’hui afin de se venger de quelque chose qui s’est passé il y a sept ans.
Il était évident à tous que le meurtre de militants du Djihad islamique à Bethléem causerait la reprise des tirs de Qassam sur Sderot. Et c’est ce qui s’est passé.
L’effet d’une roquette Qassam est totalement imprévisible. Pour les habitants de Sderot, c’est une sorte de roulette israélienne - la roquette peut tomber dans un champ, elle peut tomber sur un immeuble, quelquefois elle tue des gens.
En d’a utres termes, Barak, selon ses propres dires, était prêt à risquer des vies juives aujourd’hui pour se venger de personnes qui ont peut-être fait couler du sang il y a des années et qui ont depuis abandonné leur activité armée.
L’accent est mis sur le mot "Juif". Dans sa déclaration, Barak a pris soin de ne pas parler de personnes "avec du sang sur les mains", mais de personnes "avec du sang juif sur les mains". Le sang juif, bien sûr, est tout à fait différent de tout autre sang. Et en effet, il n’y a personne dans le leadership israélien ayant autant de sang sur les mains que lui. Pas du sang abstrait, pas du sang métaphorique, mais du vrai sang, bien rouge. Pendant son service militaire, Barak a personnellement tué un grand nombre d’Arabes. Quiconque lui serre la main - de Condoleeza Rice jusqu’à l’hôte honoré cette semaine, Angela Merkel - serre une main avec du sang dessus.
LA TUERIE de Bethléem soulève un certain nombre de questions difficiles. Mais, à quelques exceptions près, les médias n’en ont pas parlé. Ils se dérobent à leur devoir, comme d’habitude quand les problèmes de "sécurité" sont en cause.
17 mars 2008Alors qu’un cessez-le-feu était à portée de main, Israël a de nouveau mis le feu aux poudres en envoyant des commandos assassiner des militants palestiniens en représaille à une action menée en 2001. Avnery, furieux devant tant d’irresponsabilité, en conclut que le gouvernement israélien, à commencer par Ehud Barak, responsable de cette décision, ne veut à aucun prix conclure une trêve avec le Hamas. Il est conforté en cela par l’appui indéfectible des USA, entrainant l’Europe dans leur sillage, juge-t-il. S’il a raison, autant dire qu’Annapolis et les promesses de réglement en 2008 ne sont que des simulacres. Sans une pression forte exercée sur Israël pour un retour aux frontières de 1967, ce conflit va continuer à provoquer des drames et à répandre ses métastases. Faudra-t-il attendre que l’Europe vive son 11 septembre pour que nous en prenions conscience ?
Par Uri Avnery, Gush Shalom, 15 mars 2008
Le ministre de la Défense et ses hommes compromettent le cessez-le-feu d’aujourd’hui afin de se venger de quelque chose qui s’est passé il y a sept ans. Il était évident à tous que le meurtre de militants du Djihad islamique à Bethléem causerait la reprise des tirs de Qassam sur Sderot. Et c’est ce qui s’est passé. CE QUI EST arrivé cette semaine est si rageant, si exaspérant, que cela sort même du cadre de notre paysage familier d’irresponsabilité gouvernementale.
A court terme, une suspension de facto des hostilités prenait forme. Les Egyptiens avaient fait de gros efforts pour la transformer en un cessez-le-feu officiel. L’intensité de la flamme avait déjà visiblement baissé. Le lancement sur Israël de roquettes Qassam et Grad à partir de la bande de Gaza était passé de plusieurs dizaines à deux ou trois par jour.
Et alors quelque chose est arrivé qui a de nouveau attisé la flamme : des soldats camouflés de l’armée israélienne tuèrent quatre militants palestiniens à Bethléem. Un cinquième fut tué dans un village près de Tulkarem.
LE MODUS OPERANDI ne laissait aucun doute sur l’intention.
Comme d’habitude, la version officielle fut mensongère. (Quand le porte-parole de l’armée dit la vérité, il a honte et se précipite immédiatement dans un nouveau mensonge.) Les quatre, a-t-on dit, ont sorti leurs armes et mis en danger la vie des soldats, qui voulaient simplement les arrêter, et qui ont donc été contraints d’ouvrir le feu.
Un demi-cerveau suffit pour comprendre que c’est un mensonge. Les quatre hommes étaient dans une petite voiture dans la rue principale de Bethléem, la route qui relie Jérusalem à Hébron depuis l’époque britannique (ou turque). Ils étaient en effet armés, mais ils n’avaient aucune possibilité de sortir leurs armes. La voiture fut tout simplement criblée de balles.
Ce n’était pas une tentative de les arrêter. C’était une exécution, pure et simple, une de ces exécutions sommaires dans lesquelles le Shin Bet remplit les rôles de procureur, juge et bourreau.
Cette fois-ci, aucun effort n’a même été fait pour prétendre que les quatre hommes étaient sur le point de commettre un attentat. On n’a pas dit, par exemple, qu’ils avaient quelque chose à voir avec l’attaque de la semaine dernière sur l’école de Mercaz Harav, vaisseau-amiral de la flotte des colons. En fait, une telle assertion ne pourrait pas être avancée car le plus important des quatre avait récemment donné des interviews aux médias israéliens et annoncé qu’il souscrivait au "projet d’amnistie" israélien - un programme du Shin Bet selon lequel des militants "recherchés" rendent leurs armes et entreprennent de cesser la résistance à l’occupation. Il était aussi candidat aux dernières élections palestiniennes.
Donc, pourquoi ont-ils été tués ? Le Shin Bet n’a pas caché la raison : deux des quatre avaient participé à des attaques en 2001 au cours desquelles des Israéliens avaient été tués.
"Nous arriverons à les attraper, même des années plus tard", avait affirmé Ehoud Barak à la télévision, "nous finirons par prendre toute personne qui a du sang juif sur les mains."
EN TERMES SIMPLES : Le ministre de la Défense et ses hommes compromettent le cessez-le-feu d’aujourd’hui afin de se venger de quelque chose qui s’est passé il y a sept ans.
Il était évident à tous que le meurtre de militants du Djihad islamique à Bethléem causerait la reprise des tirs de Qassam sur Sderot. Et c’est ce qui s’est passé.
L’effet d’une roquette Qassam est totalement imprévisible. Pour les habitants de Sderot, c’est une sorte de roulette israélienne - la roquette peut tomber dans un champ, elle peut tomber sur un immeuble, quelquefois elle tue des gens.
En d’a utres termes, Barak, selon ses propres dires, était prêt à risquer des vies juives aujourd’hui pour se venger de personnes qui ont peut-être fait couler du sang il y a des années et qui ont depuis abandonné leur activité armée.
L’accent est mis sur le mot "Juif". Dans sa déclaration, Barak a pris soin de ne pas parler de personnes "avec du sang sur les mains", mais de personnes "avec du sang juif sur les mains". Le sang juif, bien sûr, est tout à fait différent de tout autre sang. Et en effet, il n’y a personne dans le leadership israélien ayant autant de sang sur les mains que lui. Pas du sang abstrait, pas du sang métaphorique, mais du vrai sang, bien rouge. Pendant son service militaire, Barak a personnellement tué un grand nombre d’Arabes. Quiconque lui serre la main - de Condoleeza Rice jusqu’à l’hôte honoré cette semaine, Angela Merkel - serre une main avec du sang dessus.
LA TUERIE de Bethléem soulève un certain nombre de questions difficiles. Mais, à quelques exceptions près, les médias n’en ont pas parlé. Ils se dérobent à leur devoir, comme d’habitude quand les problèmes de "sécurité" sont en cause.
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